Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Abadie, affaire (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 4-5).

Abadie, Gilles, Knoblocb, Ktrall, etc. (AFFAIRE). Cette affaire, qui marqua parmi les causes célèbres de 1880, fut surtout notable par la jeunesse et la perversité précoce des accusés. Le plus âgé, le chef de bande, Abadie, avait à peine vingt ans. Il avait rêvé de renouveler, au milieu du Paris du xix» siècle, les exploits légendaires des Cartouche et des Mandrin. Deux assassinats, commis avec une singulière audace, lui valurent deux condamnations à mort, dont aucune ne fut exécutée. Le 3 janvier 1879, le garçon épicier Lecercle était parti vers deux heures de l’après-midi, dans une tapissière, pour encaisser des factures chez différents clients de son patron, M. Martin, épicier, cours de Vincennes. A sept heures, sa voiture, paraissant abandonnée, était rencontrée par le tramway de Vincennes et ramenée chez M. Martin, dont elle portait la plaque, par un contrôleur de là Compagnie. Dans le premier moment, on crut que Lecercle avait laissé échapper son cheval ; mais M. Martin, visitant la voiture, y trouva le cadavre de son employé étendu au fond et couvert d’un paletot ; il avait au cou de nombreuses blessures ayant déterminé une abondante hémorragie, et la mort avait dû être rapide. Malgré les plus actives recherches, la police ne parvint à rien découvrir. Trois mois après, le 17 avril, un nouvel assassinat était commis dans une localité voisine, à Montreuil-sous-Bois, dans un petit cabaret isolé, tenu par les époux Bassengeaud dans la partie fort déserte de la commune qui s’étend vers Rosny et Bagnolet. Bassengeaud, ancien soldat, blessé durant la guerre francoallemande, exerçait au dehors l’état de menuisier et ne rentrait le plus souvent que le soir, laissant toute la journée à la maison sa I femme seule. Le cabaret n’était fréquenté que par de rares clients, des maraîchers, des carriers, et aussi des vauriens de mauvaise mine, des rôdeurs de barrière. Malgré ses quarante-quatre ans et diverses infirmités qui devaient la rendre peu attrayante, entre aitres une ophtalmie, la femme Bassengeaud se choisissait des amants parmi ces rôdeurs qu’elle qualifiai t de « bons garçons •. Abadie eD était un. Cela devait un jour ou l’autre mal finir pour elle ; le 17 avril, vers onze heures du matin, on la trouvait étendue par terre dani sa cuisine, baignant dans le sang^ et frappée de treize coups de couteau, dont 1 un, absolument comme au malheureux Lecercle, avait presque entièrement coupé la carotide. Les meubles avaient été fracturés et fouillés, et, aussitôt que les journaux eurent parlé de l’assassinat, une célébrité de la foire aux pains o’èpices, qui se tenait alors, la femmetorpille, rapportait à la police la montre en or de la victime : elle la tenait d’un individu dont elle, ne savait pas la nom.

Les soupçons se portèrent sur deux jeunes gens que des ouvrières avaient vu entrer, le matin du 17 avril, au cabaret Bassengeaud, et qui en étaient ressortis environ une demiheure après. Au signalement, on reconnut dans l’un Abadie. Celui-ci, en effet, avait été récemment employé à Montreuii comme garçon de lavoir et comme garçon boulanger ; on savait ses relations avec la femme Bassengeaud, et depuis qu’il avait été congédié par ses patrons, il ne cessait de rôder dans le pays. Il fut arrêté le 22 avril, encore porteur d’un pantalon taché de sang ; un paletot et une jaquette maculés furent trouvés dans une chambre qu’il avait occupée le soir même du crime, rue du Faubourg-du-Teinple, avec un de ses amis, Gilles, qu’on arrêta aussitôt. La femme-torpille, qui reconnut en Abadie celui qui lui avait donné la montre, le força à faire des aveux.

