Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Aux lecteurs du Grand dictionnaire


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AUX LECTEURS DU GRAND DICTIONNAIRE


Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle est achevé. Nous venons poser la dernière pierre du monument, et nous ne saurions mieux couronner l’édifice qu’en rappelant les admirables efforts de celui qui en a conçu le plan et poursuivi l’exécution au prix de sa vie. Aujourd’hui, d’ailleurs, chacun peut, en toute connaissance de cause, porter un jugement sur l’œuvre colossale à laquelle le nom de Pierre Larousse restera éternellement attaché.

Les lecteurs du Grand Dictionnaire n’ont pas oublié les premières pages dans lesquelles l’auteur, après avoir passé en revue toutes les œuvres de même nature publiées jusqu’à ce jour et en avoir sincèrement fait ressortir les qualités et les défauts, a raconté en termes simples et honnêtes les difficultés de ses débuts, les obstacles qui se dressaient devant lui et la fermeté opiniâtre qu’il opposa à ces obstacles mêmes.

Ses recherches incessantes et son infatigable labeur lui avaient fait regretter l’absence d’un livre où seraient réunies et condensées toutes les connaissances humaines.

Que sait-on aujourd’hui en histoire, en géographie, en astronomie, en physique, en chimie, en mathématiques ?

Où en est-on en littérature, en art, en industrie ?

Que connaît-on du globe que nous habitons, de son état actuel et de son passé ?

Que sait-on de l’homme lui-même et des graves problèmes religieux, politiques, sociaux, qui n’ont cessé de l’agiter dès le moment où il a commencé à penser ?

Telles étaient les questions que se posait sans cesse Pierre Larousse et, pour y répondre, il résolut de dresser le bilan de toutes les époques et de tous les peuples ; il entreprit de réunir en un immense faisceau toutes les manifestations de l’activité et de la pensée humaine.

Vaste et noble entreprise, bien digne de cet esprit audacieux !

Les lecteurs du Grand Dictionnaire savent que cette tâche, capable de faire reculer le plus résolu, Pierre Larousse l’a accomplie.

Sans parler des soins que l’auteur ou plutôt le créateur de la méthode lexicologique pouvait mieux que personne apporter à la partie grammaticale de l’œuvre, l’histoire, la géographie, la biographie, la bibliographie, les sciences ont été traitées avec des développements que l’on aurait peine à trouver dans beaucoup de recueils spéciaux.

L’histoire a été écrite avec l’impartialité la plus complète, en dehors de toute opinion préconçue, de tout esprit systématique, sans ménagement comme sans faiblesse.

Le Grand Dictionnaire a donné à la géographie toute l’extension possible, mettant à profit les auteurs les plus compétents et surtout les relations modernes qui ont jeté une si vive lumière sur un grand nombre de questions restées jusqu’ici non résolues.

On retrouve, dans la biographie, la même indépendance que nous signalions plus haut dans l’histoire, et si l’auteur du Grand Dictionnaire s’est renfermé dans les limites d’une appréciation courtoise à l’égard des vivants, il s’est souvenu, avec Voltaire, que l’on doit aux morts la vérité.

Quant aux sciences basées sur le calcul et l’observation, le Grand Dictionnaire a cherché à élucider toutes les questions, à éclaircir tous les doutes, dans la mesure, bien entendu, du degré de perfection auquel sont arrivées ces diverses branches de nos connaissances.

Enfin les doctrines philosophiques, religieuses, politiques. et économiques, même les plus controversées, ont été présentées sans autre préoccupation que de leur conserver leur véritable physionomie, laissant à chacune d’elles le soin de plaider sa cause.

Pour les diverses parties que nous venons d’énumérer, l’auteur du Grand Dictionnaire, après avoir péniblement amassé des matériaux sans nombre, les a classés dans un ordre logique, en tenant compte des travaux de ses devanciers et des progrès de la science actuelle. Là, il a amélioré plutôt qu’innové. Mais ce qui constitue le côté véritablement neuf, original, du Grand Dictionnaire ; ce qui lui imprime un cachet tout particulier d’intérêt et d’utilité ce sont les innombrables articles de bibliographie, de littérature et d’art, articles que le lecteur n’avait jusqu’ici jamais rencontrés réunis dans un même ouvrage.

Ainsi se trouve entièrement parcouru le vaste cercle des connaissances humaines ; ainsi le XIXe siècle se trouve doté d’une Encyclopédie sans précédent, le plus vaste monument de littérature et de science qui ait paru jusqu’ici ; ainsi se trouve réalisé le rêve, ainsi se trouvent couronnés les efforts de Pierre Larousse !

