Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/AMÉRIQUE — Histoire

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 263-265).

Histoire. L’histoire de l’Amérique, si sommairement qu’on veuille l’écrire, se divise forcément en trois parties bien distinctes :

Découverte ; 2° Conquête et colonisation ; 3° Constitution des diverses nationale


Découverte. D’où venaient les peuples que les Européens rencontrèrent en Amérique lors des grandes découvertes du XVe et du XVIe siècle ? Sont-ils véritablement autochthones, ou des rameaux qui se sont séparés, à une époque inconnue de races de l’ancien continent ? Ce problème, qui a singulièrement embarrassé les historiens catholiques de la conquête, n’en est pas un pour les partisans de la pluralité des espèces humaines. Diverses hypothèses ont été émises par ceux qui admettent l’unité. Les monuments trouvés au Mexique, au Nicaragua, au Pérou, prouvent, aussi bien que les ruines de Balbeck, de Palmyre et de Persépolis, un état de civilisation avancé et datant de fort loin. C’est principalement dans les livres de M. Squiers sur l’Amérique centrale, que l’étude des antiquités américaines démontre que depuis des siècles le nouvel hémisphère était habité par des populations contemporaines probablement des Assyriens, des Grecs, des Égyptiens et des Romains de l’ancien monde. Notons en passant l’analogie frappante qui rapproche les statues découvertes au Nicaragua de celles qui ornaient les palais ou les temples de l’Égypte et de l’Assyrie. — Dans l’hypothèse qui tire de l’ancien monde les premiers habitants de l’Amérique, il faut admettre, qu’en raison de l’extrême imperfection de l’art nautique à l’époque nécessairement reculée où se produisit cette immigration, le passage dut s’effectuer par l’un des trois points où le nouvel hémisphère se rapproche le plus de l’ancien, c’est-à-dire par le Brésil, par le Groenland ou par l’Amérique russe. Celle-ci est séparée de l’Asie par le détroit de Behring, qui est à peine large de quelques lieues, et dont les glaces forment, pendant l’hiver, un pont naturel entre les deux continents. Trois à quatre jours de mer, par un bon vent, pouvaient amener au Groenland les barques des intrépides Islandais ou celles de leurs compatriotes, les Scandinaves. Le Groenland oriental, dans les terres de Scoresby, s’approche tellement de la péninsule scandinave et du nord de l’Écosse, que, de cette dernière au cap Barclay, il n’y a que 269 lieues marines, la moitié à peu près de la largeur de l’Atlantique, entre la cote africaine de Guinée et la côte américaine du Brésil. Cette dernière traversée étant la plus longue, il est peu probable que les peuples africains, si mauvais marins du reste, se soient risqués à chercher par delà leur Océan un nouveau continent. Certains auteurs ont parlé d’une prétendue découverte de l’Amérique par des Troyens, échappés au fer des Grecs; d’autres ont insinué que les marins carthaginois auraient pu aborder au Brésil. Mais, outre que l’histoire, qui nous a conservé la tradition du périple d’Hannon autour de l’Afrique, se tait complètement sur ces voyages bien autrement importants, il faut constater qu’avant l’implantation des nègres en Amérique, par les Européens, le type africain ne se retrouvait chez aucune peuplade du nouveau monde. Sans doute, les anciens eurent une vague perception de l’existence de l’Amérique. Homère plaçait l’Élysée dans la mer occidentale, au delà des ténèbres cimmériennes. La tradition des Hespérides et celle des îles Fortunées, succéda à celle de l’Élysée. Les Romains virent les îles Fortunées dans les Canaries, mais ne détruisirent point la croyance populaire de l’existence d’une terre plus reculée à l’occident. Sénèque est l’interprète exact de cette croyance, dans ces vers de sa tragédie de Médée :

 Venient annis
Secula seris, quibus Oceanus
Vincula rerum laxet, et ingens
Patent tellus, Typhisque novos
Detegat orbes, nec sit terris
Ultima Thule.

Vers la même époque, Vitruve, en faisant de la terre un globe immense tournant sur un axe appuyé à ses extrémités sur deux points fixes, Vitruve corroborait l’idée poétique de Sénèque, car il n’aurait jamais pensé à faire tourner un globe n’ayant que de la terre d’un côté et un élément liquide de l’autre. Néanmoins, nous dirons avec Chateaubriand : « Presque tous les monuments géographiques de l’antiquité indiquent un continent austral : je ne puis être de l’avis des savants, qui ne voient dans ce continent qu’un contre-poids systématique imaginé pour balancer les terres boréales ; ce continent était sans doute fort propre à remplir sur les cartes des espaces vides ; mais il est aussi très-possible qu’il y fût dessiné comme le souvenir d’une tradition confuse : son gisement au sud de la rose des vents, plutôt qu’à l’ouest, ne serait qu’une erreur insignifiante parmi les énormes transpositions des géographes de l’antiquité. »

Cette tradition confuse dont parle Chateaubriand, d’où venait-elle ? De voyages directs entre l’Amérique et l’Afrique par la pointe du Brésil ? Évidemment non. Elle venait des Phéniciens, des Carthaginois, déjà en relation pour leur commerce d’étain et d’ambre jaune, avec les marins de la Baltique, de la Scandinavie, de l’ultima Thule enfin, cette terre mentionnée par Sénèque et si près du nouveau monde. C’est de ces pays que vint sans doute à Carthage, où il demeura plusieurs années, deux ou trois siècles avant l’ère vulgaire, cet étranger mystérieux dont parle Plutarque, cité lui-même par Humboldt dans son « Examen critique de la géographie du nouveau monde. » C’est dans ces pays Scandinaves que Colomb trouva les légendes, les traditions qui le confirmèrent dans l’exactitude de ses admirables pressentiments géographiques. Et si, plus tard, il crut retrouver l’Ophir de Salomon dans les mines d’Hispaniola, c’est parce qu’il pensait avoir atteint, en naviguant à l’ouest, les contrées asiatiques explorées par les navires juifs, cinglant toujours à l’est.

