Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BOULANGER (Louis), peintre français

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 1089).

BOULANGER (Louis), peintre français, né à Verceil (Piémont) en 1806, mort à Dijon en 1867. Il se forma sous la direction de Lethière et d’A. Devéria, et exposa pour son début, au Salon de 1827, un Mazeppa (aujourd’hui au musée de Rouen), tableau plein d’énergie et de mouvement, exécuté dans la chaude éclosion du romantisme et auquel le jury décerna, sans doute par mégarde, une médaille de 2e classe. Cet ouvrage plaça immédiatement M. Boulanger au premier rang de la jeune école et lui valut les sympathies, les encouragements, les louanges les plus chaudes et les plus exagérées des écrivains de la pléiade romantique. Victor Hugo le prit sous son patronage et lui dédia quelques-unes de ses plus belles poésies. En retour, l’artiste s’inspira souvent du poëte et commenta ses œuvres avec le crayon et le pinceau. Au reste, les faveurs du gouvernement ne lui firent pas défaut. Il exposa, en 1833, l’Assassinat de Louis d’Orléans par le duc de Bourgogne, commande du ministère des travaux publics, et, en 1835, le Cantique de Judith, commande du ministère de l’intérieur. À dire vrai, ces ouvrages ne sont pas de ses meilleurs. Le favori du romantisme devait se sentir mal à l’aise dans la peinture officielle. Il retrouva toute sa verve pour peindre des sujets puisés dans les livres de ses amis et dans ceux des poëtes et des romanciers des autres âges, dans Virgile, Dante, le Tasse, l’Arioste, Shakspeare, Cervantes, Le Sage, La Fontaine, Walter Scott, etc. Artiste d’une inépuisable imagination et d’une main infatigable, il a pris part à toutes les expositions qui ont eu lieu de 1827 à 1866, excepté à celles de 1838, 1842, 1847, 1848 et 1864. Parmi ses nombreuses productions, nous nous contenterons de citer:Renaud dans les jardins d’Armide, la Mort et le bûcheron et les Muletiers espagnols (Salon de 1833) ; une série de brillantes aquarelles représentant des scènes tirées de Notre-Dame de Paris, de Béatrix de Cenci, de Lucrèce Borgia, d’Othello, du Roi Lear (Salons de 1833 et de 1834) ; les Noces de Gamache, composition ingénieuse et vivante (Salon de 1835); le Triomphe de Pétrarque, « poétique et splendide apothéose du génie, » suivant l’expression de Gustave Planche, peinture savante, harmonieuse, exécutée dans un style décoratif pour la galerie du marquis de Custine, et qui eut le double avantage d’inspirer à Victor Hugo une de ses meilleures pièces et de valoir à l’artiste une médaille de 1re classe:les Trois amours poétiques (la Béatrix, de Dante ; la Laure, de Pétrarque, et Orsolina, aimée de l’Arioste), « espèce de Parnasse romantique, a dit Th. Gautier, œuvre élégante, pleine de goût, de talent et de distinction, » qui fut exposée en 1840, et pour laquelle M. Boulanger reçut la croix de la Légion d’honneur ; les Bergers de Virgile et des Baigneuses (1845) ; la Douleur d’Hécube, commande du ministère de l’intérieur, Ugolin et ses fils (1858) ; le Roi Lear et son fou (1853) ; Saint Jérôme et les Romains fugitifs, seule grande composition que l’artiste ait envoyée à l’exposition universelle de 1855, où ses admirateurs ont regretté avec raison de ne pas retrouver quelques-unes de ses œuvres antérieures ; les Gentilshommes de la sierra ; le Guitarero ; la Fête au château de Lirias, et Roméo achetant du poison (1857) ; Don Quichotte et le chevrier, Othello, Macbeth, le Message (1859) ; la Rêverie de Velléda et la Ronde du sabbat (1861); Vive la joie ! sujet tiré de Notre-Dame de Paris, et un Concert picaresque (1866). M. Louis Boulanger a exécuté en outre un certain nombre de peintures religieuses:Saint Marc (1831) ; Notre-Dame de pitié (1844) ; une Sainte Famille (1845) ; Mater dolorosa (1857) ; l’Apparition du Christ aux saintes femmes (1859); une autre Sainte Famille, commande du ministère d’État (1855). On lui doit aussi une foule de très-beaux portraits et notamment ceux de divers écrivains contemporains : V. Hugo, Balzac, Alexandre Dumas père (en costume de Circassien), Alexandre Dumas fils, A. Maquet, Granier de Cassagnac, etc. Voilà sans doute une carrière laborieusement et brillamment remplie, et l’on pourrait croire que M. Louis Boulanger jouit paisiblement aujourd’hui d’une réputation incontestée ; mais, hélas ! notre génération oublie vite : c’est là son moindre défaut. Après avoir été fêté, prôné, chanté à outrance, il y a quelque vingt ans, le triomphateur des luttes romantiques a passé à peu près inaperçu aux expositions récentes. Sa verve assurément s’est refroidie, son pinceau n’a plus de ces emportements qui faisaient jadis la joie de la pléiade ; son intempérance s’est changée en sobriété ; mais on retrouve encore dans quelques-unes de ses œuvres, surtout dans ses portraits, le vaillant coloriste d’autrefois. Et d’ailleurs, ne convient-il pas de le juger seulement sur les productions de sa première manière, qui suffisent pour lui assigner une place honorable parmi les maîtres de l’école contemporaine ? — Depuis 1860, M. Louis Boulanger dirige l’école des beaux-arts de Dijon : faut-il s’étonner que, devenu professeur, il ait cru devoir adopter un dessin moins hardi et mettre une sourdine à sa palette ?