Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BORDEAUX, en latin Burdigala, ville de France (Gironde), ancienne capitale de la Guyenne

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 996-998).

BORDEAUX, en latin Burdigala, ville de France (Gironde), ancienne capitale de la Guyenne, ch.-i. de département, d’arrond. et de six cantons, sur la rive gauche de la Garonne, qui y forme un port magnifique, à 96 kilom. S.-E. de l’embouchure de ce fleuve dans l’Atlantique, par 44° 50’ de latitude N., et 20 54’ de longitude O. ; à 583 kilom. S.-O. de Paris ; pop. aggl. 149,229 hab. — pop. tôt. 162,750 hab. L’arrondissement comprend 18 cantons, 157 communes et 344,006 hab. Archevêché, dont relèvent les sièges de Poitiers, Périgueux, Ageri, Luçon, Angoulême, La Rochelle, Fort-de-France, la Basse-Terre, Saint-Denis ; grand et petit séminaire. Église consistoriale réformée ; synagogue consistoriale. Cour impériale ; tribunaux de lrc instance, de commerce et justice de paix ; conseil de prud’hommes ; chambre et bourse de commerce. Chef-lieu d’académie.pour les départements de la Gironde, Dordogne, Landes, Lot-et-Garonne et Basses-Pyrénées ; faculté de théologie catholique, des sciences, des lettres ; école préparatoire de médecine et de pharmacie ; lycée impérial ; école normale d’instituteurs ; cours normal d’institutrices ; école d’hydrographie et de navigation ; cours de droit maritime ; école des mousses et novices ; école de dessin, peinture et sculpture ; bibliothèque publique ; musées, jardin botanique, observatoire ; académie impériale des sciences, lettres et arts. Chef-liuu de la 14e division militaire, du 29= arrondissement forestier, et de l’arrondissement minéralogique de la division du Si-O. ; direction des douanes ; consulats étrangers. Hôtel des monnaies (K).

Les constructions navales occupent le premier rang dans l’industrie bordelaise comme importance et comme mérite ;.il existe sept chantiers dans la ville et trois dans la banlieue ; ils ont.produit, en 1864, 57 navires, jaugeant ensemble 23,907 tonneaux. On compte à Bordeaux 20 raffineries de sucre, de nombreuses fabriques d’ahisette renommée, eau-de-vie, savon, couvertures, tapis, faïence et porcelaine ; des filatures de laine et de coton ; des fabriques de chocolat, vinaigres, conserves alimentaires, barriques, bouchons de liège, gants de peau, cartes a jouer. Corderie pour la marine ; verrerie à bouteille ; ateliers de cartonnages, etc., etc. Bordeaux fait peu d’affaires avec le bassin de la Méditerranée, mais il est en relation commerciale avec le reste du monde ; le port a des services réguliers de paquebots avec Rotterdam et Londres ; de clippers avec l’Australie" ; de navires à voile avec la Havane et le Mexique. La profondeur de la rivière rend possible, en toute saison, l’accès des navires qui ont 1 m. 25 cent, de tirant d’eau. Le mouvement de la grande navigation a donné en 1851 les chiffres suivants : à l’entrée, 1,126 navires d’un tonnage total de 172,361 t. ; à la sortie, 1,050 navires, jaugeant 177,906 t. ; en 1801, 1,955 navires, jaugeant 372,533 t., sont entrés dans le port de Bordeaux, et 1,690 navires, d’un tonnage total de de 372,152 t., en sont sortis. Les résultats statistiques du cabotage indiquent, entrée et sortie réunies, 22,592 navires, jaugeant ensemble 693^198 t. Les importations consistent surtout en produits coloniaux, fers, étain, cuivre, plomb, viandes et poissons, salés, graisse, houille. Les articles d’exportation comprennent les tissus, les sucres raffinés, les papiers, cristaux, verreries, cuirs ouvrés, soies, porcelaines, légumes secs, fils, surtout les vins et les spiritueux.

— HUioirc. L’époque de la fondation de Bordeaux se perd dans la nuit des temps. L’histoire ne nous dit pas non plus comment cette ville tomba au pouvoir des Romains ; on sait seulement que c’était dès lors une cité importante, capitale des Bituriges Vibisci, sous le nom de Burdigala. Strabon est le- premier qui en fasse mention sous ce nom, que lui donne aussi Ptolémée. La position de l’ancienne Burdigala à Bordeaux est prouvée par les mesures des routes de laTable de Peutinger et de l’Itinéraire d’Antonin. Les Romains, qui en firent la capitale de la Ile Aquitaine, la démolirent entièrement en 260 de notre ère,

Four la reconstruire d’après les dessins et architecture des cités latines, et l’embellirent de plusieurs beaux édifices. Mais l’invasion des Barbares fit disparaître cette splendeur antique : d’abord les Visigoths la saccagèrent et l’occupèrent pendant près d’un siècle ; puis les Francs de Clovis, après la bataille de Vouillé (509), s’en rendirent maîtres et continuèrent l’œuvre des Visigoths. Plus tard, en 7-29, Eudes, duc d’Aquitaine, dans sa lutte contre les Francs, appela à son secours les Sarrasins, qui prirent et pillèrent Bordeaux. Placée presque à l’embouchure d’un grand fleuve, cette ville dut tenter la cupidité des Normands, qui, en effet, détruisirent ce qu’ils ne purent enlever, et abattirent la plupart des édifices. Vers 9U, les ducs de Gascogne étant devenus paisibles possesseurs d’un des plus beaux pays que leur enviaient leurs rivaux, les autres grands vassaux de la couronne, firent rebâtir Bordeaux, mais dans le goût

