Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BOURBON (Charles, duc DE), comte de Montpensier et de la Marche, si célèbre sous le nom de connétable de Bourbon

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 1111).

BOURBON (Charles, duc de), comte de Montpensier et de la Marche, si célèbre sous le nom de connétable de Bourbon, né en 1490, mort en 1527. Deuxième fils du comte de Montpensier, il réunit successivement, par la mort de son aîné, puis par son mariage avec sa cousine Suzanne de Bourbon, les immenses domaines des deux branches de la maison de Bourbon, le Bourbonnais, la moitié de l'Auvergne, la Marche, le Beaujolais, etc. Il fit ses premières armes à côté de Bayard, lors de la révolte des Génois (1507), décida par son intrépidité froide et réfléchie la victoire d’Agnadel, sauva la Bourgogne ouverte aux Suisses par les revers de la Trémouille à Novare (1513), et reçut l’épée de connétable des mains de François Ier. À Marignan (1515), il combattit avec une furie de bravoure qui faillit dix fois lui coûter la vie, et fut nommé peu de jours après gouverneur de Milan et de la Lombardie. Bientôt, cependant, des nuages ne tardèrent pas à s'élever entre lui et François Ier, soit à propos d’une rivalité pour Mme de Chateaubriant, soit pour toute autre cause. On prétend aussi que Bourbon ayant dédaigné l’amour de Louise de Savoie, mère du roi, cette princesse irritée n’épargna rien pour redoubler l’antipathie de son fils contre lui. Dans la campagne des Pays-Bas, François confia au duc d’Alençon le commandement de l’avant-garde, qui appartenait de droit au connétable, et fit à celui-ci un grand nombre de passe-droits et d’affronts. Ces misérables tracasseries de cour, qui eurent des suites si funestes, n'étaient que le prélude de persécutions plus cruelles encore, dont le motif principal ou du moins l’un des motifs était sans doute la crainte et l'envie qu'inspirait la puissance de Charles de Bourbon, prince du sang ; possesseur des plus grands fiefs du royaume, dont la maison se composait de cinq cents gentilshommes, et qui avait une influence prépondérante sur l'armée, le parlement et la cour. « Si j’avais un pareil sujet, avait dit Henri VIII à François Ier, après le camp du Drap d’or, je ne lui laisserais pas longtemps la tête sur les épaules. » Les animosités s’envenimèrent de plus en plus. On veut aussi que Louise de Savoie ait été poussée aux dernières limites de la colère par le refus outrageant de sa main, qu’elle aurait offerte au connétable. Quoi qu'il en soit, elle éclata en réclamant devant le parlement l'héritage bourbonnais, comme fiefs féminins dont elle était la plus proche héritière : c’était revenir sur une donation formelle de Louis XII, sur la donation de la femme et de la belle-mère de Charles de Bourbon, et consommer la ruine de celui-ci. Pendant que le procès se poursuivait, Charles, exaspéré par ces persécutions, prêta l’oreille aux propositions secrètes de Charles-Quint, sollicita la main de sa sœur Éléonore, et lui offrit son épée pour l'invasion et le démembrement de la France. Un traité fut signé ; mais au moment de se joindre aux troupes de l'empereur qui entraient par la Franche-Comté pendant que les Anglais se préparaient à envahir la Normandie, Charles, soupçonné depuis longtemps et enfin poursuivi, dut s'enfuir secrètement et se jeter en fugitif dans les rangs ennemis, au lieu d’y paraître en général et en prince (1523). Nommé lieutenant général par l'empereur, il passa en Italie, d'où il chassa bientôt les Français et Bonnivet. C'est en les poursuivant, au passage de la Sechia, qu'il reçut, confus et humilié, les reproches de Bayard mourant. Il n'en continua pas moins à combattre contre sa patrie, enleva un grand nombre de villes en Provence, échoua devant Marseille (1525), contribua à la victoire de Pavie, se rendit ensuite en Espagne, sans doute afin de n’être pas oublié dans le traité de Madrid, puis se jeta de nouveau en Italie, secrètement résolu à faire la guerre pour son propre compte et à s’emparer de la souveraineté du Milanais, qui lui avait été promise. Méprisé comme transfuge par les Espagnols, qui avaient profité de ses services, joué par l'empereur, qui l’avait constamment bercé de promesses, repoussé par François Ier, qui venait d'anéantir le traité de Madrid, où était stipulée la restitution de ses biens, il se jeta dans les partis désespérés, commença à agir en maître dans le Milanais, sans attendre l'investiture impériale, recruta son armée de lansquenets et d'aventuriers allemands, à qui il promit le pillage de l’Italie, et qui jurèrent de le suivre partout, fût-ce à tous les diables, et les conduisit enfin sous les murs de Rome. Lui-même il planta la première échelle et entraîna ses bandes à l'assaut ; mais comme il gravissait les échelons, il fut blessé mortellement par une arquebusade, partie, dit-on, de la main du fameux Benvenuto Cellini, et expira en emportant dans la tombe le secret de ses desseins. On a prétendu qu'il aspirait à se faire roi de Rome et de Naples. Sa mort ne sauva point Rome, qui fut pendent deux mois livrée à toutes les horreurs du pillage et vit se renouveler les scènes de dévastation et de massacre des temps d’Alaric et de Genséric. Le cadavre du connétable fut emporté par ses farouches compagnons d’armes, qui l'enterrèrent à Gaëte. Sa mémoire fut flétrie à Paris par arrêt du parlement, ses biens féodaux furent dévolus à la couronne, ses autres biens confisqués, et la porte de son hôtel fut peinte en jaune, couleur des traîtres. Toutefois l'annulation d'une partie de cette sentence fut imposée par Charles-Quint dans le traité de Cambrai.