Gilles et Abadie s’étaient connus en avril 1878 ; tous deux, pourvus d’un* instruction assez étendue, mais doués d’instincts pervers et ayant le travail en horreur, ne vivaient que de vols. Abadie, qui s’était essayé à tous les métiers, graveur, doreur sur bois, ciseleur, brossier, garçon de lavoir, garçon boulanger, et qui s’était fait chasser par tous ses patrons, avait déjà subi cinq condamnations, dont une avec Gilles, pour vol. Celui-ci était à peine âgé de dix-sept ans. Après avoir ruiné son père, qui tenait une fabrique de fleurs artificielles, en lui emportant une dizaine de mille francs, rapidement dissipés en débauches, il était entré dans une bande qu’Abadie était alors en train de former et dont les statuts, en 42 articles d’une sévérité remarquable car la moindre infraction emportait la peine de mort, furent saisis sur la personne du chef. Les Mémoires, écrits, cela va sans dire, sans style ni orthographe, par Abadie, après sa condamnation, nous montrent comment ce misérable fut amené à se faire chef de voleurs et contiennent de bien curieux renseignements. « J’allais souvent au bal ie soir, passer mes dimanches, et la journée dans un patronage religieux. Je m’y fis remarquer par mon entrain à tous les jeux et par mon exactitude à tous les services. Le soir aussi j’étais exact à la première danse du bal, et au premier coup d’archet j’étais en place pour le pas. Puis le bal fini, je me cherchais une compagne pour la nuit et je choisissais toujours les girondes (belles). Il faut vous dire que, pour faire ce manège, j’avais quitté ma pauvre mère, qui n’aurait pas souffert que je lui parle dans la rue étant au bras de filles de barrière… Donc, pour suffire à toutes ces dépenses, il faut de l’argent et toujours de l’argent. Mes ressources sont épuisées, et il en faut quand même, ou l’amour de ces grues peut se refroidir, les plaisirs vont être abandonnés. Il ne faut qu’un coup de monseigneur ou de caroublage pour ma relever ; il en résultait de la prison ; en sortant, je recommençais avec plus ou moins de succès et je passais mon temps à ce jeu qui devait me conduire où je suis aujourd’hui. À cette époque, je trouve les débris de la bande Chevalier et, réunis, ils reconnurent en moi un garçon vif à prendre un parti, prudent et assez sûr pour qu’ils dorment tranquilles, pourvu qu’ils soient là le jour où j’aurai besoin de leur bras pour chasser une lourde ou pour faire un coup de saute-dessus. Du reste, ils n’en étaient pas à leur coup d’essai, tant dans les fric-frac que dans les caroubles ou les bourses de Paris, et même à manier le couteau, le revolver et la corde à nœud coulant. L’argent vint un peu et l’on put vivre comme cela. Je dus, pour faire exécuter mes ordres et donner plus de sécurité à mes hommes, remettre en vigueur le règlement de Chevalier, en y ajoutant quelques articles qui devaient faire trembler ces jeunes gens et qui plus tard firent frémir les bons bourgeois de Paris et de ses alentours. Il est évident qu’à conduire une bande qui ne rêvait que crimes pour de l’argent, et qui ne reculait pas de tuer pour 20 francs, il aurait fallu une grande force de caractère pour ne pas les suivre, moi qui les commandais ! » Ce dernier mot n’est-il pas typique ?

Gilles, quoique sans instruction sérieuse, était un peu musicien, connaissait le solfège, le piano, jouait du cornet a piston ; son extérieur agréable l’avait fait accepter comme figurant à l’Odéon où il portait un bel habit de valet de chiens dans la Jeunesse de Louis XIV, puis à l’Ambigu dans l’Assommoir ; il y avait fait entrer son ami Abadie.

