Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ALEXANDRE VI (Roderic-Lenzuolo BORGIA)

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 193).

ALEXANDRE VI (Roderic-Lenzuolo Borgia), né en 1431, à Jativa, en Espagne, descendait, dit-on, par sa mère, Jeanne Borgia, des anciens rois d’Aragon. Il se fit remarquer dès sa jeunesse par le développement prématuré de son intelligence et par la fougue de ses passions. Étudiant en droit, puis soldat, il fut appelé à Rome en 1456 par son oncle Alphonse Borgia, qui venait d’être élevé au trône pontifical sous le nom de Calixte III, et qui le nomma successivement archevêque de Valence, cardinal et vice-chancelier de l’Église. Antérieurement, il avait eu d’une certaine Rosa Vanozzo cinq enfants, dont deux surtout acquirent la plus hideuse célébrité, César et Lucrèce Borgia. Décoré de la pourpre romaine, Roderic ne renonça point à ses désordres; mais, dans l’intérêt de son ambition, il les couvrit d’un voile impénétrable et mit dès lors autant de zèle à affecter les vertus qui lui manquaient que de soin à dissimuler ses vices. Sous le pontificat de Sixte IV, il fut chargé de diverses négociations qui mirent en lumière son habileté politique, mais qui ne furent point toutes heureuses. À la mort d’Innocent VIII, il fut élu pape, et, s’il faut en croire les historiens contemporains, il avait gagné tout le collège, à l’exception de cinq cardinaux, soit à prix d’or, soit par la promesse de dignités et de bénéfices (1492). Dès ce moment il établit à Rome sa famille, dont l’existence n’était plus un mystère pour personne. François, son fils aîné, reçut le commandement des troupes papales, et César fut nommé cardinal l’année suivante. Prince plutôt que pontife, et dans un siècle où la perfidie, le parjure et la cruauté paraissaient des moyens légitimes de gouvernement, Alexandre VI se préoccupa exclusivement de sa domination temporelle en Italie, et entreprit de dépouiller et de réduire les familles puissantes qui dominaient dans les États de l’Église, ainsi que ces barons romains qui avaient un tel pouvoir, qu’on les nommait les menottes du pape. Dans cette lutte contre les grands », ce nouveau Louis XI, moins puissant par les armes, mais moins scrupuleux encore sur les moyens, ne recula devant aucun forfait pour s’agrandir et enrichir sa famille. Les Malatesta, les Manfredi, les Colonna, les Orsini, les Vitelli, furent tour à tour les victimes de ses perfidies, dont le principal instrument était son fils César, et à l’exécution desquelles il employait le meurtre, la corruption, le parjure, le mensonge, etc. Sa vie entière est un tissu d’horreurs de toute nature, et il réalisa dans l’histoire l’idéal du prince dont Machiavel a esquissé le hideux portrait. Dans sa politique extérieure, il montra le même caractère. Obligé de capituler devant les armes de Charles VIII, il fit sa paix avec lui en lui accordant l’investiture du royaume de Naples et en lui livrant le prince turc Gem (Zizim), que peut-être il avait fait empoisonner à l’avance, gagné, dit-on, par l’or de Bajazet. Il encouragea ensuite l’assassinat des Français dans Rome, se ligua contre le roi de France avec la république de Venise et l’empereur Maximilien, contracta plus tard une alliance avec Louis XII, qu’il se disposait à trahir, lorsqu’il mourut (1503), empoisonné, dit-on, par un breuvage qu’il but par mégarde et qu’il avait fait préparer pour un cardinal dont il convoitait les biens. Ce dernier fait a été révoqué en doute. Ce que les historiens contemporains rapportent des mœurs de ce pontife ne peut trouver place dans un ouvrage de cette nature. Nous devons nous borner à constater que la plupart des faits qui lui sont imputés ne paraissent malheureusement que trop avérés. V. sa Vie, par Gordon, Londres, 1729, trad. en franc., en 1732.