Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BONAPARTE (Pierre-Napoléon), troisième fils de Lucien

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 954).

BONAPARTE (Pierre-Napoléon), troisième fils de Lucien, né à Rome le 12 septembre 1815. Il s’enthousiasma dès ses premières années pour l’indépendance, et, lorsque les Romagnols s’insurgèrent contre le pape, on fut obligé d’arrêter de force ce volontaire de quinze ans, qui s’était échappé du château paternel pour rejoindre les patriotes. Quelques mois après, s’étant embarqué à Livourne dans l’intention de se rendre à New-York, il se lia avec l’émule du fameux Bolivar, Santander, qu’il suivit en Colombie, et dont il reçut comme récompense le grade de chef d’escadron. S’étant séparé de lui, il retourna en Italie, où son humeur inquiète inspira des craintes au gouvernement, qui, le soupçonnant d’organiser dans les Maremmes des bandes de partisans, lui fixa, pour sortir des États romains, un délai de quinze jours. Avant que ce délai fût expiré, il se vit un matin cerné sur la place de Canino par une escouade de vingt-huit sbires. Sans s’inquiéter du nombre et n’ayant pour arme qu’un couteau de chasse, Pierre Bonaparte tua le chef de l’embuscade et blessa deux de ses hommes ; mais, frappé d’une balle et d’un coup de baïonnette, obligé de se rendre, il fut conduit au château Saint-Ange, où il subit une assez longue captivité. À sa sortie de prison, il gagna l’Angleterre et de là l’île de Corfou. Attaqué lors d’un voyage en Albanie par quatre Palikares, il s’en débarrassa après en avoir couché deux sur la poussière et blessé un troisième. Quelques jours après, il reçut si bien les complices de ses victimes, qui cherchaient à les venger, qu’ils renoncèrent à l’inquiéter. Le gouvernement anglais, craignant d’être accusé de complicité dans ce guet-apens, lui conseilla de quitter l’île. Le prince, dédaignant le danger, y séjourna encore pendant deux mois. Il résida quelque temps à Malte ; offrit, en 1838, de servir dans l’armée française, proposition qui ne fut pas acceptée ; sollicita vainement une position digne de son nom et de sa naissance dans l’armée égyptienne de Méhémet-Ali, et, désespéré de son oisiveté forcée, s’ennuya pendant dix ans au milieu des brouillards de la Tamise, à Londres, jusqu’au moment où la France lui ouvrit ses portes à la révolution de 1848. Dès la première-nouvelle de l’expulsion des d’Orléans, il s’embarqua, et, le 27 février, il arrivait à Paris. Le gouvernement lui confia le grade de chef de bataillon dans la légion étrangère. Lors des élections de la Constituante, la Corse le choisit pour son représentant ; nommé membre du comité de la guerre, il vota constamment avec l’extrême gauche. Néanmoins, il ne cessa de soutenir son cousin Louis-Napoléon, après l’élection duquel il ne se sépara pas de la Montagne. Le 10 août 1849, un représentant du peuple, M. Gastier, ayant paru approuver un article dirigé contre le président de la République, Pierre Bonaparte s’abandonna à un mouvement de vivacité d’autant plus regrettable que celui qui en était l’objet était un vieillard de soixante ans. Il fut, pour ce fait, condamné, sur la réquisition du procureur général Baroche, à 200 fr. d’amende et aux dépens. Pierre Bonaparte fut un des opposants à la proposition Râteau et à l’expédition de Rome, et ne se sépara des républicains que sur les votes relatifs au président. Réélu à l’Assemblée législative par l’Ardèche et la Corse, il opta pour ce dernier pays et continua à se montrer partisan des principes de 1789. Il partit pour l’Algérie au mois de mars 1849, après avoir demandé à permuter avec un chef de bataillon de l’armée française ; comme la permission se faisait attendre, il revint en France avant l’assaut de Zaatcha, et le général d’Hautpoul, ministre de la guerre, le destitua pour avoir quitté son poste en présence de l’ennemi. L’Assemblée législative approuva cette mesure, qui amena un duel entre le prince et un journaliste réactionnaire.

Le coup d’État du 2 décembre était trop en opposition avec les idées de Pierre Bonaparte pour qu’il continuât à s’occuper de politique. Rentré dans la vie privée, et en dépit de ses tendances libérales, il reçut, le 25 novembre 1852, les titres de prince et d’altesse, ayant rang à la cour, mais ne faisant pas partie de la famille impériale.

Le prince Pierre Bonaparte est doué, comme on a pu le voir, d’un courage à toute épreuve ; il est fâcheux seulement qu’il s’abandonne avec trop de facilité aux emportements de sa nature vive et énergique. Sans doute, quand on porte le nom de Bonaparte, il est bon de prouver qu’on ne descend pas en droite ligne de la souche Prudhomme ; mais si noblesse oblige, cette solidarité elle-même a des limites.