Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ANTRAIGUES (Emmanuel-Louis-Henri DE LAUNAY, comte D’), publiciste, constituant, puis intrigant politique

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 2p. 461).

ANTRAIGUES (EmmanueJ-Louis-Henri de Launay, comte d’), publiciste, constituant, puis intrigant politique, né à Villeneuve-de-Berg (Ardèche) en 1755, assassiné à Baine, près de Londres, le 22 juillet 1812 ; entra au service comme officier par la protection de Guignard de Saint-Priest, son oncle, mais abandonna bientôt la carrière des armes pour se lancer dans le monde, où une figure agréable, des manières élégantes, un esprit cultivé et original lui valurent de grands succès. Il se fit le Mécène des gens de lettres et des artistes ; personne plus que lui ne contribua à propager la découverte de Montgolfier, son compatriote. Imbu des idées philosophiques du siècle, dès les premiers symptômes de la Révolution, il s’en montra l’apôtre enthousiaste. À la fin de 1788, il publia un Mémoire sur les états généraux, livre écrit dans un style brûlant, où il défend avec énergie les droits du peuple contre la monarchie, et représente la noblesse héréditaire comme le présent le plus funeste que le ciel irrité ait fait au genre humain. Il n’y a pas de publication qui ait contribué plus puissamment à activer le mouvement révolutionnaire ; aussi, dans les salons du faubourg Saint-Germain, donnait-on à l’auteur le nom de beau-conjuré. Nommé député aux états généraux par ses compatriotes, il détermina la noblesse à renoncer à ses privilèges en matière d’impôts, se prononça pour la Déclaration des droits de l’homme ; mais, cédant bientôt aux avances qu’en temps de révolution on ne manque jamais de faire aux hommes les plus populaires, le tribun de la cause libérale se métamorphosa tout à coup en défenseur ardent du pouvoir absolu. D’Antraigues émigra au commencement de 1790. On le vit tour à tour en Suisse, en Espagne, en Allemagne, en Russie, en Italie, offrant à toutes les cours ses services contre la Révolution française, et recevant de toutes de l’argent. En 1797, il était, à Venise, l’âme de toutes les machinations de Louis XVIII et des coalisés. Arrêté par un détachement de l’armée d’Italie, avec tous ses papiers, qui furent publiés par le Directoire, il parvint à s’échapper, repassa en Russie, y embrassa la religion grecque, devint conseiller de la légation russe à Dresde, trahit l’empereur Alexandre, en 1807, en livrant au cabinet britannique les articles secrets du traité de Tilsitt, dont il avait eu connaissance, et résida dès lors à Londres, d’où il continua à entretenir une correspondance active dans l’intérêt de Louis XVIII. C’est dans ces nouvelles intrigues que l’on a vu la cause de son assassinat et de celui de sa femme, Mme Saint-Huberti, artiste de l’Opéra.