BORD

barbare de cette époque, et y appelèrent de nouveaux habitants. En 1132, le mariage d’Eléonore de Guyenne avec Henri, duc de Normandie, depuis roi d’Angleterre, fit passer Bordeaux sous la domination anglaise. Mais Charles VII, qui avait chassé les Anglais de la Normandie, voulut aussi leur enlever la Guyenne. Dunois vint mettre le siège devant Bordeaux et en prit possession (1451). L’année suivante, cette ville se révolta contre le roi de France ; le reste de la Guyenne suivit son exemple, et cette rébellion fut appuyée par l’Angleterre, qui envoya Talbot, l’un de ses meilleurs généraux. Charles VII arriva bientôt en personne, investit la ville, intercepta tous les convois et, après avoir vaincu Talbot a. Castillon, força les Bordelais h se rendre à discrétion. En 1548, les habitants de Bordeaux, ardemment attachés à leurs privilèges, auxquels l’impôt de la gabelle portait atteinte, prirent les armes, s’emparèrent de l’hôtel de ville, et massacrèrent le lieutenant du gouverneur, ainsi que quelques commis de la gabelle ; mais bientôt les séditieux furent battus, et plusieurs d’entre eux punis du dernier supplice. Tout était calmé, lorsque Henri II envoya le connétable Anne de Montmorency, qui pénétra dans la ville par la brèche faite à coups de canon, bien que Bordeaux n’opposât aucune résistance, imposa aux habitants une contribution de 200,000 livres et les priva de tous leurs privilèges. « La maison de ville, dit de Thou, devait être m’sée, et toutes les cloches des églises transportées dans les châteaux, qui seraient fortifiés aux dépens du peuple. Enfin, pour expier l’horrible attentat que les habitants avaient commis contre la personne du lieutenant du gouverneur, la sentence portait qu’ils le déterreraient eux-mêmes, non avec le secours de quelque instrument, mais avec leurs propres ongles, et que le corps de ce seigneur serait conduit de nouveau à la sépulture par les jurats et six-vingts bourgeois en habit de deuil, et le flambeau à la main. » Celle punition ne parut pas encore suffisante, et le connétable exerça à Bordeaux de nombreux actes de barbarie, qui couvrirent à jamais son nom d’ignominie. Enfin, en 1550, après plusieurs humbles réclamations, le châtiment eut un terme ; le parlement bordelais fut réintégré ; on remit à la ville une partie de l’amende exigée, et la plupart de ses privilèges lui furent restitués.

Bordeaux reconnut spontanément Henri IV, mais députa vers lui pour le supplier de rentrer dans le giron de l’Église romaine. Le 25 novembre 1615, Louis XIII épousa dans l’église Saint-André de Bordeaux 1 infante d’Espagne, Anne d’Autriche, fille aînée de Philippe III. En 1635, une insurrection éclata à Bordeaux, qui se révolta encore en 1675 à l’occasion de 1 établissement de l’impôt du papier timbré et de la marque d’étain. En 1787, le parlement, de cette ville, ayant refusé d’enregistrer les édits bursaux, fut transféré à Libourne, où il resta pendant quatre mqis. En 1814, le maire de Bordeaux livra la ville aux Anglais, réunis aux Espagnols et aux Portugais, et fit proclamer les Bourbons. Lors du retour de l’île d’Elbe, la duchesse d’Angoulôine essaya vainement de retenir dans le parti du roi la garnison de Bordeaux ; elle fut contrainte d’aller s’embarquer à Pauillac, en apprenant l’arrivée du général Clausel.

Parmi les hommes célèbres qui sont nés à Bordeaux, nous citerons : le poète Ausone, le pape Clément V, le prince Novi, Berquin, le jurisconsulte Duvergier, les médecins Roux et Magendie ; le comte de Peyronnet, le dernier ministre de Charles X ; Chodruc-Duclos, surnommé le Diogène français ; les peintres Alaux, Bergeret, Brascassat, Diazde la Pena, O. Gué, Auguste et Rosa Bonheur, etc.

— Aipeci général : Port, ponts, quais, portes, promenades, etc. M. Théophile Gautier a tracé en 1840 la description suivante de la capitale de la Guyenne : « Bordeaux a beaucoup de ressemblance avec Versailles pour le goût des bâtiments : on voit qu’on a été préoccupé de cette idée dédé Easser Paris en grandeur ; les rues sont plus irges, les maisons plus vastes, les appartements plus hauts. Le théâtre a des dimensions énormes ; c’est l’Odéon fondu dans la Bourse. Mais les habitants ont de la peine à remplir leur ville ; ils font tout ce qu’ils peuvent pour paraître nombreux ; mais toute leur turbulence méridionale ne suffit pas à. meubler ces bâtisses disproportionnées ; ces hautes fenêtres ont rarement des rideaux, et l’herbe croît mélancoliquement dans les immenses cours. Ce

qui anime la ville, ce sont les grisettes et les femmes du peuple ; elles sont réellement très-jolies : presque toutes ont le nez droit, les joues sans pommettes, de grands yeux noirs dans un ovale pâle d’un effet charmant. Leur coiffure est très-originale ; elle se compose d’un madras de couleurs éclatantes, posé, à la façon des créoles, très en arrière, et contenant les cheveux qui tombent sur la nuque ; le reste de l’ajustement consiste en un grand châle droit qui va jusqu’aux talons, et une robe d’indienne à longs plis. Les femmes ont la démarche alerte et vive, la taille souple et cambrée, naturellement fine. Elles portent sur leur tète les paniers, les paquets et les cruches d’eau qui, par parenthèse, sont d’une forme très-élégante. Avec leur amphore sur la tête, leur costume à plis droits, on les prendrait pour des filles grecques et des princesse ; Nausicaas allant k la fontaine. > La

BORD

grisette bordelaise, cette fille accorte et rieuse, dont l’écrivain poète a fait un si séduisant portrait, est un type qui s’efface de jour en jour ; bientôt, il aura disparu. En revanche, la ville a beaucoup gagné en mouvement, en animation, dans ces dernières années ; sa population, qui ne dépassait guère 100,000 âmes en 1840, s’est accrue de plus d’un tiers depuis cette époque. Les grandes bâtisses bordelaises ne paraissent donc plus aussi disproportionnées. La plus grande activité règne sur les quais, au bord du fleuve, qui forme en cet endroit de son cours un arc de cercle, d’où est venu le surnom de Poïït de la lumi, donné a ce magnifique portnaturel.

