Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Algérie (supplément)

Administration du grand dictionnaire universel (16, part. 1p. 89-91).

* ALGÉRIE. — Histoire. Nous avons dit, au tome Ier du Grand Dictionnaire (v. Alger, Algérie), comment la France, outragée dans la personne de son représentant, fut, en 1830, amenée à s'emparer des États barbaresques, et nous avons, pas à pas, suivi l'armée française depuis son débarquement à Sidi-Ferruch jusqu'en 1857, époque à laquelle le maréchal Randon soumit définitivement la Kabylie, ce dernier rempart de la résistance. Depuis, et bien que notre conquête n'ait pas été en péril, de nouvelles insurrections ont éclaté sur divers points. En 1859, une expédition au Maroc du général Martimprey nous a coûté, sans résultats, plusieurs milliers d'hommes. En 1864, une querelle avec les tribus de marabouts de l'extrême sud a causé un soulèvement sur le Tell oranais et dans la partie méridionale de la province d'Alger. Plus heureux qu'habiles, nous sommes restés maîtres d'une situation compromise par des gouverneurs inexpérimentés, et, jusqu'en 1870, les Arabes, réduits à la famine par suite de l'incurie et de l'ignorance de l'administration, se sont contentés de mourir de faim pour la plus grande gloire des bureaux arabes et du régime militaire. Arrive 1870. À l'annonce de nos désastres, des tribus nomades, depuis de longues années refoulées au delà de nos frontières du Sud, s'enhardissent jusqu'à faire irruption sur notre territoire et cherchent à recommencer la lutte. Elles sont repoussées. Mais ce mouvement a pour résultat de montrer les faibles ressources dont nous disposons dans la colonie. Le dernier régiment est appelé d'Afrique à l'armée de Chanzy. En face des indigènes, nous n'avons plus, pour maintenir l'ordre, que des mobiles et des mobilisés sans instruction et sans armes, et ce sont les hommes sur lesquels nous croyions pouvoir compter le plus qui se révoltent.

L'insurrection débuta par une mutinerie des spahis d'Aïn-Guettar, qui refusèrent de partir pour la France et regagnèrent leurs tribus. Ce fut le signal. Aussitôt diverses tribus de l'Est se soulevèrent. Souk-Ahrras et El-Milia furent bloqués. L'agitation gagna même le cercle de Tebessa. Cette fois encore nous réussissons à réprimer l'agitation, et tout semble rentrer dans l'ordre; mais ce n'était qu'une accalmie, et l'insurrection recommença bientôt, organisée, puissante.

Le 15 mars 1871, à la voix de Mokrani, bach-aga de la Medjana, la révolte éclate en même temps dans les deux provinces d'Alger et de Constantine, et elle se répand comme une traînée de poudre dans la Kabylie tout entière. Le vieux marabout El-Haddah se range sous le drapeau de Mokrani, et la lutte prend dès lors un caractère essentiellement religieux. À peine avait-on eu le temps, à Alger, de réunir quelques bataillons, que les Kabyles menaçaient déjà la plaine de la Mitidja ; mais un engagement qui eut lieu le 22 avril nous donna l'avantage, et 2,000 hommes bien commandés mirent en fuite les indigènes. Ce succès inespéré donna au général Lallemand le temps de réunir quelques forces, avec lesquelles il débloqua successivement Tizi-Ozou et Dellys, pacifia la vallée de l'Oued-Sibaoun et reconquit les hauteurs du Jurjura. En même temps, des colonnes moins importantes, opérant sur le flanc droit, délivraient Béni-Mansour, livraient à l'Oued-Soufflat un brillant combat dans lequel fut tué le bach -aga Mokrani, promoteur et chef de l'insurrection, dégageaient Dra-el-Mizan, amenaient la soumission complète de l'Oued-Sahel et du versant sud des montagnes, et venaient, le 24 juin, se réunir à la colonne Lallemand pour débloquer Fort-National et écraser l'insurrection kabyle.

