Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ARMAGNACS
ARMAGNACS, l’une des deux grandes factions dont les luttes ensanglantèrent notre pays sous le règne de Charles VI. Elle était opposée à celle des Bourguignons. C’était le parti de la maison d’Orléans. Son nom lui vint de Bernard VII, comte d’Armagnac (V. plus haut), qui, en 1410, maria sa fille au jeune duc Charles d’Orléans, et devint lui-même le véritable chef du parti. Charles d’Orléans était le fils de ce duc d’Orléans que Jean sans Peur, par rivalité d’ambition et de crédit, fit assassiner au coin de la rue Barbette, en 1407. De là ces haines héréditaires entre les deux maisons, qui, sous un roi tombé en démence, se disputaient le pouvoir et les hautes charges ; de là ces guerres civiles (qu’on a nommées guerre des Armagnacs), où les deux partis rivalisèrent de férocité. Le parti d’Orléans avait pour lui la reine Isabeau, les princes, les principaux habitants de Paris, moins le parlement, qui se tint à l’écart. Les Bourguignons étaient soutenus par l’université, par la plèbe de Paris, et par la puissante corporation des bouchers. Les premiers avaient pour signe de ralliement une bande ou écharpe blanche, qui était l’insigne même des gens d’Armagnac. Leurs ennemis portaient la croix de Saint-André. Quand Bernard d’Armagnac était venu se mettre à la tête du parti, il était entouré de ces bandes de sicaires du Midi, qui avaient dévasté déjà plusieurs provinces et qui se jetèrent dans la guerre civile avec une férocité inouïe. Le but de chacun des partis était de s’emparer de Paris et du roi, et de régner de fait au nom de cet infortuné prince. Les Anglais profitèrent naturellement de ces divisions pour recommencer la guerre, et favorisèrent tour à tour Armagnacs et Bourguignons, qui se disputaient alternativement la honte d’une telle alliance. Jean sans Peur, appuyé sur ses cabochiens, maître de Paris, que lui et ses partisans inondèrent de sang, dirigea l’armée royale contre les Armagnacs. En 1413, une partie de la population se souleva, les Bourguignons s’enfuirent, et Bernard entra à son tour dans Paris, qu’il livra aux mêmes horreurs, devint tout-puissant, connétable, ministre, etc., et fit servir à son tour l’armée contre la faction contraire. Pendant ce temps, de nombreux combats avaient lieu dans les provinces, mais sans résultats décisifs. La malheureuse France, déchirée par la guerre étrangère et la guerre civile, dévastée par des bandits de toute race et de tout pays, frappée par un nouveau désastre, Azincourt (1415), inondée de sang, écrasée, paraissait à ses derniers jours, et l’Anglais en jugea bien ainsi. Paris se souleva de nouveau au moment où les Bourguignons, introduits par Perrinet-le-Clerc, se répandaient dans la ville (1418) ; nouveaux massacres, réactions sanglantes, tyrannie nouvelle. Ce pauvre peuple croyait s’affranchir en changeant de bourreaux. Les Armagnacs écrasés, chassés de Paris, ayant vu leur chef massacré, n’étaient cependant pas anéantis. Ils s’étaient ralliés et tenaient la campagne, avec le dauphin Charles dans leurs rangs. À la faveur de ces troubles orageux, les Anglais gagnaient du terrain, soutenus par le duc de Bourgogne et la reine Isabeau (qui marchait alors avec Jean sans Peur), et déjà ils menaçaient Paris, lorsque Jean sans Peur alarmé songea à se rapprocher du dauphin. Une entrevue eut lieu sur le pont de Montereau. On sait que le duc de Bourgogne y fut assassiné (1419). Son fils Philippe le Bon se rejeta violemment dans le parti anglais, et, de concert avec Isabeau, fit signer au malheureux Charles VI le honteux traité de Troyes (1420), qui déshéritait le dauphin et donnait au roi d’Angleterre la régence du royaume avec les droits à la couronne après la mort de Charles qui arriva deux ans plus tard. Tel est le fruit amer des guerres civiles. La France est maintenant anglaise, et le dauphin devra reconquérir à la fois sa couronne et la nationalité. V. CHARLES VII.