Le Pont, jeté sur la Garonne, entre laville et le faubourg de La Bastide, où est située la gare du chemin de fer de Paris, est un monument des plus remarquables en son genre, Sa construction, projetée pour la première fois en 1776, regardée d’abord comme impossible et longtemps discutée, n’a été commencée qu’en 1810. À cette époque, le pont fut fait en charpente, avec deux culées en maçonnerie : mais neuf ans plus lard, il fut transformé en un pont de pierre et de brique, et ouvert à la circulation le 29 septembre 1821. Les ingénieurs furent MM. Deschamps et Billaudel. Long de 486 m. 68c, large de 14 m. 80 c.. entre les parapets, ce pont se compose de dix-sept arches a plein cintre en maçonnerie, reposant sur seize piles et doux culées eu pierre. Les sept arches du milieu, d’égale dimension, ont 26 111, 49 de diamètre ; celles qui suivent décroissent successivement jusqu’aux culées, près desquelles elles n’ont que 20 m. 84. Les piles, épaisses de 4 m. 21, sont couronnées d’un cordon et d’un chaperon, et se raccordent avec la douelle des voûtes au moyen d’une voussure qui donne plus de grâce et de légèreté a 1 ensemble du monument, en même temps qu’elle facilite l’écoulement des grandes eaux et des corps flottants. Lai pierre et la brique sont disposées sous les voûtes de manière à simuler l’appareil des caissons d’architecture. Le tympan, ou l’intervalle entre deux arches, est orné du chiffre royal sculpté sur un fond de briques. Au-dessus des arches règne un entablement a modillons d’un style sévère. Deux pavillons, décorés de portiques d’ordre dorique, s’élèvent à chacune des extrémités de la chaussée, sous laquelle sont pratiquées de vastes galeries, qui allègent le poids des voûtes et permettent de visiter en tout temps l’état des arches. Du haut du pont, la vue s’étend surtout le port et sur ses quais bordés de maisons monumentales, de magasins, de chantiers.

En amont du pont de pierre, on a jeté sur la Garonne, il y a quelques années, un pont en fonte, d une construction élégante et hardie, destiné à relier les chemins de fer du Midi et d’Orléans. Ce pont se compose de 7 travées, dont 2 de 57 m. 50 c. et 5 de 77 m. Les piles sont formées de deux énormes cylindres en fonte, de 30 m. de haut, dont un tiers seulement au-dessus de l’étiage, et dans lesquelles on a coulé du béton. « A le voir de loin, simple et dégagé qu’il est, dit le journal la Gironde, on se fait difficilement une idéu de l’impression que l’on éprouve en posant le pied sur le nouveau pont. C’est une masse imposante et légère à la fois. Sans doute, ce n’est pas l’élégante majesté du plein cintre et des arceaux multipliés ; c’est la netteté de la ligne droite, pleine de force, défiant, sur les rares piliers qui la supportent, les fardeaux les plus énormes.»

La Porte-Bourgogne, qui s’élève en face du pont, fut bâtie de 1751 à 1755. Appelée d’abord la porte des Salinières, parce que les bateaux de sel se déchargeaient dans le voisinage, elle reçut son nom actuel du duc de Bourgogne, fils de Louis XV. En 1807, elle fut démolie en partie et transformée en arc de triomphe pour le passage des troupes qui se rendaient en Espagne. Bordeaux possède encore plusieurs autres portes, parmi lesquelles il nous suffira de citer : la porte d’Aquitaine ou de Saint-Julien, construite à la même époque et à peu près sur le même plan que la précédente, et qui servit d’arc do triomphe aux Bourbons rentrant en France en 1814 ; la porte du Palais, connue encore sous les noms de porte Royale ou porte du Cailiiau, construction de la fin du xvu siècle, qui servit primitivement d’entrée au palais de lOmbrière, résidence des ducs d’Aquitaine, et qui futtransformée en arc de triomphe pour Charles VII ! après la bataille de Fornoue ; la porte de I’Hôtkl de ville, bâtie au xne siècle al’un des angles de l’ancien hôtel de ville, détruite en partie par le connétable de Montmorency, réparée en 1556 et en 1757 ; elle sert, de beffroi, d où lui vient le nom de porte de la G rosse-Cloche, sous lequel elle est communément désignée ; elle est coiffée de trois tourelles, dont l’une, celle du milieu, a pour ornement une lanterne que ’ surmonte un lion.

La plus grande et la plus belle place de la ville est la place des Quinconces, dont tout Bordelais se montre aussi fier que le Marseillais peut l’être de sa Cannebiere. C’est une esplanade de 280 m. de long sur SO m. de large, située au bord de la Garonne, à l’endroit où s’élevait autrefois le Château Trompette, forteresse construite par Charles VII, agrandie et modifiée par Vauban, et dont la démolition, commencée en 1785, ne fut ache- BORD

vée qu’en 1816. En 1818, les autorités municipales plantèrent solennellement les arbres des Quinconces. Depuis, de magnifiques habitations ont été construites aux abords de cette promenade, que décorent les statues de Montaigne et de Montesquieu, exécutées par

M, Maggesi, et deux colonnes rostrales, hautes de 20 m. et surmontées chacune d’une statue : celles de la Navigation et du Commerce, par M. Manceau.