Après ce combat, qui fut une véritable bataille, on croyait la révolte vaincue, quand un soulèvement considérable éclata dans l'ouest de la province d'Alger, chez les Beni-Menasser. En un seul jour, Cherchell était bloqué, une partie de la plaine dévastée et la ligne du chemin de fer comprise entre Adelia et Bou-Medfa sérieusement menacée. Grâce cependant à l'activité déployée par deux colonnes envoyées contre les rebelles, Cherchell et les villages furent débloqués en quelques jours et presque sans engagement. Mais on déposait à peine les armes qu'il fallut les reprendre. Dans la province de Constantine, Si-Aziz, fils du cheik El-Haddah, et le caïd d'Aïn-Tayrount levaient l'étendard de la révolte. Dans quelques jours, elle s'étendit aux cercles de Bousaâda, Bou-Arreridj, Bougie, Sétif, Djidjelli et Batna. Six colonnes mobiles, parties de points opposés, marchèrent contre les insurgés, les poussèrent devant elles, les écrasèrent dans diverses rencontres et finirent par les acculer au Bou-Taleb, où fut livré le dernier et le plus sanglant combat de la campagne. La Kabylie orientale était domptée ; dans l'extrême sud , Bou-Choucha s'était emparé de Tougourth, et les Mokran, conduits par Bou-Mezrag, frère et successeur du bach-aga Mokrani, étaient allés l'y rejoindre. Le général de Lacroix, envoyé à leur poursuite, arrive à Tougourth à la fin de décembre, se porte aussitôt à Ouargla, où les Oulad-Mokran s'étaient réfugiés, met en fuite le cheik, disperse ses partisans et s'empare de Bou-Mezrag. Ainsi s'éteignit cette insurrection dans laquelle plusieurs familles de colons ont été assassinées, où Chassaing, le tueur de lions, a péri, et qui laissera dans les annales de l'Algérie un long et sanglant souvenir.

Pour ne rien omettre, mentionnons une tentative de révolte qui a éclaté en avril 1876 au sud de Biskra à la suite des prédications d'un derviche du nom de Ben-Ayech. Le général Carteret, loin d'imiter ses prédécesseurs, s'est porté dès les premiers jours sur les lieux, et, dans la matinée du 11 avril, il a eu raison de cette velléité de soulèvement. Espérons que, grâce au nouveau régime inauguré par le décret du 24 octobre 1870, nous ne verrons plus se renouveler ces prises d'armes, dont on n'a peut-être pas assez cherché les causes. Les bureaux arabes supprimés et la part de droits et de devoirs également faite aux indigènes et aux Européens, la colonie, jusqu'ici si onéreuse pour la métropole, pourra enfin vivre de sa propre vie et jouir d'une prospérité qu'elle n'a pas encore connue.


Administration. Jusqu'aux derniers temps de l'Empire, et sauf une expérience de quelques mois tentée en 1858, l'Algérie a été, depuis sa conquête, placée sous la direction d'un gouverneur général omnipotent. Dans chaque province, l'administration du territoire civil et du territoire militaire était confiée à un général. de division, qui prenait le titre de général commandant la province. C'était le régime du sabre, et le préfet chargé d'administrer le territoire civil était le très-humble subordonné, comme le vassal du général commandant, et s'il avait sous ses ordres les différents services civils et financiers, il ne surveillait ces services qu'en vertu d'une délégation de l'autorité militaire. Cette subordination des préfets aux généraux avait soulevé de vives réclamations, qui s'étaient manifestées à plusieurs reprises par des pétitions collectives d'abord, ensuite dans le cours de l'enquête dirigée en 1867 par M. le comte Le Hon. Pour donner satisfaction à cet égard à l'opinion publique, un décret du 31 mai 1870 décida que les préfets exerceraient dans les départements la plénitude des pouvoirs administratifs et correspondraient directement avec le gouverneur général sans relever d'aucune autorité. Les pouvoirs administratifs des généraux commandant les provinces étaient limités aux territoires militaires, et ces généraux devaient exercer désormais, dans ces territoires, toutes les attributions dévolues à l'autorité préfectorale. C'était maintenir plus que jamais cette distinction du territoire civil .et du territoire militaire, source de tant de conflits et cause première de tous les abus révélés par l'enquête de 1867.