Le Grand Dictionnaire restera. l’œuvre de vulgarisation la plus complète qui ait été tentée. Ce qui était épars en cent ou mille ouvrages est là réuni et condensé. Il faudrait, pour étudier seulement une partié des matières qui le composent, de grands loisirs, des recherches dans des collections immenses et hors de la portée du plus grand nombre, une vie entière d’études ; ici, on a tout sous la main. On pourrait comparer le Grand Dictionnaire à ces expositions universelles où, des quatre points de l’horizon, affluent les produits du monde entier ; où tous les peuples se donnent rendez-vous, chacun apportant son histoire, son industrie, ses arts, sa religion, son costume, son langage.

En présence de tant de matières si diverses et si disparates, on pouvait craindre la confusion, l’encombrement. Comment se reconnaître au milieu de tant d’éléments divers appelés à tour de rôle, au hasard, par ordre alphabétique, et destinés cependant à faire un tout systématique et harmonieux ? Pierre Larousse a résolu la difficulté grâce à la simplicité lumineuse de son plan. Partout le même ordre a présidé à la distribution des matières ; des articles généraux présentent la définition, l’origine, les progrès et les développements successifs de la science, de l’art, de l’industrie, de la littérature dont on s’occupe ; une multitude d’articles spéciaux font pénétrer jusque dans les plus petits détails.

L’apparition de cette œuvre gigantesque fut accueillie d’abord avec une sorte de surprise causée par son immensité même ; quelques esprits naturellement portés à la défiance conçurent et manifestèrent des doutes sur la possibilité de son achèvement. L’œuvre marchait pourtant toujours, un peu lentement d’abord, à cause de certaines difficultés matérielles, puis de plus en plus rapidement, surtout à partir du jour où le Grand Dictionnaire eut son imprimerie spéciale, dirigée par Pierre Larousse, qui ne craignit pas d’ajouter cette surcharge nouvelle aux occupations déjà si nombreuses dont il était accablé Les événements désastreux de 1870-1871 auraient pu tout compromettre, si les matériaux n’avaient pas été consciencieusement amassés d’avance. L’aurore de jours plus calmes venait à peine de naître, que les premières atteintes d’une cruelle maladie mirent bientôt Pierre Larousse dans l’impossibilité de présider lui-même à la dernière révision des manuscrits, à l’impression, à la correction des épreuves, à toutes ces opérations multiples qui depuis vingt ans absorbaient ses journées et ses veilles. Mais le Dictionnaire était resté sa préoccupation constante, et lorsque la mort est venue l’enlever à l’affection de tous, sa pensée se reportait encore sur son œuvre, qu’il nous laissait la mission d’achever.

La tâche était lourde. Nous l’avons entreprise parce que nous avions la ferme intention de ne pas dévier de la ligne que Pierre Larousse avait tracée et parce que nous sentions nos efforts encouragés par la sympathie du public. Aujourd’hui que l’ouvrage est terminé nous pouvons dire que, pour accomplir religieusement la promesse que nous avions faite, il nous a suffi de nous conformer à l’esprit qui a toujours dirigé et soutenu Pierre Larousse. Cet esprit se dévoile à chaque page, à chaque ligne. Comme il l’a écrit : « Il n’a pas cherché à abriter derrière des réticences obscures ou des euphémismes pusillanimes la pensée qui a présidé à la rédaction de tous les articles, parce que cette pensée est honnête, loyale et impartiale, et qu’elle est en harmonie avec la tendance et les aspiratiom du siècle. »

Pierre Larousse a écrit dans la dernière ligne de sa préface : « Le germe de 89 est impérissable ; il serait déjà arraché s’il avait pu l’être. »

Ces paroles que nous venons de citer, et qui résument si bien le programme du Grand Dictionnaire, sont restées constamment présentes à notre pensée ; nous étions, en outre, soutenus dans nos efforts par des collaborateurs pleins de zèle, depuis longtemps attachés à Pierre Larousse, qui l’avaient, pour ainsi dire, suivi dans toutes les phases de sen existence laborieuse, et dont quelques-uns connaissaient ses plans et pouvaient deviner ses intentions les plus intimes. Pierre Larousse avait promis, quand la bataille serait gagnée, comme il se plaisait à le dire dans le langage figuré qui se présentait naturellement sous sa plume, de rendre un hommage public et détaillé à tous ceux qui, pour prendre part au combat, étaient venus lui apporter le tribut de leurs travaux individuels. Nous voudrions qu’il fût en notre pouvoir de remplacer aussi Pierre Larousse pour l’exécution de cette promesse ; mais, si nous connaissons l’estime dans laquelle l’auteur du Grand Dictionnaire tenait ceux qui l’avaient aidé dans sa tâche, lui seul savait bien des détails qu’il se serait fait un plaisir d’écrire, donnant à chacun la part qui lui revenait. Au lieu d’un témoignage chaleureux où Pierre Larousse eût mis son cœur tout entier, nous ne pouvons, nous, à notre grand regret, que donner une énumération succincte et sèche du genre d’articles fournis par chacun des principaux collaborateurs du Grand Dictionnaire.