Des trois points les plus rapprochés de l’ancien monde, et par lesquels seulement l’Amérique pouvait recevoir ses premiers habitants, il faut donc rejeter le Brésil. Restent le détroit de Behring et la traversée de la Scandinavie au Groenland. C’est à propos de ces deux points seulement que les savants se disputent encore, sans avoir pu s’accorder. Les uns prétendent que le détroit de Behring fut l’unique chemin choisi par les descendants de Noé, pour venir en Amérique, d’où il s’ensuivrait que les indigènes appartenaient tous à la race mongolique, excepté les rares habitants qui avoisinent le cercle polaire. L’autre théorie consiste à faire découvrir et peupler l’Amérique par les Scandinaves. Des deux côtés, on a soutenu son opinion, avec talent, par les traditions historiques, trop souvent obscures, par l’anthropologie, la linguistique et l’étude des antiquités.

« Les nations de l’Amérique, dit A. de Humboldt, forment une seule race, caractérisée par la conformation du crâne, par la couleur de la peau, et par les cheveux plats et lisses. La race américaine a des rapports très-sensibles avec celle des peuples mongols, qui renferme les descendants des Hiong-Nou, connus jadis sous le nom de Huns, les Kalkas, les Kalmoucks et les Burattes. Des observations récentes ont prouvé même que non-seulement les habitants d’Unalaska, mais aussi plusieurs peuplades de l’Amérique méridionale, indiquent, par des caractères ostéologiques de la tête, un passage de la race américaine à la race mongole. Lorsqu’on aura mieux étudié les hommes bruns de l’Afrique, et cet essaim de peuples qui habitent l’intérieur et le nord-est de l’Asie, que des voyageurs systématiques désignent vaguement sous le nom de Tartas et de Tchoudes, les races caucasienne, mongole, malaise et nègre paraîtront moins isolées, et l’on reconnaîtra dans cette famille du genre humain un seul type organique, modifié par des circonstances qui nous resteront peut-être à jamais inconnues. » La science s’est chargée de vérifier, excepté pour les indigènes du Canada et des États-Unis, ces paroles que l’Aristote moderne écrivait il y a quarante ans, et chaque jour apporte un nouveau témoignage en faveur du système de l’unité du genre humain. — Sur environ cent mots américains, choisis dans différentes provinces et reconnus comme presque identiques avec des mots chinois et des mots tartares, une cinquantaine sont des noms de peuples, peuplades ou villes ; dix ou douze sont des titres donnés à la divinité ou aux puissances de la terre ; quelques-uns sont des noms propres ; des noms communs y figurent aussi. La terminaison en an est très-fréquente au Mexique ; or, cette terminaison est tartare ou turque. M. Neumann, de Munich, a aussi identifié le Mexique avec ce pays de Fou-Schan, dont parlent, comme situé à deux mille lieues au levant de la Chine, les voyageurs boudhistes, auxquels M. Gustave d’Eichthal attribue également l’introduction en Amérique de cette civilisation dont on a trouvé au Mexique de si remarquables monuments. Wardenn, dans ses Recherches sur les populations primitives de l’Amérique, prouve, par quarante-trois exemples tirés des éléments de la grammaire chinoise, que la construction grammaticale de cette langue est absolument la même que celle des Othomis, l’un des anciens peuples de la vallée de Mexico. De plus, on a tiré un argument en faveur de l’origine asiatique des Mexicains, de ce fait, qu’une grande partie des noms par lesquels les Aztèques désignaient les vingt jours de leurs mois, correspondent pour le son à ceux des signes du zodiaque, tels qu’on les trouve chez les peuples de l’Asie orientale. Brevewood, savant antiquaire anglais, a prétendu aussi que l’Amérique a été originairement peuplée par les Tatars ; l’illustre de Guignes assure que les Chinois commerçaient, vers 458, avec ce continent ; et selon John Ranking, auteur anglais, une expédition mongole, dirigée contre le Japon au XIIIe siècle, aurait été jetée par une tempête sur les côtes d’Amérique et se serait étendue au Pérou, au Mexique et dans d’autres lieux. Si l’Amérique fut plus d’une fois visitée par les peuples de l’ancien continent, du côté de l’ouest, elle le fut aussi du côté de l’est. À la fin du Xe siècle, selon la chronique islandaise de Snorro Sturlœson, adoptée par les historiens du Nord, un seigneur norvégien, nommé Raude, exilé d’Islande, se rendit au Groenland, déjà découvert avant lui par un marin nommé Gunbivern. Dans son second voyage, en 1496, Colomb lui-même fut fort étonné de trouver, sur la côte de la Guadeloupe, les débris d’un navire qu’il jugea avoir été construit en Europe.