L'attention du gouvernement de la Défense nationale fut appelée sur cette situation ; le 24 octobre 1870, il fut décrété que les trois départements constitueraient à l'avenir un seul et même territoire, mais il fut ajouté que « néanmoins, jusqu'à ce qu'il en eût été décidé autrement, les populations européennes et indigènes établies dans les territoires dits actuellement territoires militaires continueraient à être administrées par l'autorité militaire. » C'était une réserve commandée peut-être par les circonstances, mais une réserve fâcheuse. Il fallait une solution radicale. On ne sut pas ou on ne put pas la prendre. Cette indécision donna de nouvelles audaces aux partisans de l'ancien système, et, depuis ce décret du 24 octobre, leur influence se retrouve dans toutes les tentatives, qui toutes avortent. En vain, un décret du 24 décembre 1870 décida que dans toute l'étendue du Tell, c'est-à-dire dans la portion essentiellement cultivable du territoire algérien, allant du plateau central à la mer et comprenant 13,146,000 hectares, tous les territoires de tribus contigus aux territoires civils actuellement existants seraient détachés des territoires dits militaires et passeraient immédiatement sous l'autorité civile; l'absence de toute mesure efficace pour assurer le fonctionnement de l'administration civile a empêché l'exécution de ce décret.

Aujourd'hui, l'administration de l'Algérie est ainsi organisée : à sa tête, un gouverneur général civil, qui a la haute direction du gouvernement et des divers services civils et militaires. Sous ses ordres sont placés, en vertu du décret du 7 juillet 1876, trois directions : intérieur, travaux publics et finances.

L'intérieur comprend l'administration générale, la colonisation, l'agriculture et le commerce.

Les travaux publics sont chargés des ports, des routes, des chemins de fer, des constructions civiles, des mines et des forages.

Les finances dirigent tous les services financiers non rattachés directement au ministère et préparent les mesures à prendre pour assurer successivement, dans toutes les tribus de l'Algérie, la perception individuelle de l'impôt par les comptables du trésor. Ce travail aura pour résultat de faire disparaître la diversité des taxes qui pèsent sur les Arabes et surtout les exactions commises jusqu'à ce jour. La création de la direction des finances est assurément une des meilleures mesures adoptées.

L'administration départementale se compose d'une préfecture, de sous-préfectures, de commissariats civils, de circonscriptions cantonales et de communes.

Depuis le décret du 24 octobre 1870, les attributions du préfet et des sous-préfets en Algérie sont les mêmes que celles des préfets et des sous-préfets en France.

Les commissariats civils sont une institution transitoire, destinée à disparaître par l'organisation des territoires civils. Elle a servi et sert encore à protéger les Européens établis sur le territoire militaire. La création des commissariats civils remonte à 1834, mais leur organisation ne date que de 1842. Un arrêté ministériel du 18 décembre de cette année leur confiait des attributions à la fois administratives et judiciaires. Le décret du 7 juillet 1864 a maintenu les premières en décidant que les commissaires civils auraient, dans leur ressort, les mêmes attributions que les sous-préfets. Ils relèvent soit directement du préfet, soit du sous-préfet à l'arrondissement duquel leur district est rattaché. Quant à leurs attributions judiciaires, ils les exercent sous le contrôle et la surveillance du procureur général.

Ainsi que le dit fort bien l'ancien directeur des affaires de l'Algérie au ministère de l'intérieur, M. Casimir Fournier, le décret du 24 décembre 1870, en retirant à l'autorité militaire l'administration d'une grande partie des territoires qui lui avaient été exclusivement soumis jusque-là, n'avait rien fait pour instituer dans ces territoires une administration civile. Le gouvernement de la Défense nationale, qui, d'ailleurs, avait bien d'autres préoccupations, s'était borné à inviter le commissaire extraordinaire à prendre telles mesures qu'il y aurait lieu, au moyen des autorités communales et départementales les plus voisines. Comme ces autorités étaient dépourvues de tout moyen d'action, l'invitation ne pouvait que rester sans effet. Néanmoins, le principe demeurait ; pour le faire passer dans l'application, le gouverneur général civil, compétent pour délimiter et organiser les territoires militaires et les populations indigènes, créa, par un arrêté du 24 novembre 1871, ce qui fut appelé d'abord arrondissement, cercle et ensuite du nom nouveau de circonscription cantonale. “ L'action administrative du préfet, dit l'article 1er de cet arrêté, sera étendue graduellement et par décisions spéciales, sur toutes les populations indigènes de la région tellienne. ” D'après l'article 2 du même arrêté, les chefs de circonscription cantonale sont, en général, des officiers supérieurs de l'armée, relevant du préfet pour tout ce qui est du domaine de l'administration civile, correspondant avec le gouverneur général pour tout ce qui intéresse l'ordre et la sécurité publique, mais continuant à rester sous les ordres des généraux pour tout ce qui, dans la France continentale, est du ressort du commandement militaire territorial. Cette disposition supposait de la part du ministère de la guerre un concours qui n'a pas été obtenu. Nous retrouvons encore ici la force d'inertie et les influences dont nous parlions plus haut.