Abadie et Gilles ayant avoué cet assassinat, comme nous l’avons dit, furent condamnés à mort, mais ils bénéficièrent d’une commutation de peine. Ils allaient partir pour la Nouvelle Calédonie, quand les révélations inattendues d’un nommé Knobloch vinrent jeter un certain jour sur l’assassinat, resté jusqu’alors mystérieux, du malheureux Lecercle. Ce Knobloch venant, on ne sait pourquoi, se constituer prisonnier à raison de deux vols commis par lui à Montreuil et à Saint-Mandé, et dont on ne le soupçonnait même pas, fit connaître en même temps qu’il avait fait partie de la bande d’Abadie et donna à entendre qu’il savait comment Lecercle avait été assassiné. Sans d’abord désigner personne, il raconta que le crime avait été commis par trois individus, dont l’un, connu du garçon épicier, était monté dans la voiture, pendant que les deux autres suivaient à pied. À un signal convenu d’avance, ceux-ci s’étaient approchés, le premier avait arrêté le cheval par la bride, le second, s’élançant dans la tapissière, avait frappé à coups de couteau Lecercle que maintenait par les bras le malfaiteur placé près de lui. Le meurtre accompli, le cadavre avait été fouillé, et les assassins s’étaient partagé l’argent volé.

Quelques jours plus tara, Knobloch avoua qu’il était l’un des trois et que les deux autres étaient Abadie et Kirail, ce dernier déjà antérieurement condamné avec son chef de bande pour le vol commis au cabaret Bassengeaud en 1878. Knobloch et Abadie furent condamnés à mort, Kirail aux travaux forcés à perpétuité. La seule dénonciation de Knobloch valut cette condamnation à Kirail, qui depuis n’a cessé de protester de son innocence.

La peine de Knobloch fut commuée par le président de la République ; quant à Abadie, il profita de la commutation de sa première peine, la cour de cassation ayant décidé « qu’un condamné à la peine de mort, maximum des peines édictées par la loi, purge par l’effet de cette condamnation non seulement le crime pour lequel il a été condamné, mais encore tous les crimes et délits antérieurs,


qui auraient pu être commis par lui précédemment à sa condamnation. « Ce misérable servit au moins à fixer un point de jurisprudence resté jusqu’alors indécis.

ABADIN ou SANTA, bourg d’Espagne, province de Galicia ou Galice, à 40 kilom. N. de Lugo, par 43 « 22’ de lat. N. et 9° 45’ de long. O. ; 1.800 hab. Commerce important de bestiaux.

ABAGAÏTOUL, poste militaire de la Russie d’Asie (Trans-Baîkal), sur la rive gauche de l’Argoun, une des branches de l’Amour, et sur la frontière S.-E. du plateau d’Ablangan, au N.-E. de la Mongolie, à l’extrémité du grand désert de Gobi ou Chamo, par 49° 35’de lat. N. et 115° 35’de long. E.

ABAÏ, petit port de Bornéo, près de la pointe N.-E. de l’Ile, par6°îl’delat. N.et 114 » 15’de long. E. La mer, peu profonde à cet endroit, ne permet pas aux grands vaisseaux d’entrer dans le port.

