Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/États-Unis d’Amérique en 1863 (LES)

Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 3p. 1022).

États-Unis d’Amérique en 1863 (LES), par M. John Bigelow, consul des États-Unis à Paris. Un sous-titre indique l’étendue du sujet et ses divers aspects ; ce tableau des États-Unis comprendra : • leur histoire politique, leurs ressources minéralogiques, agricoles, industrielles et commerciales, » et fera ressortir « la part pour laquelle ils ont contribué à la richesse et à la civilisation du monde entier. • Le livre de M. Bigelow est offert un peu majestueusement à notre pays avec cette dédicace : « Au peuple français, qui a, le premier de tous, accueilli les États-Unis dans la famille des nations, cet ouvrage est respectueusement offert par l’auteur. » Mais, de la part du consul américain, ce n’est pas seulement un stérile hommage : le génie anglosaxon ne se repaît pas de vaines formules ; les démonstrations respectueuses du diplomate ont un but et son livre est au fond un plaidoyer adressé par la médiation de l’opinion française à l’opinion du monde. M. Bigelow adopte, du reste, la meilleure manière de plaider : il s’attache aux faits et les expose en pleine lumière devant le lecteur, en lui laissant le soin de vérifier les conclusions que son introduction résume d’avance et d’une façon remarquable. Voici d’abord les faits du passé. Trois livres sont consacrés à résumer l’histoire des États-Unis, depuis les premières

etau

colonies en Amérique, jusqu’à l’administration des derniers présidents : Franklin Pierce, James Buchanan et Abraham Lincoln. L’histoire des progrès de l’Union américaine semble aboutir à une désagrégation prématurée ; mais la crise actuelle ne se présente à l’écrivain patriote que comme un temps d’arrêt, au milieu d’une marche gigantesque qui en est encore à ses premières étapes.

La science géographique tient plus de place que l’histoire’dans le livre de M. Bigelow ; mais, par géographie, il faut entendre quelque chose de plus vaste et de plus fécond que les connaissances comprises ordinairement sous cette désignation. Une s’agit pas seulement de déterminer la position d’un État sur un point du globe, sa latitude ou sa longitude, ses limites, le cours de ses fleuves, le nom de ses montagnes. La géographie, telle que les modernes la conçoivent, entre plus intimement dans la vie des peuples ; elle est à l’organisation d’un pays et de la société ce que l’anatomie et la physiologie sont au corps organisé et à la vie qui l’anime. Pour nous faire connaître les États-Unis, l’auteur concentre dans un même cadre tout ce que les sciences naturelles, morales, économiques peuvent recueillir d’observations intéressantes. La géologie, la botanique, la zoologie, la climatologie, la minéralogie ont ici chacune leur chapitre à part. La statistique n’y trouvera pas seulement des chiffres en bloc, mais une répartition par groupes de ses divers éléments. Et aujourd’hui la statistique embrasse tout, les choses de la matière et celles de l’esprit, les richesses naturelles et les produits des manufactures, l’industrie, le commerce, la navigation, l’éducation, la religion, les arts, les résultats de l’éducation privée et les développements de l’administration publique.

La statistique se complaît dans des tableaux qui. résumant les faits par les chiffres, permettent de les saisir dans leur progression et sous tous les rapports. M. Bigelow ne se fait pas faute d’offrir aux lecteurs de ces tableaux qui mettent matériellement sous le regard rensemble des notions offertes successivement à l’esprit.

Que ressort-il de cette accumulation de faits et de renseignements sur les États-Unis ? Pour M. Bigelow, c’est la conviction que le système de gouvernement représentatif restera vainqueur de l’épreuve terrible qu’il a subie en Amérique. Pour le lecteur, il en sort la démonstration pleine et entière de la puissance, de la richesse, de l’esprit de ressource développés jusqu’ici chez un grand peuple, qui est appelé un jour à peser dans la balance des grands intérêts politiques de l’Europe, comme il pèse, dès aujourd’hui, sur les intérêts de.son commerce, de son industrie et de son bien-être. La lecture de cet ouvrage fait naître de graves préoccupations au sujet du développement extraordinaire des États de race anglo-saxonne au delà de l’Océan, pour tout homme qui s’intéresse à l’avenir de la France. M. Bigelow écrit comme un Américain, pour qui « le temps est de l’argent, » sans perdre le sien à polir sa phrase ou à arrondir sa période. Il cherche seulement à être clair et net, et il y réussit parfaitement.