Malgré ces influences et en dépit de ce mauvais vouloir, sur quatre-vingts circonscriptions que pourrait former la région du Tell, il en a été organisé une trentaine environ, et un décret du président de la République, en date du 20 février 1873, a non-seulement sanctionné les arrêtés de création, mais encore fixé, conformément à un plan figuratif adopté par les conseils généraux, la liste des circonscriptions que des arrêtés ultérieurs doivent placer successivement sous autorité des préfets. Mais il reste à donner aux chefs des circonscriptions cantonales les auxiliaires indispensables du pouvoir civil, à savoir la justice et la force publique. À défaut de ces organes essentiels, on ne peut que réclamer l'appui de l'autorité militaire et c'est là précisément ce quo l'on veut éviter. Cette insuffisance de moyens d'action est une lacune qu'il importe de combler le plus tôt possible. Si elle n'a pas fait renoncer à l'institution des circonscriptions cantonales, elle en a du moins arrêté le développement, et nous le regrettons d'autant plus que nous voyons dans la circonscription cantonale un des meilleurs instruments de l'assimilation. Aujourd'hui, d'ailleurs, l'Algérie peut faire entendre sa voix et hâter le jour de la mise en pratique de bien des améliorations. Indépendamment des conseils municipaux et des conseils généraux élus, elle nomme, par département, un député et un sénateur, autorisés à porter à la tribune ses justes réclamations, et nous devons reconnaître que, sous ce rapport, il lui serait difficile de trouver des hommes plus dévoués que ceux auxquels elle a, depuis 1871, confié le mandat législatif.

— Justice. Le service de la justice en Algérie est placé exclusivement dans les attributions du ministre de la justice. L'organisation judiciaire comprend, comme en France, des justices de paix, des tribunaux de 1ère instance, une cour d'appel et des cours d'assises jugeant avec assistance du jury. Tous les magistrats sont amovibles.

Les juges de paix ont leur compétence et leurs attributions réglées, comme en France, par la loi du 25 mai 1838 et celle du 2 mai 1855, avec cette différence qu'ils statuent en dernier ressort jusqu'à concurrence de 500 fr. et à charge d'appel jusqu'à concurrence de 1,000 francs. Ils remplissent, en outre, les fonctions de juges de référé et, en matière correctionnelle, sur certains points où ne se trouvent pas de tribunaux de 1ère instance, connaissent des délits qui n'entraînent pas plus de 500 francs d'amende et de six mois d'emprisonnement. En territoire militaire et lorsqu'il n'y a pas de justice de paix spécialement créée pour le cercle, les commandants de place connaissent des contraventions punies des peines de simple police.

L'organisation des tribunaux de 1ère instance est la même qu'en France. Toutefois, il est attaché à chacun d'eux un assesseur musulman, avec voix consultative, pour le jugement des contestations entre musulmans. Les tribunaux de 1ère instance sont au nombre de onze : Alger, Bône, Oran, Philippeville, Blidah, Constantine, Mostaganem, Tlemcen, Setif, Bougie et Tizi-Ouzou.

La cour d'appel siège à Alger. Elle est composée de quatre chambres. Par une exception qui est particulière à l'Algérie, le délai d'appel est d'un mois. Il s'augmente du délai de distance si l'une des parties est domiciliée en France: Les arrêts de la cour d'appel sont sujets au pourvoi en cassation dans les conditions du droit commun.

Les indigènes sont jugés, en vertu de la loi musulmane, par un cadi, dont les décisions sont susceptibles d'appel devant les tribunaux de 1ère instance. Le décret du 13 décembre 1866 confère en outre aux indigènes la faculté de porter, d'un commun accord, leurs contestations devant la justice française. Partout où les juges de paix sont institués, les cadis perdent leurs attributions. Ils continuent seulement d'exercer les fonctions de notaire, concurremment avec les notaires français, et à procéder à la liquidation et au partage des successions musulmanes.

‑ Instruction publique. Le jour où la France prenait possession de la régence d'Alger, l'enseignement se bornait à la lecture et à l'écriture du Coran dans quelques rares écoles musulmanes. Pour les israélites, la substitution de la Bible au Coran et des caractères hébraïques aux caractères arabes constituait la seule différence. Examinons rapidement les progrès accomplis depuis lors.