ABAÏ, fleuve d’Abyssinie, une des branches principales du Nil. Il naît, sous 10° 16’de lat. N., à 2.670 mètres d’altitude, à Gich Abai, près de la base N.-O. du Dengoûiya, à 100 kilom. à peu près du lac Tana. C’est l’Astapus de Ptolémée ; les Portugais établis en colonie dans cette région, à la fin du xvie siècle, visitèrent les sources d’Abaï ; mais la première description en fut donnée par le jésuite Paez. D’après lui, les eaux de l’Abaï, suintant du fond d’une prairie marécageuse, forment un petit lac d’eau limpide. Des exhalaisons de gaz spontanément inflammables, sans doute des feux follets, que l’on voit au-dessus des sources de l’Abaï, lui ont valu l’adoration des indigènes, et maintenant encore on sacrifie des animaux aux génies de la rivière. Large à peu près de 10 mètres, l’Abaï, après un cours de 110 kilom., péntère dans le lac Tana ou Tsana. Son eau, souvent trouble, a déposé dans le lac une longue péninsule d’alluvions, un delta coupé de bouches errantes. En sortant du lac, l’Abaï est d’un bleu pur et mérite bien son nom arabe, Bahr-el-Azrek, le fleuve bleu. Il se dirige d’abord au S.-E. et forme non loin de Woreb, à 5 kilom. du lac, une première chute. Plus bas le cours d’eau, large d’environ îoo mètres, serpente au milieu des prairies, puis s’écoule soudainement par une cataracte de 25 mètres de hauteur. C’est la chute de Tis Esat, ou Alata. Après avoir décrit un demi-cercle complet autour du plateau d’Ethiopie, l’Abat entre dans la Nubie en prenant la direction du N.-O. En quittant l’Abyssinie, il est profondément encaissé et a 25 mètres de largeur. Après avoir parcouru la plaine de Sennaar, il se jette dans le Nil Blanc, en aval de Khartoum.

Dans la partie supérieure de son cours, il est bordé de magnifiques forêts vierges. Dans la plaine, il acquiert jusqu’à 800 et 1.000 mètres de largeur, et forme des îles parées d’une végétation luxuriante. Dans sa partie inférieure, il traverse des forêts impénétrables. Les hippopotames se montrent en troupeaux dans ses eaux, et au S. des cataractes les crocodiles abondent. Ses eaux sont extrêmement riches en poissons, appartenant pour la plupart au genre des Cyprins. La plupart des villes éthiopiennes du bassin de l’Abaï sont situées sur le plateau ou dans les larges plaines qui bordent la rive droite du fleuve. Koarata est la ville la plus commerçante ; elle est située au bord du lac Tana, à 10 kilom. N.-E. de l’endroit où l’Abaï s’échappe du lac. Mota est au pied du mont Talba ; Waha est l’un des marchés les plus considérables du royaume de Godjam. Au-dessous de Mota, on voit les ruines d’un pont sur l’Abaï, près duquel le voyageur français Petit fut dévoré par un crocodile.

À la fin de 1883, un pont fut construit sur l’Abaï entre le Godjam et le Goudron par un ingénieur italien. Sur un promontoire de la rive occidentale se trouve la fameuse Magdala, où résidait Théodoros, qui aima mieux mourir que de se rendre aux Anglais (1868). Le cours de l’Abat est de 3.280 kilom. ; sa largeur varie de 25 à 1.000 mètres ; son débit est de 5.005 mètres cubes par seconde.

* Abailard, drame de M. de Rémusat — V, Abélard.

ABAINVILLE, village de France (Meuse), à 3 kil. N.-N.-O. de Gondrecourt, sur l’Ornain, qui se jette dans la Saulx, affluent de la Marne, par 48° 33’de lat. N. et 3° 12’ de long. E. ; 800 hab. Hauts fourneaux, forges, laminoirs.


* * ABAISSEMENT s. m. — Encycl. Astr. L’abaissement de l’horizon visible est l’angle que fait le rayon visuel rasant cet horizon au-dessous de l’horizon rationnel du lieu. On appelle abaissement d’un astre ou d’un point du ciel l’angle qui mesure son rapprochement de l’horizon. Ainsi le pôle subit, quand on va vers l’équateur, un abaissement égal à la variation de latitude. Les planètes vues de la surface de la terre paraissent plus bas sur l’horizon que si elles étaient vues du centre de la terre ; l’angle des deux directions mesure l’abaissement ; il faut corriger les observations de cet abaissement dû à la parallaxe.

— Phys. Se dit de la température pour signifier un refroidissement, sans doute à cause a sens dans lequel se meut la colonne liquide d’un thermomètre lorsqu’elle se refroidit. Par analogie, se dit aussi du potentiel électrique. En acoustique, il y a abaissement du son lorsque celui-ci devient plus grave.

