Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BONAPARTE (Mathilde-Laetitia-Wilhelmine), connue sous le nom de Princesse Mathilde, fille de Jérôme Bonaparte et de la princesse Catherine de Wurtemberg

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 955).

BONAPARTE (Mathilde-Laetitia-Wilhelmine), connue sous le nom de Princesse Mathilde, fille de Jérôme Bonaparte et de la princesse Catherine de Wurtemberg, est née le 27 mai 1820 à Trieste, où son père avait été appelé par une maladie cruelle de son fils aîné, le prince de Montfort. Trois ans après, elle fut emmenée à Rome et mise entre les mains d’une gouvernante, la baronne de Reding, sous la surveillance de sa tante, la femme de Joseph Bonaparte, comtesse de Survilliers. Lorsque ses parents se fixèrent à Florence en 1831, elle les accompagna et demeura avec eux jusqu’à la mort de sa mère en 1835. À cette époque, elle se rendit à la cour de Wurtemberg, où elle fut présentée sous le nom de comtesse de Montfort. En 1839, la princesse rejoignît sa famille à Florence, où elle s’abandonna à son goût pour la peinture, tandis que se préparait son union avec son cousin germain Louis-Napoléon. La tentative avortée de Boulogne rompit ce projet par suite de l’emprisonnement du prince au fort de Ham. Le comte russe Anatole Demidoff ayant alors demandé la main de la princesse Mathilde, elle lui fut accordée, et, après le mariage, célébré le 1er novembre 1840, il emmena sa jeune femme dans son pays. L’empereur Nicolas accueillit avec une bienveillance marquée la nouvelle comtesse, qui se trouvait être fille de sa cousine germaine. Il força même le comte Demidoff à servir à la princesse Mathilde une pension de 200,000 fr., lorsque les deux époux se séparèrent de corps et de biens en 1845. La guerre de Crimée mit seule fin au commerce épistolaire entretenu entre la princesse et le czar, qui, dans une dernière lettre, lui assura que les événements politiques ne modifieraient en rien ses sentiments affectueux.

La princesse Mathilde, qui, depuis son mariage, avait un pied-à-terre à Paris, s’y fixa définitivement lorsqu’elle fut redevenue libre, et s’y créa une petite cour d’artistes et de littérateurs. Louis-Napoléon, nommé président de la République le 10 décembre 1848, chargea, jusqu’à son mariage, sa cousine de faire les honneurs du palais de la présidence. Depuis le rétablissement de l’Empire, la princesse Mathilde passe l’hiver à Paris, la belle saison près du lac d’Enghien, à Saint-Gratien, et la fin de l’automne sur les bords du lac Majeur, en Italie. Elle s’occupe sérieusement de peinture et de sculpture, et n’a pas dédaigné de prendre part aux diverses expositions qui ont eu lieu depuis quelques années. Elle s’y est fait remarquer par des aquarelles de grande dimension, traitées avec une franchise et une largeur rares, et pouvant lutter avec la peinture à l’huile pour la chaleur du ton et la fermeté du modelé. Parmi les ouvrages qu’elle a exposés, nous citerons : deux charmants portraits de femmes, et une copie d’après Rembrandt, en 1859 ; une Fellah, le Portrait du baron de Vicq, d’après Rubens, et un Portrait d’infant, d’après Murillo, en 1861 ; le Portrait du duc de Lesdiguière, d’après Rigaud, et une Étude, d’après nature, qui ont valu à la princesse une mention honorable, en 1863 ; une Tête d’Orientale et le Portrait de Mme Lenoir, d’après Chardin, en 1864 ; une Intrigue à Venise, d’après M. Vannutelli, et une Tête de jeune fille, en 1865 ; une Juive d’Alger, figure mélancolique, d’un caractère charmant, et le Profil perdu d’une délicieuse tête blonde en 1866. Douée d’une intelligence vive et positive, la princesse Mathilde se distingue par beaucoup de bon sens ; quant à son caractère, il se ressent un peu de ses goûts d’artiste : il est prompt et passionné, et, si la princesse ne connaît pas la rancune, elle n’est pas toujours exempte de vivacité. On lui doit un établissement pour les jeunes filles incurables, qui porte son nom, et un tombeau de Catinat élevé dans l’église du village de Saint-Gratien. L’empereur Napoléon III et sa cousine ont toujours conservé l’un pour l’autre un tendre attachement et un dévouement inaltérable.