Si l’on ajoute à tout ce que nous venons de rapporter le voyage, très-douteux il est vrai, des frères Zeni, à la fin du XIVe siècle, dans les pays de Drageo et d’Estotiland, où l’on a cru reconnaître la Nouvelle-Écosse et le Canada, voyage entrepris sur le rapport de quelques marins qu’une tempête avait jetés dans les mêmes pays, quelques années auparavant, on aura tout ce que l’histoire rapporte des explorations de l’Amérique faites avant la fin du XVe siècle. Nous ne parlerons pas des prétendues découvertes de Madoc-Ap-Owen, Alonso Sanchez, Cousin et autres, mis en avant par les Anglais, les Portugais, les Français, etc. ; ces hypothèses sont fondées sur des documents ou des traditions trop incertaines pour mériter confiance.

Quand on examine le caractère des antiquités américaines, l’état de civilisation des peuples indigènes, au moment de leur conquête par les Européens ; quand on réfléchit à la nature du pays et aux lois qui ont présidé à toutes les invasions, il paraît probable que l’Amérique reçut sa population à la fois par le détroit de Behring et par le Groenland, c’est-à-dire qu’elle fut colonisée par les races mongolique et scandinave. Les grands royaumes du Mexique et du Pérou, les palais et les temples de Mexico et de Cusco, au temps de Cortez et de Pizarre, les idoles de formes indiennes, les sépultures de Mitla au Mexique, avec leurs ornements grecs, les monuments de Palenque et leur structure égyptienne, tout cela rappelle évidemment l’Asie, la Chine, et l’indoustan. Les explorateurs partis de la côte orientale de l’ancien monde, et débarqués sur les rivages américains du Pacifique, au nord de la Californie, tournèrent aussitôt leurs regards et leurs pas vers le sud, vers les pays de la lumière, de la chaleur et des fruits, invincible aimant qui attire toutes les hordes envahissantes, dans le nouveau comme dans l’ancien monde. Les sommets neigeux de la chaîne septentrionales des Andes, les monts Rocheux ôtèrent aux émigrants asiatiques toute envie de les traverser, pour se jeter à l’ouest dans la vallée du Mississipi. Ils restèrent sur la côte du Pacifique, descendant toujours au sud, s’établissant au Mexique, et gagnant le Pérou par l’isthme de Panama. Dans l’Amérique méridionale, les pics inaccessibles de la Cordillière des Andes empêchèrent encore les nouveaux venus de gagner les pampas de la vallée de l’Orénoque, et d’y porter la civilisation avancée que Pizarre et Almagro rencontrèrent au Pérou. Ainsi resserrés entre le Pacifique et la grande chaîne des monts américains, les Asiatiques multiplièrent dans cet étroit espace, où l’agglomération de la population les amena forcément à la civilisation et au despotisme oriental de la Chine et de l’Inde.

Trop indolents pour être navigateurs, ces peuples laissèrent même les îles du golfe du Mexique à la merci de la race scandinave. Celle-ci, débarquée au nord-est de l’Amérique, s’étendit bientôt sur la plus vaste moitié du nouveau monde, sur tout l’espace compris entre l’Atlantique et la Cordillère nord et sud des Andes, espace immense qui, permettant aux émigrants européens de s’éparpiller à mesure qu’ils arrivaient, empêcha toute agglomération de population, particularité qui explique l’état nomade ou sauvage dans lequel on trouva toutes les tribus à l’est des Andes. Là où il y eut, parmi elles, quelques tentatives de civilisation, on retrouve de rares monuments qui portent tous le cachet des races celtiques et Scandinaves. Cela est attesté aussi bien par les momies du Kentucky, copie des momies celtiques, par les anciennes fortifications et circonvallations en terre et en pierre de la vallée de l’Ohio, que par l’organisation politique des tribus sauvages, leurs croyances religieuses et leurs instincts guerriers. Des récifs de la Floride, quelques-uns de ces nouveaux arrivés passèrent d’île en île, jusqu’à la côte est de l’Amérique méridionale, où ils menèrent dans les pampas et les llanos la même vie que leurs frères des forêts et des savanes du nord, conservant avec jalousie les traditions de liberté personnelle apportées des clans scandinaves, ne voulant pas de roi et obéissant à peine à un chef. Les Caraïbes des Antilles ne purent même oublier tout à fait, malgré les chaleurs dissolvantes d’un climat torride, les traditions nautiques de leurs belliqueux ancêtres, les pirates scandinaves.

Découverte et colonisée déjà par quelques hardis explorateurs de l’ancien monde, l’Amérique était aussi inconnue du vieux continent que si elle n’eût pas existé. Les sagas scandinaves contenaient la seule donnée, le seul indice qui pût encourager Colomb à croire à ses calculs et aux révélations de son génie. Et encore, les légendes septentrionales, s’il les connut réellement, étaient trop vagues pour qu’il lui eût été possible d’y attacher une grande importance. Les sagas disaient qu’un Norvégien, du nom de Leif, parti en 1002 de l’Islande pour le Groenland, avait été poussé dans la direction du sud, vers une plage qu’il appela Vinland, à cause des vignes sauvages qu’il y trouva. D’autres aventuriers scandinaves y abordèrent plus tard et y fondèrent des établissements qui disparurent presque aussitôt. Quoique beaucoup d’auteurs prétendent que cette Vinland n’est autre chose que le Rhode-Island, ou quelque autre point de la Nouvelle-Angleterre, sa véritable position n’est rien moins que connue. M. Bigelow, écrivain américain qui est natif de Boston, a dû penser souvent à cette singulière coïncidence de la tradition des sagas avec la production de la vigne sauvage sur les collines de Taunton et du Rhode-Island, le seul point, en effet, sur la côte nord-est de l’Amérique, où la vigne croit naturellement.

