Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Alsace (LA LÉGENDE D'), recueil de vers (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 208).

Alsace (LA LÉGENDE DE), recueil de vers, par M. Édouard Schuré (1884, in-18). La légende de l’Alsace, comme celle de tous les pays, se compose en réalité d’une multitude de légendes parmi lesquelles M. Edouard Schuré a choisi les plus caractéristiques. Ces sortes de vieilles traditions, sans aucune autorité historique, le plus souvent, n’en sont pas moins précieuses en ce que, mieux que l’histoire, elles font pénétrer dans la vie intime du peuple ; elles offrent, dans leur naïveté, des tableaux sincères d'une époque disparue, et l’on devrait faire pour toutes les provinces françaises ce que l'auteur a fait pour la sienne : recueillir les œuvres des anciens conteurs ou chroniqueurs locaux, se faire chanter les vieilles chansons qui n’ont jamais été écrites, et reconstituer, s'il est possible, la vie provinciale à ses diverses périodes. L'Alsace est plus riche que toute autre en ce genre de documents populaires, et, en n’en retenant que les points lumineux, M. Ed. Schuré, au moyen des épisodes qu'il a choisis, nous promène à travers dix-huit siècles ; c’est une opulente moisson. Quelques-uns de ces épisodes ont été traités par lui avec plus de développement ; nul ne le méritait mieux que cette légende du Mur païen, d’après laquelle les ancêtres des Alsaciens actuels, population mélangée de Séquanes et de Kimris, se seraient réfugiés sur un des plus hauts plateaux de l’Alsace, pour échapper à l'inondation des Barbares, et en auraient muré la seule issue par d’immenses quartiers de roches amoncelées. Le mur existe encore, c’est tout ce qu’on peut en dire, et l'histoire n’a pas conservé les hauts faits des laboureurs et des bûcherons qui en entreprirent la défense ; la légende y supplée, et peut-être est-elle véridique. Cet épisode clôt la plus ancienne période des traditions, populaires ; pour le moyen âge, M. Ed. Schuré en a choisi deux également caractéristiques : la légende de sainte Odile résistant à un père despotique, et celle de la reine Richardis qui dénonce et fait condamner la lâcheté de son mari. « Le XVIe siècle, dit M. Ch. Leser, jette heureusement une note consolante dans ce triste tableau ; avec la Réforme et la Renaissance naissent les confréries de chanteurs, et les poètes populaires accordent leur lyre. M. Schuré met en scène les Zurichois qui, pour prouver à leurs amis de Strasbourg qu’ils étaient en mesure de voler à leur secours si jamais la cité libre était menacée, descendirent le Rhin en bateau et débarquèrent une soupe encore chaude. Les Strasbourgeois n’ont pas oublié qu’en 1870 les Suisses restèrent fidèles à l'engagement que leurs pères avaient pris en 1576, et qu'ils obtinrent du général de Werder l'autorisation d’emmener loin de la ville assiégée et bombardée les femmes et les enfants. L’histoire de la Révolution en Alsace est fertile en événements intéressants ; Strasbourg, même après ouvert ses portes à Louis XIV, avait conservé ses franchises municipales ; aussi le mouvement de 1789 fut-il salué avec enthousiasme de l’autre côté des Vosges ; les enrôlements volontaires y furent plus nombreux que partout ailleurs, et plusieurs Alsaciens figurèrent avec honneur dans les armées de la Révolution et du premier Empire. Ces souvenirs récents devaient naturellement servir de conclusion à la Légende d'Alsace, qui est en même temps un acte de foi patriotique. »