Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BAUDELAIRE (Pierre-Charles), poëte français (supplément 1)

Administration du grand dictionnaire universel (16, part. 1p. 307-308).

BAUDELAIRE (Pierre-Charles), poëte français. — Il est mort à Paris, dans une maison de santé, en septembre 1867. Dans les dernières années de sa vie, il s’était retiré à Bruxelles pour travailler plus à son aise et probablement aussi pour fuir de dangereuses excitations. Baudelaire faisait, en effet, partie de ce club des haschichins dont les séances se tenaient à l’hôtel Pimodan, et que Théophile Gautier, un des habitués également, a si curieusement décrit. Jusqu’à quel point l’habitude de se créer, comme il l’a dit lui-même, « des paradis artificiels, » à l’aide de la funeste drogue orientale, altéra-t-elle sa santé, c’est ce qu’il serait difficile de préciser. Ses amis l’ont toujours chaleureusement défendu d’avoir poussé jusqu’à l’abus l’usage de l’opium et du haschich ; mais sa maladie offrit la plupart des symptômes observés dans l’intoxication causée par ces dangereuses substances, de même que celle de Fernand Boissard, le fondateur du club des haschichins. À Bruxelles, Baudelaire travailla peu ; à peine écrivit-il quelques courtes pièces de vers, qui ne sont pas les meilleures de son œuvre. « Les premiers symptômes du mal, dit Th. Gautier, se manifestèrent par une certaine lenteur de parole et une hésitation de plus en plus marquée dans le choix des mots ; mais comme Baudelaire s’exprimait souvent d’une façon solennelle et sentencieuse, appuyant sur chaque terme pour lui donner plus d’importance, on ne prit pas garde à cet embarras de langage, prodrome de la terrible maladie qui devait l’emporter et qui se manifesta bientôt par une brusque attaque. Le bruit de la mort de Baudelaire se répandit dans Paris avec cette rapidité ailée des mauvaises nouvelles, qui semble courir plus vite que le fluide électrique le long de son fil. Baudelaire était vivant encore, et la nouvelle n’était que prématurément vraie ; il ne devait pas se relever du coup qui l’avait frappé. Ramené de Bruxelles par sa famille et ses amis, il vécut encore quelques mois, ne pouvant parler, ne pouvant écrire, puisque la paralysie avait rompu la chaîne qui rattache la pensée à la parole. L’idée vivait toujours en lui, on s’en apercevait bien à l’expression des yeux, mais elle était prisonnière et muette, sans aucun moyen de communication avec l’extérieur, dans ce cachot d’argile qui ne devait s’ouvrir que sur la tombe. À quoi bon insister sur les détails de cette triste fin ? Il n’est pas de bonne manière de mourir ; mais il est douloureux, pour les survivants, de voir s’en aller sitôt une intelligence remarquable, qui pouvait longtemps encore porter des fruits, et de perdre sur le chemin de plus en plus désert de la vie un compagnon de sa jeunesse. »

Les Œuvres complètes de Baudelaire ont été recueillies en une édition définitive (Michel-Lévy, 1871-1872, 7 vol. in-18). Elles se composent de : Fleurs du mal (1 vol.) ; Petits poèmes en prose et Paradis artificiels (1 vol.) ; Histoires extraordinaires et Nouvelles histoires extraordinaires, traduites d’Edgard Poë (2 vol.) ; Curiosités esthétiques (1 vol.) ; l’Art romantique (1 vol.) ; Aventures d’Arthur Gordon Pym, Eurêka, traductions d’Edgard Poë (1 vol.). Il a été, de plus, publié sur le poëte des Fleurs du mal un volume intitulé : Charles Baudelaire, souvenirs, correspondance, bibliographie, suivis de pièces inédites (Paris, Pincebourde, 1872, in-8o).