Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BASINE, fille de Chilpéric Ier et d’Audovère

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 1p. 312).

BASINE, fille de Chilpéric Ier et d’Audovère, vivait au VIe siècle de notre ère. Enveloppée dans la haine implacable que Frédégonde portait à tous les enfants que Chilpéric avait eus de ses autres femmes, elle ne fut cependant pas mise à mort par sa cruelle marâtre ; mais celle-ci conçut contre elle un dessein plus horrible encore. Elle donna l’ordre à des soldats de la violer ; puis elle la fit jeter dans le monastère de Sainte-Croix, que sainte Radegonde avait fondé à Poitiers.

Basine s’habitua difficilement aux exercices du cloître. Elle sentait qu’un sang royal coulait dans ses veines, et elle voulait commander au lieu d’obéir. Or, il y avait aussi dans ce couvent une fille de roi, appelée Chrodielde, qui, non moins ambitieuse que Basine, aspirait, elle aussi, au titre d’abbesse. Ces deux princesses s’unirent pour faire naître le trouble dans le monastère, et, lorsqu’en 589 Leubouerre succéda à Agnès, qui n’avait été que peu de temps abbesse après sainte Radegonde, elles sortirent avec quarante de leurs compagnes, et allèrent à pied, jusqu’à Tours, trouver l’évêque saint Grégoire. Elles venaient accuser leur nouvelle abbesse de plusieurs crimes, et exposer aux rois, leurs parents, toutes leurs souffrances. Saint Grégoire, n’ayant pu les décider à rentrer dans leur couvent, les garda à Tours le reste de l’hiver. L’été suivant, Chrodielde alla trouver le roi Gontran, à qui elle persuada ce qu’elle voulut, et qui lui promit qu’une assemblée d’évêques jugerait le différend. Alors elle vint rejoindre à Tours les autres religieuses, dont le nombre avait diminué pendant son absence, plusiers d’entre elles ayant renoncé à leurs vœux et s’étant mariées. Après avoir vainement attendu les évêques dans la ville de Tours, Basine et Chrodielde revinrent à Poitiers avec le reste de leurs compagnes. Mais, mécontentes de leur insuccès, froissées dans leur orgueil de filles de roi, oubliant tout devoir, toute retenue, toute pudeur, elles se firent accompagner d’une bande de malfaiteurs, qui s’emparèrent de l’église de Saint-Hilaire et la pillèrent. Les évêques de Bordeaux, d’Angoulème, de Périgueux vinrent les. exhorter à cesser ce scandale, et, sur leur refus, les déclarèrent excommuniées. Non contentes de faire éclater devant les princes de l’Église leur morgue hautaine, leur fierté native ; non satisfaites encore de les avoir abaissés par leur refus, elles lâchèrent sur eux les bandits qu’elles avaient emmenés. Ceux-ci tombèrent sur les saints membres de l’Église, les contusionnèrent, les blessèrent, les mirent en fuite ; puis, se retournant vers le couvent, ils le mirent à sac.

Basine etChrodielde étaientenfm maîtresses ; elles commandaient, non plus à des femmes, à des nonnes, à des saintes, comme elles l’avaient ambitionné, mais, véritables héroïnes de roman, à une troupe d’hommes armés. L’abbesse Leubouerre était leur prisonnière.

Cependant, le comte de Poitiers avait reçu de Childebert l’ordre de mettre fin à toutes ces violences. Ne pouvant tenir contre des forces supérieures, les révoltées furent obligées de capituler. Les bandits furent dispersés, l’abbesse Leubouerre fut rétablie dans ses droits, et Basine, Chrodielde, ainsi que leurs compagnes, rentrèrent dans l’obéissance. Lors du concile de Metz, en 590, le roi Childebert obtint la levée de l’excommunication dont elles avaient été frappées.