Les manuscrits de Marco Polo, les légendes du moyen âge sur le fameux pays du Cathay, n’ont pas du être beaucoup plus utiles à Colomb que les légendes islandaises. Après Michelet, qui s’écrie : « L’Amérique, plusieurs fois trouvée en vain, est cette fois manifestée et assurée au monde par l’obstination d’un grand cœur », nous pouvons donc ajouter avec Chateaubriand : « Ne disputons pas à un grand homme l’œuvre de son génie. Qui pourrait dire ce que sentit Christophe Colomb, lorsque, avant franchi l’Atlantique ; lorsque, au milieu d’un équipage révolté ; lorsque, prêt à retourner en Europe sans avoir atteint le but de son voyage, il aperçut une petite lumière sur une terre inconnue que la nuit lui cachait ! Le vol des oiseaux l’avait guidé vers l’Amérique ; la lueur du foyer d’un sauvage lui découvrit un nouvel univers. Colomb dut éprouver quelque chose de ce sentiment que l’Écriture donne au Créateur, quand, après avoir tiré la terre du néant, il vit que son ouvrage était bon : Vidit Deus quod esset bonum. Colomb créait un monde. On sait le reste : l’immortel Génois ne donna point son nom à l’Amérique ; il fut le premier Européen qui traversa, chargé de chaînes, cet océan dont il avait le premier mesuré les flots. Lorsque la gloire est de cette nature qui sert aux hommes, elle est presque toujours punie. »

Ce fut le 11 octobre 1492, jour à jamais mémorable dans l’histoire du monde, que Colomb découvrit l’île Guanahani, aujourd’hui San-Salvador, dans l’archipel des Lucayes ; puis quelques jours après, Cuba et Haïti. Pendant son second voyage, en 1493, plusieurs des Antilles, la Dominique, Marie-Galante, la Guadeloupe, Montserrat, Antigua, Porto-Rico et la Jamaïque, s’offrirent à lui, sur sa route, sans qu’il soupçonhât encore l’existence du continent. Il n’eut connaissance de ce dernier qu’en 1498, à sa troisième expédition, pendant laquelle il gouverna directement à l’ouest, parvint à l’embouchure de l’Orénoque, découvrit l’île de la Trinité, ainsi que la Côte-Ferme, et longea cette dernière jusqu’à la pointe d’Araya, d’où il se dirigea sur Haïti. Enfin, dans un quatrième et dernier voyage, en 1502 et pendant les années suivantes, il ajouta à ses nombreuses découvertes celles de la Martinique, du havre de Porto-Bello, de la côte de Costa-Rica, de celle de Honduras, et termina ainsi glorieusement sa carrière maritime.


Conquête et colonisation. Christophe Colomb avait donné un nouveau monde à l’ancien ; l’Amérique était trouvée. Il ne s’agissait plus que de la conquérir et de s’en approprier les richesses incomparables. Quelle pâture abandonnée à l’avidité européenne ! L’ambition voyait s’ouvrir devant elle un champ comme elle n’en avait jamais rêvé. Après la bataille, le pillage : les conquérants succédèrent aux navigateurs ; les matelots firent place aux soldats et aux aventuriers de Cortez, de Pizarre, de Balboa. On ne peut plus les chasser des lieux où ils ont posé leur pied avide, et chaque année voit s’agrandir la part de chaque nation européenne dans le démembrement du nouveau monde. Découvrir ne signifie plus que posséder. Voyons donc qui possédait, qui se partageait l’Amérique, avant la guerre de l’indépendance des États-Unis, et avant la cession de la Louisiane et de la Floride par la France ? Les Anglais avaient conquis et colonisé toute la côte orientale de l’Amérique du Nord, avec une partie des Antilles et de la Guyane. Toutefois il faut excepter la Nouvelle-Amsterdam, aujourd’hui New-York, et la vallée de l’Hudson, longtemps au pouvoir des Hollandais, dont les mœurs y sont encore reconnaissables. La France s’était créé un magnifique empire qui, partant du Saint-Laurent, de Québec et de Montréal, descendait le long de la vallée du Mississipi, s’épanouissait sur la côte septentrionale du golfe du Mexique, et rejoignait, par la Floride, nos îles magnifiques des Antilles et notre Sinnamari, autrefois si redoutable. Les Danois, venus les derniers à la curée du nouveau monde, eurent à peine le temps de saisir une petite île, admirablement placée sur le chemin du Mexique. À part le Brésil, les Portugais, d’ailleurs si occupés avec leur empire des Indes, se virent bientôt enlever leurs possessions américaines par l’Espagne, qui, la première arrivée sur le nouveau continent, sut s’y tailler la part du lion. Et cela pendant si longtemps, qu’aujourd’hui encore, si sa domination politique est évanouie, ses mœurs, sa langue, sa religion, règnent sur toute l’Amérique centrale et méridionale ; en sorte que si les descendants de Philippe II ne voient plus comme autrefois arriver dans leurs ports d’Europe les galions chargés de l’or américain, ils peuvent encore dire fièrement que le soleil ne se couche jamais sur les pays où s’étendent la domination morale et les souvenirs de l’Espagne.