Le Jardin Public, situé a une petite distance des Quinconces, est une création du marquis de Tourny, gouverneur de Bordeaux soûs Louis XV et Louis XVI. Cet administrateur intelligent, par qui les remparts furent abattus, les fossés comblés, des rues percées et d’importantes constructions élevées de toutes parts, dépensa 300,000 fr. pour transformer en jardin public 88,465 m. car. de terrain. Ce jardin, laissé pendant longtemps dans un regrettable abandon, a été récemment transformé, d’après les plans de M. Alptiand, en un jardin anglais, avec cascades, lacs, îlots plantés d’arbres, et serres remplies de végétaux rares ; depuis cette métamorphose, il est devenu le rendez-vous des promeneurs fashionables ; les jeudis et les dimanches, des concerts y sont donnés^ par les musiques des régiments en garnison à Bordeaux. C’est encore à M. de Tourny que cette villédoit la création des Allées qui portent le nom de ce personnage ; elles font suite à la place de la Comédie, et, bien qu’elles aient été dépouillées des arbres que M. dé Tourny y avait fait planter, elles n’en sont pas moinsune des promenades les plus fréquentées de la ville.

— Antiquité». Pendant la période galloromaine, Bordeaux comptait une foule de monuments splendides, temples, palais, théâtres, cirques, thermes, aqueducs. Toutes ces merveilles ont disparu. Les seules antiquités qu’offre la ville sont les faibles débris — unearcade et quelques vestiges d’enceinte — d’un amphithéâtre, appelé les Arènes ou le Palais Gallien, parce que ce fut, dit-on, sous le règne de l’empereur de ce nom, qu’on le construisit. Une médaille romaine trouvée à Nérac en 1831 représente Tetricus, usurpateur du pouvoir en Gaule, entouré des édifices qu’il avait fait élever : au nombre de ces édifices, les savants ont cru reconnaître l’amphithéâtre de Bor " deaux. Ce monument offrait à l’extérieur deux étages couronnés par un attique ; l’étage inférieur était de style toscan, l’étage supérieur de style dorique. L’arène mesurait 74 m. sur 53 m. 60. On estime que, dans son développement complet, le Palais Gallien avait, hors d’oeuvre, 135 in. environ dans le sens de son grand axe, et 110 m. dans le sens du petit, sur une élévation totale de 21 m. ; 20,000 spectateurs pouvaient prendre place dans ce vaste amphithéâtre. On y pénétrait par soixante arcades distribuées sur tout le pourtour, et par deux portes principales placées aux extrémités du grand axe : une de ces portes, celle de l’occident, subsiste encore en entier-, elle a 8 m. 75 de haut sur 5 m. 75 de large. Les gradins de l’amphithéâtre étaient soutenus par six murailles circulaires et concentriques, qui allaient en diminuant de hauteur et qui comprenaient, entre leurs parvis, cinq enceintes larges de 3 à 4 m. chacune ; l’enceinte la plus reculée de l’arène était bordée par des galeries en arcades adossées aux murailles du Eourtour. Ces murailles étaient construites en locage, avec revêtement extérieur en petit appareil allongé, coupé par des cordons de briques rouges, espacés de 0 m. S0 environ. Le Palais Gallien était encore assez bien conservé lorsque, en 1774, il fut affecté" à une entreprise de voitures publiques. En 1732, on en commença la démolition, qui fut arrêtée en lSOt par M. Thibaudeau, préfet du département-Bordeaux possédait encore, au xvn" siècle, un monument antique plus précieux que le Palais Gallien. Ce monument, que l’on nommait, nous ne savons pourquoi, les Piliers de Tutelle, et qui probablement avait été un temple, s’élevait sur une aire à laquelle on montait par vingt et une marches. Il était bâti sur un plan rectangulaire de 30 m. de long sur 22 de large, et était entouré de 24 colonnes d’ordre corinthien, hautes de 12 m. Ces colonnes soutenaient une architrave au-dessus de laquelle s’élevait un second ordre en arcades dont le couronnement s’appuyait sur quarante-quatre cariatides adossées intérieurement et extérieurement aux pilastres. La hauteur totale

de l’édifice était de 20 m. Au centre était •l’autel qui portait la célèbre inscription (aujourd’hui au musée) : Augusto sacrum et geiiio civitatis Bitur. Vivisc. Dix-huit colonnes de ce remarquable édifice étaient encore debout en 1617 ; endommagées pendant la guerre que se firent, en 1649, le duc d’Epernon et le parlement, elles furent démolies en 1677, avec les autres parties du monument, et employées à la construction du fort Louis.

— Edifice» religieux. LaCATHÉDRALE (Saint-André), commencée en 1096 par le pape Urbain II, a été reconstruite en partie à diverses époques. Vue extérieurement, du côté du chevet, elle présente un aspect très-pittoresque. La façade occidentale, où devrait se trouver l’entrée principale, vient d’être dégagée des maisons qui la masquaient depuis plusieurs siècles. On pénètre dans l’église par deux portes latérales. La porte du nord offre d’intéressantes sculptures dans le style du xive et du xve siècle : la voussure est occupée par des

