Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BABEUF (François-Noël), écrivain politique et conspirateur
BABEUF (François-Noël), écrivain politique et conspirateur, né à Saint-Quentin en 1764. Avant la Révolution, il était géomètre et commissaire à terrier dans la ville de Roye ; il publia en 1790 un ouvrage intitulé Cadastre perpétuel, fixa l’attention par des articles virulents dans le Correspondant picard, et fut successivement administrateur du département de la Somme, puis du district de Montdidier, et secrétaire général de l’administration des subsistances, à Paris. Poursuivi par des haines locales, il se vit accusé d’avoir substitué un nom à un autre dans une acquisition de biens nationaux ; mais cette accusation, qui lui attira une condamnation par contumace, fut définitivement anéantie par un arrêt du tribunal du département de l’Aisne. Après le 9 thermidor, il revint à Paris et publia divers écrits, entre autres : Du Système de dépopulation ou la vie et les crimes de Carrier, ouvrage curieux où il associe à des principes démocratiques très-ardents une haine énergique contre le système de la Terreur. C’est lui, dit-on, qui donna aux partisans de ce régime le nom de terroristes. Peu à peu il prit sa direction vers la démocratie radicale, et créa le journal le Tribun du peuple ou le Défenseur de la liberté de la presse, qu’il signait Caïus Gracchus Babeuf, et où il commença à développer les principes révolutionnaires pour le triomphe desquels fut tramée la fameuse conspiration qui a gardé son nom. Les idées de Babeuf et de ses adhérents, qu’on peut rejeter et combattre, mais dont il est impossible de méconnaître la portée, marquaient par leur apparition une phase nouvelle dans le drame de la Révolution. C’était une sorte de communisme élémentaire, où manquaient la science sociale et l’intelligence politique, mais non la profondeur et la hardiesse. Le but des sectaires était d’établir le bonheur commun, la république des égaux par la socialisation de la propriété et la communauté des biens. Un club fut ouvert au Panthéon, une propagande active fut faite parmi le peuple ; d’anciens conventionnels et jacobins se rallièrent plus ou moins sincèrement au nouveau symbole, et secondèrent cette tentative désespérée du parti populaire contre la réaction thermidorienne, continuée par la corruption directoriale. Une vaste conjuration fut formée en 1796, pour le renversement du Directoire et des Conseils et le rétablissement de la Constitution de 1793, dont les conspirateurs comptaient bien élargir les bases. Trahis par l’officier Grisel, Babeuf et ses complices furent arrêtés en mai 1796, renvoyés devant une haute cour nationale assemblée à Vendôme, et condamnés le 26 mai 1797 : Babeuf et Darthé, à la peine de mort, et d’autres à la déportation. Tous avaient montré la plus indomptable énergie pendant le procès. Les deux condamnés à la peine capitale se poignardèrent en entendant leur arrêt et furent, le lendemain, portés mourants sur l’échafaud. La doctrine de Babeuf a été nommée Babouvisme, du nom de son fondateur ; et ses partisans, babouvistes. L’un des conjurés, Buonarotti, a publié la Conspiration pour l'égalité, dite de Babeuf (Bruxelles, 1828), relation curieuse dont M. Gabriel Charavay a donné (Paris, 1850) une nouvelle édition.
Pour l’analyse de la doctrine, v. Babouvisme.