Voici l’historique rapide des conquêtes faites par les diverses nations européennes sur le continent américain :

Espagnols et Portugais. Les terres américaines découvertes et conquises par ces deux peuples, passèrent si promptement de l’un à l’autre par le fait de la conquête ou des héritages, leurs navires se croisaient dans les eaux du nouvel hémisphère si souvent et à si peu d’intervalles, que nous sommes obligés, par les dates historiques, de mêler cette double histoire de navigation et de colonisation. Le pape lui-même n’avait pu parvenir à mettre de l’ordre dans les conquêtes du Portugal et de l’Espagne. « aézEn vain, il avait partagé gravement l’Amérique, comme le dit un historien, tracé du doigt une ligne sur le monde, donné à l’un des deux peuples l’Orient, à l’autre l’Occident. » La passion des conquêtes et l’esprit d’aventure empêchèrent Espagnols aussi bien que Portugais de respecter la ligne imaginaire d’Alexandre VI. L’inviolabilité des dieux Termes n’était plus qu’un vain mot pour les possessions des Européens en Amérique.

En 1499, Alonzo de Ojeda, accompagné d’Améric Vespuce, aborde à Maracapana, sur la Côte-Ferme, et reconnaît cette dernière jusqu’au cap de la Veda. En 1500, Vincent Yanez Pinçon atterrit au cap Saint-Augustin, reconnaît l’embouchure du fleuve des Amazones, et visite six cents lieues de côtes avant d’arriver à Haïti. Le Portugais Alvarez Cabral, jeté à l’ouest en se rendant dans l’Inde, est conduit sur les côtes du Brésil, qu’il reconnaît jusqu’à Porto-Seguro. En 1501, Améric Vespuce s’avance jusque dans l’océan Austral, où il découvre une terre que l’on croit être la Nouvelle-Géorgie de Cook. En même temps, Roderigo Bartidas et Juan de la Cosa parcourent, à partir du cap de la Vela, cent lieues de côtes inconnues où s’élevèrent bientôt Sainte-Marthe, Carthagène et Nombre de Dios. Le Portugal, de son côté, envoie au nord Gaspard Cortereal, qui découvre l’embouchure du Saint-Laurent, le Labrador, et entre dans le détroit d’Hudson. En 1505, Ovando soumet l’île d’Haïti. Porto-Rico est conquis en 1512 par Juan Ponce de Léon, qui, la même année, découvre la Floride, nom que les Espagnols donnèrent longtemps à toute la côte sud-est de l’Amérique du Nord. Mais ce ne fut qu’en 1539 que l’Espagne prit possession réelle, non-seulement de la Floride proprement dite, mais d’une grande partie de la Louisiane. À cette époque, un aventurier espagnol, De Soto, débarqua, à la baie de Tampa, sur la côte occidentale de la Floride ; et, après deux ans d’efforts, il finit par atteindre le Mississipi, en traversant les pays qui forment aujourd’hui les États d’Alabama, de Géorgie, du Mississipi et de la Louisiane. De Soto remonta le grand fleuve, et pénétra même à 200 milles au delà, dans les terres situées à l’ouest. Il revint mourir dans les marais du bas Mississipi, et ses compagnons retournèrent au Mexique. Dès 1565 ; cependant, l’Espagne renvoyait des troupes pour maintenir ses droits sur la Floride, en chasser les protestants français établis sur la rivière Saint-Jean, et fonder la ville de Saint-Augustin, la plus ancienne des cités américaines, le premier établissement permanent créé aux États-Unis. En 1516, Solis, dans un second voyage sur la côte du Brésil, pénètre le premier dans le Rio-de-la-Plata. Quatre ans après, en 1520, Magellan reconnaît le même fleuve, la Patagonie, et entre dans le grand Océan par le détroit qui porte son nom. En 1519, Cortez, parti de Cuba, se dirige vers le Mexique, découvert l’année précédente par Juan de Grijalva. En trois années, il soumet ce puissant empire, et parvient, en personne, d’un côté, sur les bords de la mer de Californie, à l’ouest, et de l’autre, en 1524, jusque dans le Honduras, à l’est. Par ses ordres, toute la côte du golfe du Mexique, depuis le Darien jusqu’à la Floride, est explorée par Christophe de Olide et d’autres capitaines ; la côte opposée, sur le grand Océan, est reconnue depuis le port de San-Miguel jusqu’à Colima. En même temps, Pedro de Alvarado conquiert le royaume de Guatemala ; Gonzalez Davila et Andrès Nino parcourent celui de Nicaragua, et reconnaissent le grand lac de ce nom, ainsi que sa jonction avec la mer des Antilles ; enfin, d’autres capitaines poussent au nord leur reconnaissance jusque dans le pays composant la Nouvelle-Galice. C’est à cette époque que se rattache le voyage de Gomez, qui, la même année, toucha à Terre-Neuve, et reconnut la côte du sud jusqu’au 40".

En 1525, François Pizarre envahit le Pérou, et en fait la conquête en 1531. En 1533, toute la région comprise entre Quito et Cusco avait été explorée, et en grande partie soumise. En 1535, Almagro découvre le Chili, et s’avance jusqu’à Coquimbo, tandis que Benalcazar, au nord, pénètre jusqu’aux bords de la mer des Antilles en traversant toute la Nouvelle-Grenade, que Quesada attaquait en même temps du côté opposé. En 1538, Pizarre, pour occuper les chefs placés sous ses ordres, les envoie dans diverses régions, et l’intérieur du continent qui s’étend à l’est des Andes ne tarde pas à être connu ; le haut Pérou est exploré à son tour jusqu’aux frontières du Grand-Chaco. Au nord, Gonzalès Pizarre, parti de Quito à la recherche de la province de Canela, arrive sur les bords du Napo, et est abandonné par Orellana, qui, continuant de suivre la même rivière, atteint l’Amazone, et descend ce fleuve jusqu’à son embouchure. Quelques années auparavant, en 1535, l’Orénoque avait été reconnu par Geronimo de Ortal, qui l’avait remonté jusqu’à l’embouchure du Meta. La rivière de la Plata n’était pas restée dans l’oubli : en 1535, Mendoza fonde sur sa rive droite la ville de Buenos-Ayres ; en même temps, Ayolas et Irala remontent le Parana, pénètrent dans le Rio-Paraguay jusqu’à la lagune Xarayes, et fondent sur ses bords la ville de l’Assomption. De leur côté, les Portugais posent les fondements de leur puissance au Brésil ; enfin, en 1542, Juan Rodriguez Cabrillo parvient au cap Mendocino par 37° 10′ lat. N., où il périt, laissant à son frère Barthélemy Ferrelo le soin de continuer l’expédition jusqu’au 45°, et de découvrir le cap Blanc.