BORD

figures d’anges, de patriarches, d’apôtres, de moines ; le tympan représente la Cène, l’Ascension, Dieu le Père dans sa gloire ; les niches latérales contiennent des statues de cardinaux, et le pilier qui partage la porte en deux valves est surmonté de la statue de l’archevêque Bertrand de Goth, qui devint pape sous le nom de Clément V. Ce portail est couronné par une belle rose, qui a été restaurée en 1846, et flanqué de deux tours terminées par des flèches élégantes qui s’élèvent à une hauteur de 80 m. La porte du nord est loin de présenter le même intérêt : ses deux tours attendent encore leur couronnement et, parmi ses sculptures mutilées, on ne distingue guère que les figures des Vierges sages et des Vierges folles. La cathédrale, disposée sur le plan de la croix latine, mesure 126 m. de longueur hors d’œuvre ; elle n’a qu’une seule nef, large de 18 m., longue de 66 m., et haute de 27 m. ; le transsept, long de 44 m., a 10 m. de largeur et 33 m. de hauteur sous voûte ; le chœur, large de 13 m. 50 et long de 33 m., est entouré d’un collatéral, qui a 7 m. 65 de largeur et qui est "bordé par neuf chapelles rayonnantes, hexagonales, dont la plus vaste, celle du milieu, est dédiée au Sacré-Cœur. La plus grande variété de styles se fait remarquer dans l’ornementation de l’édifice. Les murailles de la nef offrent, dans leur partie inférieure, des arcatures romanobyzantines, ornées de dents de scie ; au-dessus règne une galerie en style ogival. Les voûtes, démolies par un tremblement de terre en 1427, ne furent entièrement reconstruites qu’au xvie siècle. Les piliers qui les supportent appartiennent, les uns au style roman, les autres au style gothique. Le maître-autel date de l’époque de la Renaissance. Il provient de l’ancien couvent des bénédictins de la Réole. Dajis la sacristie, on montre une porte dite Porte Royale, dont les sculptures sont remarquables : elles représentent Dieuentourédela milice céleste et la Résurrection des morts. Sous la tribune de l’orgue sont deux bas-reliefs intéressants, qui ornaient autrefois un jubé de l’église Sainte-Croix, et qui ont pour sujets : la Résurrection du Christ et la Descente aux limbes. L’église renferme plusieurs tombeaux ; le seul qui soit digne d’attention est celui du cardinal de Cheverus (1768-1836), exécuté en marbre blanc par M. Maggesi en 1850. Parmi les tableaux, nous citerons : un Christ portant sa croix, attribué à Aug. Carrache ; un Crucifiement, par Jordaens ; une Résurrection, par Alexandre Véronèse ; le Couronnement d’épines, par Bergeret, etc.

A 30 m. au sud-est du chevet de la cathédrale, s’élève la TourdePey-Bbrland, ainsi nommée de Pierre (en patois Petj) Berland, archevêque de Bordeaux, qui la fit construire, en 1140, sur l’emplacement d’une fontaine (Divona), chantée par Ausone. C’est une tour quadrangulaire, percée de fenêtres ogivales ; elle a 47 m. 50 de hauteur, et était jadis surmontée d’une flèche octogone, haute de 14 m., que la foudre détruisit en 1617. Vendue pendant la Révolution h des industriels qui y établirent une fabrique de plomb de chasse, la tour de Pey-Berland a été rachetée par l’État en 1850 ; un magnifique bourdon de 11,000 kilogr., qu’on y plaça en 1853, s’est fêlé en 1859. Dans ces dernières années, cette tour a été complètement restaurée : on l’a entourée d’un square, et on a placé au sommet de l’édifice une statue colossale de la Vierge.

L’église Satnt-Michel, le plus bel édifice religieux de Bordeaux après la cathédrale, a été fondée en 1160, mais agrandie et restaurée à diverses époques. Son plan est celui de la croix latine, avec bas côtés. Elle a 74 m. de longueur et 30 m. 60 de largeur dans le transsept. Le style ogival domine dans l’ensemble de l’édifice. La partie inférieuredu chœur parait appartenir au Xilie ou au xive siècle. Les chapelles ont été ajoutées après l’achèvement de 1 église ; celle du Saint-Sépulcre renferme une belle Descente de croix, sculptée auxvie siècle ; celle de Saint-Joseph a un autel de la même époque, orné de statues ; celle qui est dédiée à Notre-Dame de Montuzet, patronne d’une confrérie de marins, est décorée de vitraux remarquables dus à un verrier bordelais ; d’autres chapelles et les fenêtres inférieures du chœur ont des vitraux exécutés par M. Maréchal (de Metz). À l’extérieur, Saint-Michel est en grande partie masqué par des constructions particulières. Une loterie a été organisée, il y a quelques années, dans le but de subvenir aux dépenses nécessaires pour isoler l’édifice et le restaurer. Des réparations considérables ont déjà été exécutées. Les trois’ portails ont des sculptures intéressantes : celles du portail du Sud représentent Y Apparition de saint Michel à l’évêque de Siponto ; celles du Nord, Isaac préparant le sacrifice d’Abraham ; celles de l’Ouest, la Naissance de l’Enfant Jésus et Y Adoration des bergers. A 30 m. environ de l’église s’élève un clocher isolé, bâti de 1472 à 1492 : la flèche, renversée" par un ouragan en 1768, vient d’être reconstruite sur le plan primitif. Au-dessous de cette tour est un caveau où l’on montre une cinquantaine de momies provenant d’un cimetière voisin, dont le terrain sablonneux avait la propriété de conserver les corps. M. Théophile Gautier a donné, dans son Voyage en Espagne (chap. i«), une description des plus fantastiques de cette singulière nécropole.

L’église de Sainte-Croix, ancienne dépendance d’une abbaye de bénédictins, remonte à une haute antiquité. Elle existait déjà vers le milieu du vnc siècle, époque où saint Moin BORD

molin, abbé de Pieury-sur-Loire, y fut enterré. Renversée par les Sarrasins en 729, restaurée par Charlemagne en 778, elle fut de nouveau détruite en 828 par les Normands. L’édifiée actuel fut bâti dans la première moitié du x" siècle par Guillaume le Bon, duc d’Aquitaine. Sa fiiçade est le plus beau spécimen d’architecture romane que l’on voie à Bordeaux. La porte principale s’ouvre au milieu d’un avant-corps, saillant de 2 m. environ et orné à ses angles de colonnes cannelées en hélice ; elle a cinq voussures dont les arcs cintrés reposent sur de légères colonnes. De chaque côté de cette porte, il y a une arcade aveugle surmontée de deux fausses fenêtres. Des sculptures fort peu.décentes décorent la

