Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Abbatucci 1791 (jacques-pierre-charles) (supplément)

Administration du grand dictionnaire universel (16, part. 1p. 10).

ABBATUCCI (Jacques-Pierre-Charles), magistrat et homme politique français, né à Zicavo (Corse) en 1792, mort à Paris en 1857. En sortant du prytanée Napoléon, il alla étudier le droit à Pise (1808). Après la chute de Napoléon (1815), il sollicita du nouveau gouvernement une sous-préfecture. Dans une lettre qu’il écrivit à ce sujet au marquis de Rivière, commissaire de Louis XVIII en Corse, il disait : « Mon grand-père est mort il y a deux ans, après avoir perdu au champ d’honneur trois fils, dont l’un général de brigade, émule et ennemi de Bonaparte, mourut à l’âge de vingt-cinq ans et laissa à sa famille pour héritage la haine implacable de cet homme. » En 1816, il fut nommé procureurdu roi près le tribunal de Sartène et, trois ans plus tard, il devint conseiller à la cour d’appel de Bastia. Magistrat désormais inamovible, M. Abbatucci se jeta dans l’opposition libérale avancée, applaudit chaleureusement à la révolution de Juillet et fut nommé, en septembre 1830, par Dupont de l’Eure, président de chambre à la cour d’Orléans. Cette même année, il fut élu député en Corse et il alla siéger à la Chambre auprès de La Fayette et de Laffitte. En 1831, son mandat ne lui fut pas renouvelé ; mais, en 1839, le collège électoral d’Orléans l’envoya à la Chambre des députés. M. Abbatucci soutint le cabinet de M. Thiers (1840), puis il fit une opposition des plus acharnées au ministère Guizot. Lors de la campagne réformiste (1847), il présida, à Orléans, un banquet, dans lequel à prononça un discours qui lui mérita les applaudissements de l’opposition la plus avancée. En février 1848, il fut de ceux qui se prononcèrent pour qu’on fît, malgré les ordres du pouvoir, le banquet du XIIe arrondissement. « Ne pas aller au banquet après l’avoir provoqué, dit-il, c’est manquer à un rendez-vous d’honneur et commettre une insigne lâcheté ; » et, le 22 février, il signa la mise en accusation du ministère Guizot. Après la révolution de 1848, M. Crémieux, ministre de la justice, le nomma conseiller à la cour d’appel de Paris (2 mars), puis conseiller à la cour de cassation (22 mars). Aux élections pour la Constituante, il obtint, comme candidat républicain, une double élection en Corse et dans le Loiret. M. Abbatucci opta pour ce dernier département. Membre du comité de législation, dont il devint président, il vota d’abord avec les républicains modérés, se prononça contre le droit au travail, contre les deux Chambres, et, après le vote de la constitution, qui déclarait toute fonction publique rétribuée incompatible avec le mandat de représentant, il se démit de ses fonctions de conseiller pour rester député. Après la nomination de Louis Bonaparte comme président de la République, il devint un de ses partisans déclarés et ne tarda pas à oublier complètement qu’il avait été libéral pour s’inféoder à la politique de réaction suivie par l’Élysée. Réélu à l’Assemblée législative dans le Loiret (13 mai 1849), il vota d’abord avec la majorité réactionnaire, puis il s’en sépara pour soutenir les projets ambitieux du chef de l’État. Après l’attentat du 2 décembre 1851, M. Abbatucci fit partie de la commission consultative. Le 22 janvier 1852, M. Rouher s’étant démis du portefeuille de la justice à la suite de la publication du décret qui confisquait les biens de la famille d’Orléans, M. Abbatucci fut désigné pour lui succéder, et, le 2 décembre suivant, il reçut un siège au Sénat. Cet ancien libéral, devenu un des agents les plus actifs d’un régime de compression odieuse, conserva le ministère de la justice jusqu’à sa mort.