M. Abrant a rédigé pour le Grand Dictionnaire, presque tous les récits des grandes batailles, les traités de paix et de commerce, ainsi que plusieurs articles importants de littérature ; il a aussi pris une part très-grande à la préparation des Allusions historiques ou littéraires.

M. Boissière a eu d’abord pour sa part la rédaction des articles de synonymie et de ceux où il fallait exposer les princjpales règles de la syntaxe française. Il a été souvent chargé de revoir les articles de philosophie ; il en a même rédigé plusieurs. Il s’est aussi longtemps occupé de la lecture définitive des épreuves. Depuis le 11 mars 1875, il est secrétaire de la rédaction.

Beaucoup d’articles importants sur la médecine et l’anatomie sont dus à la plume de M. Bonassies ; d’autres ont été rédigés par M. Paul Labarthe, M. Henry Chéneau et M. Izard.

M. Alcide Bonneau, à qui l’italien et l’espagnol sont des langues familières, qui a fait une étude spéciale de la littérature française depuis ses premières origines jusqu’au romantisme et au temps actuel, a rédigé ou revu de nombreuses biographies de littérateurs, de poëtes ou d’artistes, des comptes rendus d’œuvres littéraires ou dramatiques, des articles de littérature didactique, des peintures de mœurs, etc.

Le Grand Dictionnaire doit à M. Castets un grand nombre de biographies, d’articles de droit, etc. M. Castets s’était chargé dès le commencement, de prendre journellement toutes les notes qui devaient servir à la rédaction de la partie biographique, géographique, ainsi qu’à l’histoire politique ou militaire des différents peuples. Ces documents ont été d’une grande utilité, soit pour lui fournir des matériaux de rédaction, soit pour le mettre à même de rectifier ou de compléter ce qui avait été rédigé par d’autres.

M. Marius Chaumelin a eu pour spécialité la description des tableaux, des statues, des monuments, des œuvres d’art en général, et la biographie des principaux artistes. ― Son fils, ancien élève de l’Ecole polytechnique, a traité, mais dans les derniers volumes seulement, plusieurs points importants relatifs aux mathématiques pures ou appliquées aux arts et à l’industrie.

M. Félix Clément, dont le nom a déjà été associé à celui de Pierre Larousse dans la publication du Dictionnaire lyrique, a vu beaucoup de ses comptes rendus d’opéras passer naturellement de ce livre dans les colonnes du Grand Dictionnaire.

L’histoire des principaux événements et des hommes célèbres de notre grande Révolution a été la part spéciale de M. Louis Combes. L’étude approfondie qu’il a faite de cette grande époque lui a permis de reconnaître et de signaler un assez grand nombre d’erreurs généralement accréditées.

M. Deberle a été secrétaire de la rédaction de 1872 jusqu’au commencement de 1875 ; il a écrit, en outre, des articles de genres divers se rattachant à la critique littéraire ou artistique.

M. Dupuis a rédigé en grande partie ce qui se rapporte à la botanique et à la zoologie. Ses nombreux travaux sont répandus dans toutes les parties du Grand Dictionnaire.

M. Fauré composait ou revoyait principalement les articles relatifs à l’histoire, à la politique, à l’administration, à l’économie sociale.

L’art vétérinaire doit à M. Filet presque tous les développements, très-étendus, que lui a consacrés le Grand Dictionnaire.

M. Jules Joffroy n’est entré qu’assez tard dans la collaboration. Il a traité quelques actualités politiques, ainsi que diverses questions d’administration ou de réformes sociales et même quelquefois de chimie ; son travail principal consistait surtout, dans les derniers temps, à faire la révision définitive des épreuves.

M. Pierre Lefranc a fourni d’importants articles d’histoire générale, de morale, d’économie politique et sociale.

On doit à M. Legros des discussions très-développées sur la philosophie du droit et sur son histoire. Il a aussi traité diverses questions spéciales de législation et de jurisprudence.