Forte et les arcades ; elles ont beaucoup exercé érudition des archéologues, sans avoir pu être interprétées jusqu’ici d’une façon complètement satisfaisante ; toutefois on peut admettre que la femme dite aux serpents, qui figure sur le portail, est une personniheation de laLuxure tourmentée par le démon. La partie en retraite de la façade, au-dessus de l’avant-corps, est décorée d’une rosace et surmontée d’un fronton triangulaire. À gauche de cette façade, une muraille nue, soutenue par un épais contre-fort, est percée à sa base d’une porte ogivale ; à droite s’élève un beau clocher roman, à quatre pans égaux, qui touche aux bâtiments de l’ancienne abbaye de Sainte-Croix, reconstruits au xviiie siècle, et transformés, depuis la Révolution, en hospice pour les vieillards. L’intérieur de l’église est beaucoup moins intéressant que l’extérieur. La nef a 56 m. 50 de longueur jusqu’au fond du sanctuaire, 26 m. de largeur y compris les bas côtés, et 18 m. de hauteur. Douze piliers qui séparent des arcades en plein cintre, soutiennent les voûtes en ogive ; les sculptures des chapiteaux rappellent celles de la façade par leur variété et par la nature des compositions. Les fonts baptismaux renferment une magnifique boiserie sur les panneaux de laquelle est sculptée l’histoire de la Vierge, et une cuve baptismale, dont les bas-reliefs représentent la Cène. Les fresques de la chapelle de la Vierge, dues à Jean Vasetti, et celles du sanctuaire, exécutées par Anoni père, sont dignes de quelque attention. En revanche, beaucoup d ornements modernes témoignent du plus mauvais goût. D’importants travaux de restauration s’exécutent actuellement dans l’église de Sainte-Croix.

L’église Smnt-Skurin, placée autrefois hors des murs de la ville, date des premiers siècles du christianisme. Sa crypte — dite de SaintFort, parce qu’elle renferme entre autres tombeaux celui de cet évêque — se compose

d’une nef voûtée à plein cintre et de deux bas côtés. Au xie siècle, on bâtit sur cette crypte, qui était déjà, fort ancienne, une église dont il ne reste plus que l’abside principale, le porche occidental et les clochers. Les autres parties de l’édifice actuel sont de différentes époques : le portail méridional, orné de curieuses sculptures, les bas côtés, les voûtes et la chapelle de Saint-Jean appartiennent au XIIIe siècle ; la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle est du xive siècle ; la chapelle de Notre-Dame des Roses, du xve, ainsi que la sacristie. La façade ouest est moderne, et d’importants travaux de restauration ont été exécutés dans l’intérieur de l’édifice, en 1855. Saint-Seuriti a 64 m. de longueur et 18 m. de largeur. On remarque dans le chœur un trône épiscopul en style gothique fleuri. La principale curiosité de la crypte est le cénotaphe de saint Fort, orné de délicates sculptures du la Renaissance ; il est placé au fond de la nef, sur un sépulcre de pierre brute, qui contenait primitivement, dit-on, les restes du saint. Ce tombeau.est l’objet d’un culte particulier : les mères viennent y déposer leurs enfants pour leur faire prendre de la force. La crypte renferme encore les tombeaux de plusieurs autres saints, notamment ceux de saint Seurin et de saint Amand, évoques de Bordeaux ; de sainte Véronique et de sainte Bénédicte, nées dans le Médoc. On voit aussi des tombes du vn° au vme siècle dans l’ancien cloître de Saint-Seurin, qui existe encore en partie au nord de la nef. D’après une tradition locale, confirmée par un passage du poëme héroïque de Théroulde, 1 olifant du fameux Roland fut déposé, après le désastre de Roncevaux, dans l’église da Saint-Seurin, et y fut pendant longtemps l’objet d’un pèlerinage. Un savant bordelais, M. Th. R"* s’est demandé si ce souvenir du preux, qui fendait les montagnes d’un coup de sa Durandal, n’aurait pas donné naissance à la légende de saint Fort.

Les autres églises de Bordeaux n’offrent qu’un intérêt très-secondaire. Nous nous contenterons de citer : Sainte-Eulalie, ancienne église d’une abbaye de femmes qui existait au —vue siècle, consacrée en U74, reconstruite en partie au xive et au xve siècle ;— Saint-Bruno, ancienne église des Chartreux, consacrée en 1620, bâtie dans le style italien, ornée en 1771 de belles peintures murales par les Espagnols Berinzago et Gonzalès ; tableaux estimés ; mausolée du marquis de Sourdis ;-Notre-Dame, l’église fréquentée par la société élégante de Bordeaux, construite, en 1701, dans le style néo-grec, par un dominicain du nom de frère Jean, et décorée intérieurement avec un luxe de mauvais goût ; — Saint-Paul, ancienne église des Jésuites ; on y admire une statue de Saint François Xavier, attribuée à Guillaume Coustou ; —la chapelle des Carmes, édifice construit récemment et dont l’archi BORD

997

tecture, vivement critiquée au point de vue classique, mérite toutefois l’attention par son caractère vraiment religieux.

— HAtcls des services publies. — La PRÉ-FECTURE aété bâtie, en 1775, par l’architecte Louis, pour M. Saige, avocat général au parlement. Ce n’est qu en 1808 que ce bel hôtel a été affecté aux divers services de l’administration du département de la Gironde ; depuis 1847, il est exclusivement réservé à l’hapitation du préfet, les bureaux ayant été

installés dans les maisons voisines ; il a étéentièrement restauré en 1855.

