Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Amis du peuple (SOCIÉTÉ DES)

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 273).

Amis du peuple (SOCIÉTÉ DES). La révolution de Juillet fit éclore un grand nombre de sociétés politiques, qui se livrèrent activement à la propagation des principes républicains dont elles étaient animées, et conquirent une puissante influence sur l’opinion. L’Association des écoles, la Société de l’ordre et des progrès, L’Union, la Société constitutionnelle, recrutèrent partout des adeptes, et comptèrent bientôt d’illustres représentants dans les deux Chambres, à l’Institut, dans la presse, dans l’armée, dans les sciences, dans les arts, dans l’industrie. La Société Aide-toi, si célèbre sous la Restauration, n’avait encore rien perdu de son prestige. Mais de toutes ces sociétés populaires, la plus active, la plus importante, sans contredit, fut celle des Amis du peuple, dans laquelle ne tarda pas à se fondre la Loge des amis de la vérité. Hardie, bruyante, pleine d’une fiévreuse initiative, la Société des Amis du peuple se composait surtout de ces héroïques jeunes gens qui avaient guidé en juillet les coups du peuple ; elle fit revivre un instant les traditions du club des jacobins. Ses séances, d’abord publiques, se tenaient au manège Peltier. C’est là qu’accouraient, pour s’aguerrir aux délibérations tumultueuses, ceux qu’entraînait l’élan d’une conviction sincère, comme ceux qui brûlaient de sortir de leur obscurité et voulaient faire de la société un piédestal à leur ambition. Les persécutions du ministère ne manquèrent pas aux amis du peuple, et ils n’existaient déjà plus comme assemblée publique lorsque Casimir Périer parvint au pouvoir ; mais ils étaient loin encore d’avoir perdu leur empire sur les esprits. La Société entretenait avec les départements des relations assidues, soutenait les convictions chancelantes, et tenait sans cesse le gouvernement en échec par une série de publications vives, spirituelles, mordantes, auxquelles on ne savait répondre que par des calomnies, ou d’impurs pamphlets émanés de la police. Les membres de cette société célèbre eurent plusieurs fois des procès politiques à soutenir, procès dont ils sortirent toujours vainqueurs, soit devant l’opinion, soit même en vertu des déclarations du jury ; c’est qu’ils avaient pour eux le prestige des principes de justice et de liberté qu’ils défendaient avec autant de hardiesse que de talent, et qu’ils donnaient une voix éloquente à tant d’espérances déçues après la révolution de Juillet. C’est dans ces luttes judiciaires, auxquelles accusés et avocats prenaient part tour à tour, que se dessinèrent, avec une grandeur incontestable, des caractères et des talents aujourd’hui respectés de tous : Godefroy Cavaignac, Guinard, Garnier-Pagès, Marie, Dupont, Ploque, Bethmont, Michel (de Bourges), etc. En feuilletant les annales de la Société des Amis du peuple, on retrouve toutes les sommités républicaines de cette époque.