ABAISSE-PAUPIÈRE s. m. Instrument de chirurgie qui sert à abaisser la paupière.



ABAITE, rivière du Brésil, province de Minas Gernes, a sa source dans la Serra de Mata de Corda, se dirige vers le N.-E. et se jette dans le San-Francisco supérieur, rive gauche, après un cours de 220 kilom. environ. Cette rivière est située entre 18° et 19° de lat. S. et par 48° de long. O. L’Abaite arrose une des régions diamantifères les plus fécondes du Brésil, et la richesse de ses rives attire depuis longtemps les mineurs de tous les pays. C’est vers le xvii siècle que furent découverts les riches gisements de ces parages.

* ABANDON s. m. — Sylvic. Ensemble des arbres d’une exploitation qui doivent être abattus.

Abandonnée (L’), drame en deux actes et en vers, par François Coppée (Théâtre du Gymnase, 13 novembre 1871). Julien, un étudiant, et Louise, une ouvrière, se rencontrent au Luxembourg. Ils se racontent leurs jours laborieux, leurs nuits studieuses, leurs espérances, leurs rêves de tendresse partagée ; et comme ils ont vingt ans, de cette causerie naît aussitôt un amour que tous deux croient ne devoir jamais finir.

Moi, si j’aime une fois, ce sera pour la vie !…

Le temps fuit cependant et sépare les deux amoureux. Quand ils se rencontrent, douze ans après, il y a beaux jours que Julien, devenu un médecin célèbre, a oublié Louise. Un matin, en arrivant à l’hôpital pour y faire sa visite quotidienne, il y retrouve la pauvre abandonnée. Elle se meurt de la poitrine ; c’est la misère et la débauche qui l’ont conduite là ; mais quel est le premier coupable ? celui qui, douze ans déjà passés, lui jurait un amour éternel.

Mon pauvre Julien, pourquoi m’as-tu quittée ?…
Oh ! lorsque vous montez, hélas ! nous descendons !

Julien essaye de lui rendre un peu d’espérance, mais toute la science humaine serait impuissante à la sauver ; il exprime éloquemment son désespoir, son repentir, et Louise, demeurée bonne fille malgré tout, lui pardonne dans un sourire, et meurt.

Tel est l’épisode mis en vers par M. Coppée. L’histoire, quoiqu’elle ne soit pas des plus neuves, est touchante et elle a fait couler bien des larmes. Le drame eut le succès qu’il méritait ; M. Coppée y faisait déjà pressentir qu’il deviendrait un de ces maîtres de la langue théâtrale qui savent racheter la pauvreté d’une action par la délicatesse ou l’éclat de la forme.

* ABANDONNER v. a. — Zootech. Cesser de soigner un animal malade, soit par économie, soit parce qu’il est impossible de le guérir. |) Abandonner un animal dans un pâturage. L’y laisser en pleine liberté.

* S’abandonner v. pron. — Ne plus obéir qu’avec mollesse aux commandements, en parlant des animaux de trait : Un cheval s’abandonne lorsqu’il bronche, ralentit son allure, s’abat. (Barrai.)