Dès les deux premières années de la conquête, plusieurs institutions particulières, fondées à Alger sous le patronage et la surveillance de l'autorité locale, pourvurent aux besoins de la population européenne. En 1832, on comptait déjà trois écoles françaises et une école israélite, où quarante enfants appartenant à ce culte apprenaient les éléments de la langue française. Des maisons d'éducation se fondaient aussi pour les jeunes filles. Au mois d'avril 1833, le service de l'instruction publique recevait une première organisation dans la ville d'Alger : le gouvernement y instituait à ses frais une première école d'enseignement mutuel et une chaire de langue arabe. Un inspecteur était chargé de la surveillance de cet établissement et des diverses maisons d'éducation soit publiques, soit privées. L'école mutuelle compta bientôt deux cents élèves, dont plus de cinquante israélites. Quant aux musulmans ils s'y montrèrent très-rares, éloignés par la présence des israélites et par la crainte qu'éprouvaient les parents de voir leurs enfants éloignés de l'islamisme au profit de la religion chrétienne. « Cette appréhension était poussée si loin, dit la Correspondance algérienne, qu'on a vu alors des enfants musulmans refuser de porter la décoration de l'école qu'ils avaient méritée par leur assiduité, de peur qu'on ne les soupçonnât de s'être faits chrétiens. » En juin 1833, une école d'enseignement mutuel fut ouverte à Oran. En 1834, de nouvelles écoles étaient créées à Bône, à Kouba, à Dély-Ibrahim, etc. Dans toutes ces écoles, les musulmans étaient admis.

En 1834, le service de l'instruction publique en Algérie comprenait 24 établissements ainsi répartis :

Instruction secondaire : à Alger, un collége fréquenté par 115 élèves, un cours d'arabe en comptant 40.

Instruction primaire : à Alger, 15 établissements, tant publics que privés, comptant 860 élèves ; à Dély-Ibrahim, une école ; à Kouba, une école ; à Mustapha, un établissement privé ; à Oran, 2 écoles et un établissement privé ; à Bône, 2 écoles, dont une d'israélites.

En 1848, le ministre de l'instruction publique est chargé de la haute direction, en Algérie, de ce service, qui jusque-là avait appartenu aux généraux. Un des premiers actes du ministre fut d'élever le collége d'Alger au rang de lycée. Le 14 juillet 1850, trois écoles arabes-françaises de garçons sont fondées à Oran, Blidah et Mostaganem ; trois pour les filles, à Oran, Constantine et Bône. Des cours d'adultes sont organisés sur divers points.

Les créations se succèdent ensuite rapidement. En 1857, Alger voit s'ouvrir une école secondaire de médecine et un établissement mixte d'instruction secondaire, sous le titre de collége arabe-français ; en 1858, un observatoire national est installé dans la même ville. En 1859, création du collège communal de Bône ; en 1860, création des colléges communaux d'Oran, de Constantine et de Philippeville ; en 1863, création de l'école normale primaire d'Alger ; en 1865, création du collége mixte arabe-français de Constantine ; en 1870, création du collège de Tlemcen ; en 1874, création de l'école normale des filles à Milianah.

Aujourd'hui, la population scolaire dépasse le chiffre de 55,000.

A la tête de l'enseignement se trouve placé un recteur, ayant sous ses ordres trois inspecteurs d'académie et trois inspecteurs primaires. De plus, un décret du 15 août 1875, en plaçant tous les établissements d'instruction, publics ou libres, en Algérie, dans les attributions du ministre de l'instruction publique, a institué à Alger un conseil académique dont les attributions sont les mêmes que celles des conseils académiques de France.

Culte. Le culte catholique compte un archevêque, à Alger, et deux évêques, l'un à Oran, l'autre à Constantine. Un arrêté ministériel en date du 2 août 1836 interdit aux évêques de publier en Algérie aucune bulle canonique, d'y reconnaître de caractère officiel à aucun ecclésiastique, d'y établir aucune congrégation religieuse, sans l'autorisation du ministre de la guerre, dont le gouverneur général exerce aujourd'hui les attributions. La police des cultes appartient, comme en France, aux préfets.

Les protestants sont assez peu nombreux en Algérie, où leurs églises, qui forment la vingt et unième circonscription synodale, sont administrées, dans chacune des trois provinces, sous l'autorité du ministre des cultes, par des conseils presbytéraux, relevant d'un consistoire provincial.