L’Hôtel de ville est l’ancien palaisâe Varchevêché,

  • construit par les architectes Bonrin

et Étienne, de 1770 à 1781, sous l’archiépiscopat du prince de Rohan. Il se compose d un vaste corps de logis flanqué de deux ailes réunies l’une à l’autre par deux péristyles, au milieu desquels se trouve la.porte d’entrée. La façade postérieure donne sur de superbes jardins, que borde le cours d’Albret. Tour à tour hôtel du département en 1790, palais impérial en 1808, palais royal en 1S12, cet édifice est devenu l’hôtel de la mairie en 1835. On y installa, à cette époque, les archives départementales, au second étage ; la galerie des

tableaux et une collection d’armes, au rez-dechaussée ; mais, un incendie ayant dévoré une partie de l’édifice, il y a quelques années, des réparations considérables ont dû être entreprises, et les collections ont été transportées dans une construction provisoire établie dans les jardins.

Le Palais de justice, bâti par M. Thiac, de 18 ?9 à 1846, a coûté 1,717,458 fr. 30. Il occupe une surface de 7,985 m. Sa façadi.>, • d’une grande lourdeur, • n’a pas moins do 145 m. 67 de longueur ; ellé se compose d’un avant-corps décoré d’un péristyle d’ordre dorique et de deux ailes. Les motifs saillants de cet avant-corps sont ornés de quatre statues colossales exécutées par M. Maggesi : à droite, Malesherbes et d’Aguesseau ; à gauche, Montesquieu et L’Hôpital. La salle des pas-perdus, longue de 46 m., large de 18 m. et haute de 16 m., est regardée par les Bordelais comme un véritable chef-d’œuvre d’architecture ■ « L’auteur semble y avoir déployé tout son génie, » dit en propres termes M. Raoul L., auteur d’un Guide des étrangers à Bordeaux. Dans le vestibule de la cour est une statue de Montesquieu, exécutée en 1S21 par M. Raggi, l’auteur d’une statue colossale de Louis XVI, commandée sous la Restauration par un grand nombre de souscripteurs bordelais et qui, à la suite des événements de Juillet, a été reléguée dans un enclos, où elle se trouve encoréaujourd’hui (octobre 1866). — Derrière le pillais de justice sont les prisons départementales, construites de 1835 à 1847, sur l’emplacement de l’ancien fort du Hà, dont il reste deux tours.

La Bourse a été bâtie en 1749 par l’architecte Jacques Gabriel. Trois de ses faces sont isolées, et offrent une décoration analogue. Les bas-reliefs de leurs frontons sont dusà Claude Francin et représentent : au sud, sur la place de la Bourse, la Victoire tenant un médaillon de Louis XV ; h l’est, sur le quai, Neptune favorisant le Commerce ; au nord, sur la place Richelieu, Y Union de la Garonne et de la Dordogne. La cour intérieure de l’édifice, longue de 34 m. et large de 24 m., a été couverte en 1803.

La Douane (ancien hôtel des Fermes), située en face de la Bourse, a été construite par le même architecte. Les sculptures de ses frontons sont de Vanderwoort ; elles représentent, du côté de la place de la Bourse, Minerve protégeant les Arts ; du côté du quai, Mercure protégeant la navigation de la Garonne.

Parmi les autres édifices affectés à des services publics, il faut citer encore : I’Hôteldes Monnaies, établi depuis l’an VIII dans l’ancien séminaire de la Mission, tandis que l’ancienne Monnaie, bâtie par Portier, de 1756 à 1757, est occupée par une congrégation d’Ursulines ; la Caisse d épargnes, installée depuis quelques années dans un hôtel occupé précédemment par la Banque et qui a été construit par l’Hôte, en 1775 ; le nouvel hôtel de la Banque, bâti en 1855, etc.

Bordeaux possède un grand nombre d’établissements de bienfaisance. L’hôpital Saint-André, situé sur la-place d’Armes, en face du palais de justice, a été fondé en 1390 par un chanoine de Saint-André nommé Vital Caries. Il a été rebâti, de 1825 à 1829, par M. Burguot, et a coûté près de deux millions. Il est complètement ist>lé et occupe une superficie de 18,000 mètres carrés. Sa façade principale, longue de 143 m., a une entrée monumentale : ait centre s’élève un portique formé de quatre colonnes d’ordre dorique, qui soutiennent un dôme surmonté d’une croix ; sous ce portique est placée la porte de la chapelle-, à droite età gauche s’ouvrent deux autres portes^ qui donnent accès dans l’intérieur de l’hospice.

— Etablissements scientifiques, littéraires

et artistiques. Les divers établissements d’instruction publique de Bordeaux n’offrent rieu qui mérite d’être cité. Toutefois l’élégante chapelle du lycée (ancienne église d’un monastère de Feuillants) a droit à une mention particulière, car elle contient le sarcophage de marbre blanc où sont déposés les restes de Montaigne.

Le Musée proprement dit occupa on bel 998

BORD

hôtel légué à la ville, vers le milieu du siècle dernier, par J.-J. Bel, conseiller au parlement ; il comprend : 10 un cabinet d’antiquités gallo-romaines et de fragments du moyen âge, dont plusieurs présentent un grand intérêt pour l’histoire de Bordeaux ; 2<> une bibliothèque publique, composée de plus de 120,000 volumes ; 3° un observatoire. Un cabinet d’histoire naturelle, fondé en 1805 par M. Journu Aubert, comte de Tustal, faisait partie des collections du Musée ; il a été transféré depuis p*eu dans un hôtel situé à proximité du Jardin public.