Abandonnés (les), drame en cinq actes, par Louis Davyl (Ambigu-Comique, 12 mai 1878). — Guillaume, un brave serrurier, a épousé dans sa jeunesse une grisette, la jolie Nanine, si peu faite pour goûter les joies paisibles du mariage qu’elle ne tarde pas à fuir le domicile conjugal. Au bout d’un certain temps, Guillaume trouve la solitude pesante et se met en ménage avec Mlle Ursule, blanchisseuse aimable et honnête, qui a recueilli par charité un enfant abandonné. D’où vient ce petit Robert ? Question qui reste sans réponse, problème qui tracasse fort le brave Guillaume : il se croit veuf, en effet, sur la foi d’un journal de San-Francisco ; il voudrait épouser Ursule, dont il a déjà deux enfants, mais il tremble que ce petit étranger prétendu ne soit en réalité le résultat d’une première faute de sa maîtresse. La vérité, la voici : Nanine n’est point morte ; après sa disparition, elle a fait la conquête d’un riche Anglais, lord Clifton, et le petit Robert est le fruit de leurs amours. Nanine a quitté son amant comme elle avait abandonné son mari, elle a emporté l’enfant avec elle, puis quand il est devenu une gêne dans sa vie d’aventures, elle s’en est débarrassée sans plus de formalités, et c’est alors qu’Ursule, aujourd’hui la compagne de Guillaume, l’a ramassé au coin d’une borne. Il arrive que le hasard établit des rapports affectueux entre le père naturel et le père adoptif de Robert, car l’ouvrier sauve un jour la vie à lord Clifton, en arrêtant ses chevaux emportés. L’unique préoccupation de l’Anglais est maintenant de retrouver son fils près duquel il passe si souvent sans le savoir. L’aventurière apparaît à son tour ; elle vient proposer un marché à son ancien amant : elle lui promet de lui rendre Robert s’il consent à l’épouser. Cette union constituerait, il est vrai, un cas de bigamie puisque, de par la loi, Nanine est toujours la femme du serrurier. Mais l’astucieuse créature ne demeure pas embarrassée pour si peu : elle a dérobé autrefois les papiers d’une Américaine assassinée, elle ne s’appelle plus aujourd’hui Mme Guillaume, mais bien mistress Perkins, Lord Clifton accepte le marché proposé ; Nanine cherche et trouve, Ursule avoue l’acte de charité qu’elle a accompli en recueillant le petit Robert. « C’est chez moi qu’est l’enfant, dit-elle. — Je suis sa mère, déclare Nanine. — Vous, vous ne l’aimerez jamais ! vous ne l’aurez pas ! » À ce moment les enfants reviennent de l’école : ils se jettent dans les bras d’Ursule qui les embrasse tous avec une égale tendresse. « Lequel des trois est mon fils ? » demande l’aventurière. » Et l’autre de lui répondre : « Il est dans le tas, cherchez ! » Mot superbe, bien en situation et qui porte coup. Nanine se trouve fort embarrassée, lorsque survient Guillaume, auquel elle ne pensait guère à ce moment. Elle s’enfuit épouvantée, tandis que le brave ouvrier s’abandonne a une joie sans mélange, car il a tout entendu, et ses amers soupçons sur le passé de sa maîtresse se sont évanouis. Tout finit par s’arranger le mieux du monde dans le meilleur des mélodrames ; Nanine, pour pouvoir épouser le riche Anglais, tente de faire assassiner Guillaume, mais il arrive au contraire que c’est elle qui est tuée par un certain Moryane, digne amant d’une telle maîtresse. Le coup de poignard de ce coquin rend service à tout ie monde. Rien ne s’oppose plus à l’union légitime de Guillaume et d’Ursule qui se marient, et lord Clifton retourne en Angleterre avec le petit Robert qu’il aime beaucoup et qu’il rendra très heureux. Telles sont les grandes lignes du drame de M. Louis Davyl. Notre analyse toutefois demeurerait incomplète, si nous n’accordions pas une mention spéciale à certain personnage épisodique qui fait la galté de la pièce. C’est un joyeux ouvrier forgeron, doué d’un goût prononcé pour le mélodrame et d’une mémoire très fidèle ; son plaisirfavoriest d’appliquer à toutes les circonstances de la vie une tirade empruntée à quelque pièce à la mode d’hier ou d’aujourd’hui, en imitant l’artiste qu’il a entendu. « Allons, va-t-en, lui crie son patron impatienté, retourne & la forge ! — Chassé de Gênes, déclame-t-il d’un ton pathétique, en prenant une pose à la Mélingue, et forcé de quitter le nom de Pietro, etc. — Dîne avec nous, lui propose Mme Guillaume. — Moi à la table de mes maîtres ! s’écrie-t-il. Ah ! je ne puis supporter ce bonheur… » Il flageole sur ses jambes et va tomber sur une chaise ; la bonne Ursule s’y laisse prendre, et quand elle lui tape dans les mains pour le faire revenir à lui, il éclate de rire en disant : « N’est-ce pas que c’est bien fait ? »

