Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Amschaspand et darvands

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 303).

Amschaspands et Darvands, par Lamennais. Cet ouvrage, qui parut en 1843, contient, sous le voile transparent d’une lutte entre les bons et les mauvais génies, empruntée à la mythologie des Perses, une critique pleine d’exagération du régime constitutionnel, une satire amère des hommes et des choses sous le règne de Louis-Philippe. Dans la correspondance que l’auteur prête aux Amschaspands (bons génies), brille, à travers la tristesse qu’inspire le présent, la foi dans l’avenir de l’humanité. La marche de la société est comparée au vol du passereau qui s’abaisse et se relève alternativement. L’homme ne voyage pas dans la

plaine ; devant lui est un mont qu’il lui est commandé de gravir, et après celui-ci un autre plus élevé, et ainsi toujours ; parvenu au sommet, il faut qu’il descende pour remonter ensuite. La religion ne meurt qu’en apparence, elle renaît toujours, se transformant chaque fois selon les besoins de la société dont elle suit le progrès et dont elle caractérise l’état. Le système social actuel est vieilli, usé, il ne satisfait plus aux conditions de la vie des peuples ; mais au fond de ce mal est un germe de bien ; quelque chose naît sous ces images de mort ; sur ces ruines auxquelles tous les peuples auront mis la main, s’élèvera une demeure plus vaste, plus magnifique, a laquelle chacun d eux apportera sa pierre, et que tous, unis par une même foi, habiteront un jour en commun. La correspondance des Darvands exprime la joie qu’ils éprouvent au spectacle de la corruption et de la misère de l’espèce humaine. Le gouvernement constitutionnel, qu’ils traitent de sot mensonge, de dure tyrannie voilée par des-mots, d’expédient fiscal, de machine à pressurer le peuple, leur fournit d’inépuisables.gaietés. Les Darvands, en mau


vais génies qu’ils sont, n’ont aucun scrupule ; ils n’hésitent pas a donner aux choses ; qu’ils voient des noms outrageants : nos Chambres leur offrent tous les genres de décrépitudes physiques, intellectuelles, morales ; ils font de nos hommes d’État des portraits peu flattés ; dans le cens, ils se plaisent à voir la puissance de l’or pour.ainsi dire organisée ; ils ont aussi, en passant, " quelques traits pour les chefs d’école et leurs révélations grotesques.

Le livre des Amschaspands et Darvands ne formule point un système ; c’est plutôt un ouvrage de polémique contemporaine que de philosophie sociale ; le style en est coloré) poétique, mais souvent délayé et mono’tphe, : malgré le contraste des sentiments exprimés.