Français. Vers la fin de 1523, François Ier chargea le Florentin Jean Verrazani d’explorer la côte nord américaine. Après une orageuse traversée de cinquante jours, Verrazani arriva près de Wilmington (Caroline du Nord). Il n’y trouva aucun havre favorable, malgré des recherches poussées à 150 milles au sud. En revenant vers le nord, il s’avança jusqu’à la Nouvelle-Écosse, et s’arrêta quelque temps dans les havres de New-York et de Newport, décrits l’un et l’autre dans la narration de son voyage. Jacques Cartier, envoyé encore par François Ier en 1533, découvrit le Saint—Laurent, et donna aux contrées arrosées par ce fleuve le nom de la Nouvelle-France, après y avoir fondé la première colonie que la France ait possédée en Amérique. En 1558, les Français s’établissent dans la baie de Rio-Janeiro, sous le commandement de Villegagnon ; mais les querelles intestines empêchent bientôt la colonie de se maintenir sur ce point important. Après la tentative de colonisation catholique de Villegagnon vient, en 1562, la tentative faite par les réformés français, d’après les avis de Coligny. L’un d’eux, Jean Ribault, muni d’une charte libérale octroyée par Charles IX, traverse l’Océan avec quelques coreligionnaires, et s’établit à Port-Royal, dans la Caroline du Sud. C’est en l’honneur de Charles IX que Jean Ribault appela ce pays la Caroline. Cette colonie ne vécut guère plus longtemps que celle de Villegagnon ; quelques-uns des réformés allèrent s’établir sur les bords du fleuve Saint-Jean en Floride. Ils y virent bientôt leur établissement naissant détruit par les Espagnols, qui massacrèrent les colons eux-mêmes. Quelque temps auparavant, nous posions solidement les bases de notre puissance au Canada, et, de 1635 à 1641, nous nous établissions à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Tortue et à Saint-Domingue. En outre, c’est un Français, le navigateur Samuel Champlain, qui fut le premier homme blanc dont le pied foula le sol de New-York, aujourd’hui métropole du nouveau monde. Champlain découvrit dans l’État de New-York le lac qui porte son nom, et sur les rives duquel il livra bataille à une bande de Mohawks, qu’il défit, allumant ainsi contre les Français la haine vivace de la puissante confédération des six nations, haine à laquelle nous devrons plus tard la perte du Canada.

Anglais. Les Anglais, qui se trouvent en quelque sorte enserrés dans leur Île, et auxquels il est à peu près impossible de s’agrandir en Europe, devaient mettre merveilleusement à profit la découverte de Christophe Colomb. En 1497, le Vénitien Jean Cabot partit de Bristol, envoyé par Henri VII. Il découvrit au nord-ouest une terre qu’il longea pendant une distance de 400 lieues, abordant sur divers points pour en prendre possession au nom de l’Angleterre, Un an plus tard, son fils, Sébastien Cabot, parcourait la côte des États-Unis jusqu’à la baie de la Chesapeake, dans laquelle il pénétra. Ces deux expéditions sont les seuls titres que l’Angleterre devait invoquer un siècle plus tard, pour revendiquer la propriété de ce qui composa dans la suite les treize colonies. En 1585, Raleigh tentait de s’établir sur l’île Roanoke, dans la Caroline du Nord ; et dès 1606, Jacques Ier divisait en deux parties le territoire américain réclamé par l’Angleterre, et qui s’étendait du cap Fear à Terre-Neuve. La politique anglaise, et surtout le traité de Paris de 1763, ajoutèrent bientôt à ces possessions, déjà si considérables, les Bermudes, Nassau, la Guyane et les Antilles anglaises.

Hollandais, Suédois, Danois, Russes, Jésuites. Le 6 septembre 1609, un marin anglais, Henri Hudson, engagé au service de la compagnie hollandaise des Indes orientales, entra dans la baie de New-York, et remonta, jusqu’à Albany, le fleuve qui porte aujourd’hui son nom. Les Hollandais réclamèrent ce pays et y envoyèrent, en 1623, quelques familles pour en prendre possession. Ce ne fut qu’en 1664 que, les Anglais s’étant emparés de la Nouvelle-Amsterdam, aujourd’hui New-York, la domination hollandaise s’évanouit dans l’Amérique du Nord, et ne conserva qu’une partie de la Guyane dans l’Amérique méridionale. Les Suédois s’étaient établis depuis 1638 sur les deux rives de la Delaware, et principalement dans la Pensylvanie, qu’ils avaient nommée Nouvelle-Suède. Leurs voisins, les Hollandais des bords de l’Hudson, les chassèrent en 1655, Enfin, vers 1530, les jésuites jetaient au Paraguay les fondements du pouvoir colossal dont ils ont joui pendant deux siècles.

