Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Atrée et thyeste, tragédie de crébillon

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 877).

Atrée et Thyeste, tragédie de Crébillon, représentée pour la première fois en 1707. Sénèque avait déjà traité ce sujet plein d’horreur, qui dépasse la mesure du pathétique ’moral. Les deux auteurs se surpassent tour à tour, et l’un faiblit là où l’autre domine ; mais, en définitive, la victoire reste au poëte français. M. Villemain a démontré, avec sa finesse ingénieuse, que plusieurs passagr— J bres tableaux étaient un décalque transparent des mœurs atroces du temps de la décadence romaine. Le pofite latin avait donc un premier avantage sur l’auteur français : une sorte de vérité relative qui prêtait de la réalité aux épisodes du drame. Au reste, on retrouve dans Crébillon la pompe, l’enflure de Sénèque, mais avec un cachet de génie qui rachète le vice dé la forme. Il est seulement étonnant qu’avec le goût prononcé qui portait le poète français vers le genre sombre et terrible, il soit tombé

~ exagération qui est, d’ailleur3, le déîun des tragiques du xviin siècle : les

fadeurs d’une fausse sentimentalité. Sénèque s’était bien gardé d’altérer la légende grecque par un épisode d’amour. Les contrastes qu’il oppose aux scènes monstrueuses sont heureux, et les chants du chœur, enviant une existence obscure, ne sont pas sans un charme sévère. « Il y avait dans les souvenirs et dans les mœurs de l’empire, observe M. Villemain, quelque chose d analogue à l’horrible légende mise en scène par Sénèque, et, tout absurde qu’elle est, son siècle lui donnait des couleurs pour la peindre. Mais qu’avait de commun ce sujet avec la politesse sociale du xvmc siècle ? De là, ce coloris romanesque emprunté par le poète ; ce déguisement de Thyeste et de sa nlle, l’amour du prince Plisthène pour la belle étrangère, la reconnaissance du père et du fils, et tous ces lieux communs d’invention. • Malgré ces défauts, le plan de la tragédie de Crébillon est de beaucoup supérieur à celui de Sénèque ; son action est mieux gouvernée ; ses caractères ont plus de naturel et de variété.

La scène se passe à Chalcis, capitale de l’Ile d’Eubée, dans le palais d’Atrée j les prin"cipaux personnages sont:Atrée, roi d’Argos ; Thyeste, roi de Mycèhes, frère d’Atrée; Plisthène, fils d’Erope et de Thyeste, cru fils d’Atrée, et Théodamie, fille de Thyeste. Le sujet est connu:Erope, enlevée il y a vingt ans par Thyeste, au moment où elle venait d’épouser Atrée, est retombée quelque temps après au pouvoir de celui-ci, lorsqu elle allait donner un fils à Thyeste. Atrée a fait périr Erope et à élevé son fils, mais dans l’intention de se servir un jour de sa main pour égorger Thyeste. Tous ces faits antérieurs sont exposés dans la première scène, et la pièce va seulement commencer. Thyeste a vu sa flotte dispersée par une tempête, qui l’a jeté sans secours, lui et sa fille Théodamie, dans l’île d’Eubée, où il est recueilli et secouru par ce même Plisthène, qui est son fils, mais qui se croit fils d’Atrée. Le jeune prince devient alors amoureux de Théodamie, qu’il ne connaît pas. Cependant, Thyeste et sa fille ne demandent quun vaisseau pour s’éloigner d’un séjour que la présence d’Atrée leur rend si terrible ; Plisl’aveu du roi, engage Théodamie à se présenter à Atrée, qui s’étonne que Thyeste dédaigne ou craigne de venir lui-même solliciter son secours. Théodamie cherche à l’excuser; mais le soupçonneux Atrée ne réplique que par ce vers, qui fait trembler : Gardes, faites venir l’étranger en ces lieux. La situation est terrible, et la reconnaissance entre les deux frères, malgré le déguisement de Thyeste, amène dans la bouche d’Atrée des vers d’une effrayante énergie :