La Galerie des tableaux, qui occupait autrefois une des salles du musée, fut transférée, en 1839, dans les salles du rez-dechaussée de l’hôtel de ville, local beaucoup trop exigu et de plus fort mal éclairé. À la suite de l’incendie dont nous avons parlé, elle a été installée dans une construction provisoire. Elle se compose de près de cinq

cents tableaux, dont plusieurs sontdes œuvres de premier ordre. L’école italienne compte, entre autres toiles : la Vierge et l’Enfant Jésus ayant près d’eux saint Augustin et saint Jérôme, chef-d’œuvre du Pérugin ; la Femme adultère, superbe tableau du Titien, provenant du palais ducal de Modène ; une Sainte Famille, d’Andréa del Sarto ; une Sainte Famille, par Vasari ; une Sainte Famille, par Falma le Vieux ; une Nymphe endormie, attribuée au Corrége ; la Sortie de l’arche, de Jacques Bassan ; Vénus et l’Amour, et une Adoration des Mages, de Paul Véronèse ; -une Vénus de Luca Giordano ; un portrait de Sénateur vénitien, par Maria Robusti, fille du Tintoret ; un Saint Jérôme, d’Annibal Garrache ; etc. — L’école espagnole est représentée par deux beaux tableaux de Ribera : une Assemblée de moines et une Réunion de philosophes, et par une figure de Philosophe, de Murillo. — L’école flamande nous offre : quatre Rubens, dont le plus remarquable est un Martyre de saint Just, composition d’une rare énergie, provenant de l’église de l’Annoneiade à Anvers, et donnée à la ville de Bordeaux par Napoléon 111, qui l’avait payée 16,000 fr. ; deux Van Dyck, le portrait en pied de Marie de Médicis et un autre petit portrait d’un personnage inconnu ; une Fête flamande, de Breughel de Velours ; un Calvaire, de Franck le Jeune ; une Scène diabolique, de Téniers ; etc.

— L’école hollandaise : trois beaux paysages attribués à Ruysdael, mais qui doivent être de l’un de ses imitateurs ; une Adoration des bergers et un Intérieur, de Rembrandt ; un Estaminet hollandais, de 11. Brakcnburg ; un Intérieur, de Béga ; des portraits, de Maes, de Fr. liais ; des paysages, de Zachtleven, de Moucheron, de Karel Dujardin ; Apollon et Marsyas et une scène biblique, de F. Bol ; etc.

— L’école française : Uranie, charmantécomposition de Le Sueur ; le Portrait de Louis XIV, par Mignard ; la 'Présentation de Jésus au. temple, de Restout ; la Leçon de labourage, de Vincent ; le Supplice d’Urbain Grandier, de Jouy ; une Tête de femme, de Bounieu ; Phèdre et Ilippolyte, de Pierre Guérin ; l'Embarquement de la duchesse d’Angoulême à Pauillac, œuvre capitale de Gros ; Nicolas Poussin présenté à Louis XIII, d’Ansiaux ; une Druidesse et le Xanthe, d’Alaux ; la Mort du sanglier de Calydon, de Brascassat ; la Grèce expirant sur les ruines de Missolonghi, et deux esquisses pleines de verve (un Lion et un Arabe), d’Eugène Delacroix ; le portrait du duc d’Orléans

■ à cheval, par Alfred Dedreux ; le Baptême de Clovis, de M. Gigoux ; deux marines historiques, l’une de M. Gudin, l’autredeM. Durand-Brager ; Valentine et Jtaoul, de Roqueplan ; Bacchus et l’Amour ivres, de M. Gérome ; le Tintoret peignant sa fille morte, un des meilleurs ouvrages de M. Cogniet ; une Hacchante, de M. Bouguereau ; une Tranchée devant Sébastopol, de M. Pils ; la Toilette de Vénus, de M. Paul Baudry ; VIncendie de l’Austria, de M. Isabey ; une Marine, de M. Paul Huet ; des Paysages, de MM. Corot, Daubigny, Chaigneau, J. Coignet, etc. Quelques sculptures ornent la galerie ; les plus remarquables sont : le buste de Napoléon 1er, par Bartolini ; celui de Montaigne, par Deseine ; le Génie de la Sculpture, Giotto enfant et divers bustes, par M. Maggesi.

Le Grand Théâtre de Bordeaux jouit d’une réputation méritée. Il’ a été bâti de 1777 a 1780, par l’architecte Louis, et a coûté 2,500,000 fr. C’est un édifice isolé, de 88 m. 33 de longueur sur 47 m. 66 de largeur et 18 m. 66 de hauteur. Sa façade offre un péristyle formé de douze colonnes d’ordre corinthien, dont chacune a 3 m. de circonférence. Elles sont surmontées d’un entablement formant balustrade et portant douze statues allégoriques, analogues à la destination du lieu. Au-dessus de l’ordonnance du péristyle se trouve une terrasse a voûte plate, qui est de plain-pied avec l’attique régnant sur les quatre côtés du bâtiment. Des galeries couvertes, larges de 2 m. et décorées extérieurement de pilastres corinthiens, s’étendent sur les faces latérales et sur la face postérieure. Quand on a franchi le péristyle, on pénètre dans un magnifique vestibule orné de seize colonnes cannelées, qui soutiennent le plafond, au-dessus duquel est une grande et riche salle de concert. Au fond de ce vestibule, un vaste escalier à double rampe, entièrement découvert et éclairé par une coupole, conduit aux premières Joges, au foyer, à la salle de concert. La salle de spectacle est de forme elliptique. Le pourtour est décoré de douze colonnes d’ordre composite,

BORD

assises au niveau des galeries et soutenant un entablement au-dessus duquel s’élèvent quatre arcs-doubleaux terminés par une corniche circulaire, qui sert de cadre aux peintures du plafond. Cette belle salle, où quatre mille spectateurs peuvent prendre place, a été récemment l’ocyet d’importantes restaurations, qui ont été exécutées sous la direction de M. Burguet, architecte de la ville, et qui ont coûté 800,000 fr. C’est M. Despléchin qui a été chargé de la partie décorative. En ce moment (novembre 1866), M. Bouguereau s’occupe de la décoration de la salle de concert : les peintures de cet artiste distingué ne seront pas un des moindres attraits de ce magnifique édifice.