Un siècle après que Lemaire eut doublé le cap Horn et indiqué ainsi aux navigateurs une voie plus facile que le détroit de Magellan pour passer en Océanie, les terres boréales de l’Amérique du Nord furent étudiées à l’ouest et à l’est, et les Russes commencèrent, par leurs explorations du côté occidental, à fonder leurs établissements d’Amérique.

Vers les premières années du XVIIIe siècle, toutes les côtes de l’Amérique étaient à peu près connues. La partie boréale seule offrait encore une assez vaste carrière aux explorations ; il y avait là plus d’une inconnue à dégager, plus d’un doute à éclaircir ; par exemple, on ne pouvait dire d’une façon positive si l’Amérique était ou n’était pas séparée du continent asiatique. La Russie, dont le nom n’a pas encore figuré dans l’histoire de la découverte, se chargea de fixer les esprits sur ce dernier point. En 1728, Behring découvrit le détroit qui a reçu son nom, sans toutefois aborder le continent américain ; douze ans plus tard, en 1741, il explorait la côte nord-ouest, la péninsule d’Alaska et les îles Shumagen. En 1768, Cheleghoff prit possession de Kodiak, et fonda le premier comptoir de la compagnie russe d’Amérique.

En 1776 l’illustre Cook découvrit William’s Sund, la rivière de Cook, visita les îles Aléoutiennes, et s’avança au nord jusqu’au cap des Glaces. En 1790, Mackensie découvrit la rivière qui porte son nom, et se rendit sur les bords de la mer Glaciale. Enfin, en 1799, Humboldt et Bonpland commençaient ce voyage si connu, qui ne s’est terminé qu’en 1805, et qui a jeté une si grande lumière sur la géographie de l’Orénoque, de la Colombie, du Pérou et du Mexique. Dans les régions boréales, le seul point où il restât un théâtre à explorer, les voyages de Ross (1818-1829-1832), de Parry (1819-1821-1827), de Franklin et de Richardson (1820-1824-1826), de Beechey (1825-1828), avaient presque conduit à une solution satisfaisante le problème si longtemps indécis de la possibilité du passage nord-ouest. Mais aujourd’hui le doute n’existe plus. Les expéditions successives de Mac Clure, du docteur Kane, du lieutenant français Bellot, en 1851-52-53, ont permis de compléter la carte de l’Amérique du Nord. En terminant, faisons connaître les résultats de cette immixtion de l’Europe dans le nouveau monde.

La conquête et la colonisation de l’Amérique par les Européens avaient été une œuvre de suprême injustice, caractérisée par deux actes de lèse-humanité : l’extermination presque totale de la race indigène des Indiens du Nord et du Sud, et l’introduction des esclaves nègres sur ce sol vierge nouvellement révélé à l’Europe. « À peine découverte, dit à ce propos M. Michelet, l’Amérique devient le champ de l’esclavage. » L’extermination des Indiens se fit, presque sans résistance de leur part, par l’épée et par le travail meurtrier des mines. Les horreurs que commirent les premiers aventuriers étaient arrivées à ce point qu’un célèbre philanthrope, un évêque, le vénérable Las Casas, en vint à croire qu’il n’y avait qu’un remède pour sauver les derniers représentants de la race aborigène, c’était de dévouer provisoirement au même travail meurtrier les représentants d’une autre race plus robuste, les nègres. Mais, comme tant d’autres, ce provisoire devait devenir permanent : il dure encore. Les compagnons de Pizarre et de Cortez étaient trop avides pour partager avec les Indiens les trésors que ceux-ci possédaient ; il leur parut plus facile de les exterminer. Puis, quand on ne trouva plus rien à prendre de force, les aventuriers, trop fiers hidalgos pour descendre au travail manuel qui devait faire rendre à la terre américaine ses trésors minéraux et agricoles, forcèrent les Indiens à travailler sans relâche, les uns, penchés sur le sol sous un soleil brûlant, les autres, enfouis dans les mines, sans espoir de jamais remonter à la surface. Les malheureux indigènes, peu endurcis aux fatigues, savaient d’avance la triste destinée qui les attendait. Quand le sort, espèce de conscription du travail forcé, désignait l’un d’eux pour descendre aux mines pendant un temps légal de dix-huit mois, la famille de la victime se réunissait et procédait aux cérémonies funèbres, absolument comme s’il eût été déjà mort. Puis, sa femme l’accompagnait jusqu’à l’orifice de la mine, et le regardait descendre dans ce sépulcre anticipé. Avant l’expiration du temps légal, l’Indien était généralement tué par le travail excessif imposé par les conquérants espagnols. Aussi s'explique-t-on qu'il reste à peine aujourd'hui quelques milliers d'indigènes dans les deux Amériques ; encore faut-il les chercher là où la conquête européenne ne fit que passer, et où la nature du terrain, les savanes du Nord, les pampas du Sud, laissaient peu d’espoir à l’avidité des conquérants.