Il y a en Algérie, pour chacune des trois provinces, un consistoire israélite siégeant l'un à Alger, l'autre à Oran, le troisième à Constantine. Le consistoire central des israélites de France est l'intermédiaire entre le gouvernement et les consistoires de l'Algérie.

Quant au culte musulman, dont les dépenses font partie du budget de la colonie, il est placé sous la surveillance du gouverneur général, à l'exclusion du ministre qui a les cultes dans ses attributions. Les muftis sont nommés par le gouverneur général ; les agents inférieurs par les préfets.

Travaux publics. Les voies de communication sont divisées, comme en France, en routes nationales, routes départementales et chemins vicinaux de grande et de petite communication. Les routes nationales sont au nombre de cinq. Trois partent des ports d'Alger, de Mers-el-Kébir et de Store pour se diriger droit dans l'intérieur du pays. Elles aboutissent, la première à Laghouat, la deuxième à Tlemcen, la troisième à Biskra. Les deux autres, parallèles au littoral, relient Alger avec Oran d'une part, Alger avec Constantine de l'autre. L'étendue totale de ces grandes artères embrasse, en chiffre rond, 1,768 kilomètres.

Les routes départementales, au nombre de vingt, s'embranchent sur les routes nationales et ont une étendue de 1,445 kilomètres.

Les chemins vicinaux de grande communication sont au nombre de cinquante ; leur étendue est de 2,147 kilomètres.

Deux lignes de chemins de fer sont actuellement en exploitation : celle d'Alger à Oran et celle de Philippeville à Constantine. La première a une longueur de 426 kilomètres, la seconde de 87. Trois lignes nouvelles ont été concédées en 1874, savoir : 1° le chemin de fer d'intérêt local de Bône à .Guelma; 2° le chemin de fer d'intérêt général d'Arzew à Saïda ; 3° le chemin de fer d'intérêt local de Sainte-Barbe-du-Tlélal à Sidi-bel-Abbès. Quatre autres lignes sont à l'étude ; ce sont : le chemin de fer de Constantine à Sétif et à Batna ; la ligne d'Affreville à Boghari ; la ligne de Sidi-bel-Abbès à Ras-el-Ma ; enfin la ligne de Rachgoun à Tlemcen et aux plateaux de Sebdou.

L'Algérie possède des mines nombreuses. Les gîtes de fer, de cuivre, de plomb et de zinc abondent dans les trois provinces. On y rencontre aussi quelques mines de mercure, d'antimoine et d'argent ; mais, à cause de la cherté de la main-d’œuvre et de la difficulté des transports, l'exploitation ne se fait encore que sur une petite échelle. Exceptons cependant Aïn-Mokta, qui, en 1873, a produit 409,538 tonnes et dont les produits s'exportent jusqu'en Amérique.

Il est certains travaux publics dont l’exécution importe particulièrement au développement de la colonie : tels sont le dessèchement et l'assainissement des parties du pays les plus malsaines, l'alimentation en eaux potables des centres de population, l'aménagement et l'emploi des eaux pluviales ou des ruisseaux et des rivières là où le sol est exposé à des sécheresses qui le rendent improductif. À l'aide de subventions accordées, plusieurs communes sont parvenues à établir ou à améliorer l'aménagement et la distribution des eaux affectées à l'alimentation publique ; mais pour les grandes opérations de desséchement de marais, comme pour la construction des grands barrages et réservoirs projetés, le concours des grandes compagnies financières est nécessaire, et jusqu'ici il a fait défaut. L'Algérie a longtemps excité des défiances. Aujourd'hui que l'assimilation avec la métropole devient un fait accompli, nous ne doutons plus de voir les capitaux français se porter de ce côté. Il leur serait difficile de trouver un meilleur placement.