M. Liard, professeur de philosophie, a exposé les doctrines de plusieurs philosophes célèbres, surtout chez les anciens ; il a, en outre, donné de savantes dissertations sur divers points de la métaphysique et de la morale.

Les parties les plus élevées des mathématiques ont été traitées par M. Maximilien Marie, répétiteur à l’École polytechnique. Ses travaux dans le Grand Dictionnaire sont d’une réelle importance ; ils sont surtout complétement appréciés par les lecteurs. qui ont poussé assez loin l’étude des sciences exactes. Dans les premiers volumes, les mêmes articles avaient d’abord été confiés à M. Catalan.

On doit à M. Mathieu de nombreuses descriptions et des renseignements de nature diverse sur tout ce qui rentre dans l’art si complexe et si important de l’ingénieur.

La chimie, avec tous les perfectionnements apportés dans ses formules, dans ses procédés d’analyse et de synthèse, avec les découvertes dues aux expériences si multipliées des savants français et etrangers, a été traitée d’une manière très-complète par M. Alfred Naquet.

Les sciences philosophiques et sociales ont été pour M. Pillon l’objet de travaux nombreux ; c’est à lui qu’on doit une foule d’articles où sont approfondies les doctrines de Descartes, de Malebranche, de Leibniz, des philosophes allemands et anglais.

M. Pourret a constamment été chargé de tout ce qui constitue proprement le dictionnaire de la langue. Les diverses acceptions des mots, les définitions, la prononciation, le choix des exemples, tout cela était de son ressort. Il s’occupait aussi de l’étymologie, mais sans la faire remonter jusqu’aux langues de l’Inde ou du Nord ; car, pour ce qui regarde les rapprochements étymologiques avec le sanscrit, par exemple, c’est à MM. Ganneau et Mourot que la tâche avait été confiée. M. Pourret a de plus fait, pour le Grand Dictionnaire, quelques articles de science et de philosophie sociale.

M. Saulnier, éminent jurisconsulte, a traité d’intéressantes questions de droit et fourni de précieux renseignements pour la rédaction de plusieurs biographies.

Nous pourrions citer, en outre, pour des travaux dont la spécification deviendrait trop longue : MM. Accoyer-Spoll, Andrieu, Bienvenu, Boëns, de Bougy, Boutron, B. Buisson, F. Buisson, Caignard, Caumont (Aldrick), Champier, Eugène Clément, Combarieu, Cornu, Cosse, J. Dany, Denizet, Derome, Després, Durand, Flourens, E. Giraud, Gourdon de Genouillac, Grange, Guerrier de Haupt, Humbert, Laluyé, F. Larcher, Laroque, Amédée Le Faure, Le Mansois, Le Noir, Llobet, Maigne, Melvil-Bloncourt, Mialaret, Mickiéwicz, Mirénowicz, Nicolle, Niel, Papillon, Pougens, Prodhomme, Prot, Puissant, Racot, Romey, Ruelle, Schnerb, Secondigné Trousset, Vermorel.

Enfin, nous ne devons pas oublier M. Charles Bournot, metteur en pages et chef de l’atelier de composition, ainsi que MM. Eug. Boutmy, A. Bernier et F. Lhernault, correcteurs, dont le zèle constant et éclairé a beaucoup contribué à la bonne exécution du travail.


A tous ces noms, nous pourrions ajouter ceux de plusieurs hommes de lettres et de savants distingués qui, spontanément, ont apporté des notes, des renseignements, quelquefois des articles tout rédigés.

Il va sans dire que Pierre Larousse, après avoir distribué leur tâche à tant de collaborateurs, classait leurs travaux parmi les siens propres, les revoyait ou les faisait revoir, s’assurait qu’ils s’accordaient, avec les idées générales dont il voulait être et dont il a été en effet, le ferme défenseur.

Quand la mort est venue le priver du bonheur de voir terminer la tâche grandiose qu’il s’était imposée, l’impulsion était si bien donnée que le mouvement ne s’est pas arrêté et nous, qui avons reçu de lui la mission de le remplacer, nous avons cru ne pouvoir mieux y parvenir qu’en exécutant fidèlement et ses pensées et ses désirs.

Maintenir l’œuvre à la hauteur où il l’a placée lui-même, toujours digne du public auquel elle s’adresse ; faire que, jusqu’au bout, on puisse dire : Ceci est un livre de bonne foi ; nous appliquer toujours à en faire rejaillir l’honneur sur son nom et sur sa mémoire, tel a été le but constant de nos efforts.

Aux lecteurs de dire si nous avons réussi.


LES ÉDITEURS.




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