Je ! e reconnaîtrais seulement il ma haine, est d’une vérité qui fait frémir. On sait le reste : Atrée tient sa vengeance, et il la savourera complète. Pour la rendre plus ainore, plus cruelle à Thyeste, il feint de se réconcilier avec lui. Au milieu du festin qui doit sceller

  • cet oubli de leurs haines mutuelles, il lui présente

une coupe pleine du sang de Plisthène, qu’il a fait égorger ; près de la porter à ses lèvres,’le malheureux Thyeste s’écrie : c’est du sang !…


{{Centré|thyeste

Je reconnais mon frère.

Ce vers effroyable est traduit de Sénèque. Thyeste se tue, et le dernier vers du rôle d’Atrée.

… Je jouis enfin du fruit de mes forfaits.

termine dignement la pièce.

La Harpe, auquel nous avons emprunté en partie cette analyse, critique vertement la tragédie de Crébillon, dont il prend plaisir à relever les inconséquences, les incorrections et la faiblesse d’intrigue ; mais on sait à quel mot d’ordre il obéissait, de quelles rancunes il se faisait l’interprète. Il n’en est pas moins vrai que, si le degré d’horreur auquel est poussé cet effroyable drame domestique, t’a fait bannir de notre répertoire, il s’impose encore à la lecture et à la critique. On ne peut s’empêcher d’applaudir au savant agencement des scènes et a la vigueur du style, quoique parfois incorrect, Il y a des traits.d’une profondeur et d’une énergie incroyables. A-t-on jamais mieux exprimé que dans ces vers d’Atrée la cruelle satisfaction que donne la vengeance :

Du plus puissant de tous j’ai reçu

Je le sens au plaisir que me fait la vengeance.

La pièoe de Crébillon offre plus d’un trait de ressemblance avec la Jlodogune de Corneille, et Voltaire, malgré son antipathie bien connue pour le poëte, n’a pas dédaigné de lui faire un double emprunt dans son Mahomet.

Atrée et Thyeste produit toujours à la scène une impression d’horreur que ressentent les spectateurs les plus blasés sur ce genre de spectacle. Un Anglais, qui assistait a la première représentation, sortit de son flegme britannique à la vue de la fameuse coupe de sang, et sentit, avec une douce émotion, tout son corps s’agiter dans un frémissement d’horreur. Un Français, qui assistait à la même représentation, mais qui trouvait sans doute moins de plaisir à ces violentes secousses du cœur, donnait des marques d’impatience dès le troisième acte ; an. —.ouuiogue, >i cinquième, lorsque Atrée dit :

Oui, je voudrais pouvoir, au gré de ma fu’eur,

Le porter tout sanglant jusqu’au fond de ton cœur… ce spectateur ne’put y tenir ; las de voir Atréé délibérer si longtemps sur ce qu’il ferait de Plisthène, il avança la têtç vers le théâtre, et dit assez haut pour être entendu : Eh ! fais-en ce que tu voudras. Mange-le tout cru si cela te plait, pourvu que je ne sois pas de ton festin. Et il s’en alla.

Un poète allemand, Weiss, a aussi donné une tragédie intitulée Atrée et Thyeste (1780). Quelque atroce que soit VAtrée du poiite français, c’est presque un Titus à côté du personpièce germanique, dont le sujet est emprunté à la quatre-vinf* ^ « :, :  ; » « ’i < » ""d’Hygie. Et nunc erudimini.

quatre-vingt-huitième fable

MCconnais-lu ce sang ?

ATRÈME s. f. (a-trê-me — du gr. atremés, tranquille). Bot. Genre do plantes de la famille des ombellifères, formé aux dépens des coriandres, et comprenant une seule espèce, qui croit à la Louisiane.

ATRÉNESTE,. Myth. gr. Nom que l’on donnait au fils du cyclope Argétès et dePhrygia. ATRÉSIE s. f. (a-tré-zî — du gr. o priv. ; trésis, perforation). Méd. Occlusion ou imperforation d’une ouverture naturelle.