Toutes les nations indiennes des deux Amériques appartiennent, sans exception, à la division des espèces léiotriques (à cheveux lisses) de Bory de Saint-Vincent, et peuvent se partager en deux grandes classes, dont la première comprend les Esquimaux, et la seconde toutes les autres variétés. Les Esquimaux sont de la même race que celle qui est répandue le long des côtes boréales de l’Asie. Dans la seconde classe, nous citerons : 1° le type colombique, au teint d’un rouge cuivré plus ou moins sombre, auquel on rapporte toutes les nations habitant le Canada, les États-Unis, jusqu’au nord du Mexique et au golfe du même nom, et entre les montagnes Rocheuses et la Cordillère maritime ; 2° le type mexicain, au teint d’un brun rougeâtre, qui occupe le plateau du Mexique et l’Amérique centrale, mais qui est probablement originaire de la côte nord-ouest ; 3° le type caraïbe, à la tête conique, race qui se distingue de la colombique par un teint plus clair. Autrefois puissante et maîtresse du delta compris entre l’Orénoque et l’Amazone, d’où elle s’était répandue jusqu’aux Antilles, cette race, plus d’à moitié éteinte, est aujourd’hui confinée à l’île de Saint-Vincent et au centre de la Guyane ; 4° le type péruvien, semblable au mexicain, mais avec la tête moins grosse, répandu de l’équateur au 40° lat. S., entre les Andes et le grand Océan ; 5° les innombrables nations disséminées dans la Colombie, la Guyane, le Brésil, la Bolivie, et les provinces nord de la république Argentine, parmi lesquelles on observe toutes les différences possibles, depuis l’Otomaque abruti des bords de l’Orénoque jusqu’au Guaycuru du Paraguay et du Grand-Chaco ; 6° le type pampa, nom sous lequel on comprend toutes les nations qui errent dans les pampas de Buenos-Ayres et de la Patagonie ; 7° enfin le type patagon, confiné sur les bords du détroit de Magellan, et qui paraît se réduire à quelques hordes menant une existence errante.

Ces peuples, dont quelques-uns étaient autrefois puissants, forment à peine aujourd’hui de petites tribus, sans cesse mêlées aux races européennes qui les avoisinent. Les Indiens ont perdu, par conséquent, leurs coutumes et leurs mœurs d’autrefois, et, au milieu des nombreuses révolutions américaines, ils ont oublié jusqu’au dialecte parlé par leurs pères.


3" Affranchissement des colonies américaines. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’Amérique n’avait été qu’une extension politique de l’Europe. Le 4 juillet 1776 est pour elle une grande date ; c’est l’époque où elle commence à prendre possession d’elle-même, à vivre d’une vie propre, à se détacher comme un fruit mûr de la tige maternelle, l’époque où elle devient vraiment un nouveau monde politique. L’affranchissement des États-Unis, le prêté par la France à cet affranchissement (V. États-Unis.Histoire), concours qui était en quelque sorte le prologue de la Révolution française, semblent agrandir le théâtre de l’histoire, en faisant entrer dans l’équilibre des États, dans le mouvement général de la civilisation, des forces, des intérêts et des droits nouveaux qui, réagissant sur l’Europe, devaient exercer une immense influence sur les destinées de l’humanité. Les colonies espagnoles, sans doute en raison de la différence de religion, de race et de climat, furent plus lentes à secouer le joug. Ce fut la colonie française de Saint-Domingue qui, tirée de sa torpeur par le coup de tonnerre de 89, suivit la première l’exemple des États-Unis (1804). Quelques années plus tard, le mouvement imprimé au monde par la Révolution française, et l’invasion de l’Espagne par Napoléon Ier, déterminèrent sur tous les points le soulèvement des possessions espagnoles, depuis Buenos-Ayres jusqu’au Mexique (de 1808 à 1810). Une junte convoquée à Buenos-Ayres, en 1810, prit en main les rênes du gouvernement. En 1815, le congrès de Tucuman, reporté ensuite à Buenos-Ayres, fit une constitution républicaine. Le 9 juillet 1816, l’indépendance fut proclamée, et le Chili suivit bientôt cet exemple. Après quinze ans de guerres, la bataille d’Ayacucho, livrée le 9 décembre 1824, mit fin à la domination de l’Espagne sur le continent américain. Dès 1821, le Brésil s’était déclaré indépendant du Portugal. Le résultat de ces guerres de l’indépendance américaine fut le partage politique de l’Amérique en deux grandes divisions : l’une, composée des États qui ont secoué le joug de leurs métropoles respectives ; l’autre, formée des possessions européennes.

Dans l’Amérique du Nord nous trouvons : la confédération anglo—américaine ou les États-Unis, le Mexique, le Guatemala, San-Salvador, le Honduras, le Nicaragua et Haïti. Dans le Sud : la Nouvelle-Grenade, l’Équateur, le Vénézuela, la Bolivie, le Brésil, l’Uraguay, le Paraguay, le Rio-de-la-Plata et le Chili.

Les possessions des Européens dans les deux Amériques se répartissent, de la manière suivantes :

Possessions anglaises : dans les Antilles, les Bermudes, la Jamaïque, les Bahamas, Tabago, la Trinité, et un grand nombre d’autres îles ; dans d’autres parties de l’Amérique, le Canada, la Nouvelle-Écosse, le Yucatan anglais, la Guyane anglaise, etc. ;

Possessions françaises : dans les Antilles, la Martinique, la Guadeloupe, la Désirade, les Saintes et Marie-Galante ; — la Guyane française, les îles St-Pierre et Miquelon, près de la côte de Terre-Neuve ;

Possessions espagnoles : dans les Antilles, Cuba et Porto-Rico ;

Possessions hollandaises : plusieurs îles dans les Antilles, telles que St-Martin, Curaçao, Arouba, etc., et une portion de la Guyane ;

Possessions danoises : l’île St-Barthélemy, dans les Antilles ;

Possessions russes : quelques parties vers la côte nord-ouest.