— Colonisation. Jusqu'en 1869, le manque de sécurité, le régime militaire et ses abus, la mauvaise organisation du service chargé des concessions et aussi le défaut d'initiative individuelle avaient été un obstacle au peuplement et à la colonisation. M. le comte Le Hon ne craignit pas de le proclamer bien haut dans son enquête, et le gouvernement impérial se vit obligé de tenir compte de l'opinion publique et de lui donner satisfaction. Il résolut, bien tard, hélas ! de venir en aide aux cultivateurs et créa lui-même des centres de population. Onze villages ou hameaux furent installés par les soins de l'administration. Des villages forestiers allaient aussi être créés, quand la guerre fit ajourner ces projets. Ils ont été exécutés depuis. Le traité qui enlève à la France deux de ses plus belles provinces était à peine signé, que l'Assemblée nationale, par deux lois successives, prit les mesures nécessaires pour que les habitants de l'Alsace et de la Lorraine qui voudraient quitter leur pays pour se rendre en Afrique y trouvassent, non-seulement de bonnes terres mises à leur disposition par l’État, mais encore les moyens nécessaires pour les faire valoir. De plus, le président de la République rendit, le 16 octobre 1871, un décret qui, complété par le décret du 15 juillet 1874, est aujourd'hui la base de la colonisation.

Les principales dispositions du décret du 16 octobre 1871 ont pour but d'assurer le peuplement par l'obligation de la résidence, d'empêcher le retour aux indigènes de la terre cédée, de favoriser l'élément d'origine française pour laisser à la colonie la physionomie nationale, de faciliter l'exploitation des concessions en permettant aux concessionnaires de transporter leurs droits à titre de garantie des prêts qui pourraient leur être faits, d'éviter enfin le gaspillage des ressources précieuses que la spéculation pourrait accaparer sans profit pour l'intérêt général.

Depuis le décret du 16 octobre, plus de seize cents familles ont reçu des concessions, de nombreux centres ont été créés ou agrandis, et vingt centres nouveaux sont en voie de création en 1877. En outre, les grandes industries qui tendent à s'établir dans le pays contribueront puissamment au développement de la population et, par suite, au progrès de la colonisation.

- Population. Le dernier recensement officiel de la population date de 1872. Il accuse un chiffre de 2,414,218 hab., qui se décompose ainsi :

Musulmans . . . . . . . 2,134,527
Israélites indigènes. . . . . 34,574
Français . . . . . . . 129,601
Autres nations européennes . . . 115,516

Par provinces, cette population se répartit comme il suit : province d'Alger, 872,051 hab., dont 55,831 Français ; province d'Oran, 513,492 hab., dont 37,111 Français ; province de Constantine, 1,027,775 hab., dont 86,659 Français.

D'après un rapport du gouverneur général en date du 15 avril 1876, et par suite de l'émigration des Alsaciens-Lorrains, la population de la colonie s'élèverait aujourd'hui à 2,465,407 hab., que leur condition civile divise de la façon suivante :

Français d'origine . . . . . . . 139,772
Étrangers européens naturalisés . . . . 3,654
Musulmans indigènes naturalisés . . . . . 304
Israélites indigènes naturalisés . . . 33,238
Étrangers non naturalisés . . . . . 116,249
Indigènes non naturalisés . . . . . 2,171,690

Nous ne terminerons pas cet article sans dire un mot d’une question qui intéresse au plus haut point la colonie et de la solution de laquelle dépend son avenir. Nous voulons parler de la constitution de la propriété en Afrique.

L’insuffisance ou le défaut d’authenticité des titres sur lesquels reposent, en général, les droits de propriété des indigènes, la législation spéciale qui régissait le statut réel, enfin l’indivision poussée jusqu’aux plus extrêmes limites, ont été de tout temps le vrai, le grand obstacle au développement de la colonisation. L’Européen, prive des garanties que lui assure notre code civil, ne se lançait qu’avec hésitation dans des transactions immobilières d’autant plus aléatoires, souvent, que les vendeurs se montraient vraiment exigeants. Il fallait absolument remédier à cette situation en donnant à la propriété indigène une constitution légale qui en facilitât la transmission et la dégageât des entraves qui en forment une sorte de biens de mainmorte. C’est là ce qu’a voulu Ut loi du 26 juillet 1873, déclarant les lois françaises, et notamment la loi du 23 mars 1855 sur la transcription, applicables dès le jour de la promulgation aux transactions immobilières, portant sur tous les territoires où la propriété peut être considérée comme suffisamment constituée. Elle a déterminé, en outre, les règles k suivre pour constater les droits des occupants, lorsque la propriété est détenue a titre privatif, et pour la constituer individuellement partout où le sol est détenu collectivement par des tribus. De l’exécution de cette loi dépend, nous le rappelons, l’avenir de la colonie. Nous espérons que les sénateurs et les députés de l’Algérie ne permettront pas qu’elle reste à l’état de lettre close.