L’œuvre de M. Louis Davyl est, elle aussi, très bien faite, malgré quelques banalités a la fin, et une ou deux invraisemblances inévitables, paraît-il, dans tout mélodrame ; il a remporté un succès des plus légitimes. La portée sociale de son drame est assez évidente pour y ajouter un nouvel élément d’intérêt, et en même temps assez habilement dissimulée pour éviter au public l’ennui ordinaire des pièces à thèse. Il se rencontre dans les Abandonnés plusieurs arguments en faveur du divorce ; mais l’auteur ne les annonce ni ne les souligne, le spectateur les dégage lui-même d’une très exacte et très attachante peinture de mœurs, qui lui procure de bonnes et fortes émotions.

ABANGOS, peuple du Congo français, sur la rive gauche de l’Alima. Chez les Abangos, Ses éléphants abondent en troupeaux ; les indigènes font un grand commerce d’ivoire.

ABANILLA, ville d’Espagne, province de Murcie, à 25 kilom. N — N.-E. de Murcie, par 38° 14’de lat. N. et 3° 25’de long. O. : 5.689 hab. La ville est partagée en vieille ville, avec un château en ruine, et en ville neuve.

ABAPTISTA ou ABAPTISTON s. m. (a-bati-sta ou stonn — du gr. a privatif ; baptizein, plonger). Chir. Sorte de trépan pourvu d’une pointe conique qui l’empêche de s’enfoncer trop.

ABARCA s. m. (a-bar-ca — mot espagnol). Cost. Grossière chaussure de cuir des paysans, en Espagne : Ces princes de la montagne passaient toute leur vie à suivre l’ours et le chamois, chaussés de l’abarca ou pieds nus sur les rocs glissants ; ils disputaient d’audace et de vivacité aux chasseurs béarnais, aux coureurs basques. (Michelet.)

* ABATAGE s.m. — Fig.Verte réprimande : Voyons, maman, tu ne voudrais pas me flanquer un abatage la veille de mon mariage. (Gyp.)

— Jeux. Au baccara, action d’abattre son jeu : Supposons d’abord qu’il n’y ait pas d’abatage. (Badoureau.) || Série de cartes abattues : Pourquoi ne dirait-on pas : C’est un bel abatage ? (Fr. Sarcey.)

— Encycl. Abatage des arbres par la dynamite. L’art militaire et l’industrie privée emploient quelquefois la dynamite pour opérer l’abatage des arbres. C’est un moyen expéditif et relativement économique, car il épargne une main-d’œuvre longue et pénible. On entoure l’arbre à la hauteur voulue d’un cordon de pétards attachés à une licelle ; la charge est un peu plus forte du côté où il doit tomber. On amorce un seul des pétards, auquel on met le feu, son explosion provoque instantanément celle des autres. Quand la charge est assez forte, la section se l’ait d’une façon très nette et presque sans éclisses.

Un autre procédé moins rapide, mais exigeant moins de matière explosive, consiste à forer dans l’arbre plusieurs trous disposés comme les rayons d’une roue ; la charge sa bourre dans ces trous ; l’explosion est simultanée. Quand l’abatage des arbres a pour but la mise en culture d’une forêt, il faut aussi extirper les souches, ce qui se fait en forant un trou vertical dans l’axe du tronc, trou dans lequel on place et on fait détoner une certaine charge. Ces procédés sont d’un