Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Éloquence de la chaire (essai sur l’)


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Éloquence de la chaire (essai sur l’), ouvrage de l’abbé Maury, publié en 1810 (2 vol. in-8o). Cette édition est le livre, refondu et considérablement augmenté, des Discours choisis sur divers sujets de religion et de littérature, publiés en 1777 ; ce recueil n’était remarquable que par une profusion d’anecdotes. Souvent réimprimé à l’insu de l’auteur, qui ne l’avait destiné qu’à sa seule instruction, cet ensemble d’observations journalières lui parut présenter enfin la matière d’un traité sur l’éloquence sacrée.

L’ouvrage définitif de l’abbé Maury n’est pas une exposition aride des règles qui constituent la théorie de l’art oratoire ; l’auteur s’est proposé d’exciter le goût de l’éloquence plutôt que d’en rappeler les éléments. Son Essai est tout aussi bien une dissertation critique, accompagnée d’exemples et de jugements, qu’un traité didactique. Ce sont même ces aperçus et ces citations raisonnées des grands modèles qui intéressent la majorité des lecteurs qui veulent connaître les beautés et les défauts des chefs-d’œuvre, sans ambitionner les périlleux triomphes de l’éloquence sacréé ou profane. L’auteur cite à chaque page les orateurs du premier ordre, et surtout Bossuet ; son goût n’hésite pas à indiquer et à discuter des fautes de discours que l’autorité-d’un grand nom rendrait contagieuses. L’abbé Maury a eu l’honneur d’inventer ou de réhabiliter le P. Bridaine ; le premier, il a contesté à Massillon un rang qui lui paraît être supérieur à son mérite ; enfin, il a compris et jugé Bourdaloue comme personne ne l’a fait, ni avant lui ni après lui. Maury est le critique interprète de Bourdaloue, comme La Harpe est le commentateur éloquent et fidèle de Racine.

En perpétuant le souvenir des anecdotes historiques qui se rattachent à la tribune sacrée du xviie siècle, l’auteur s’est proposé de conserver les traditions de la chaire et de suppléer au commentaire qui manquait aux éditions de Bossuet, de Bourdaloue et de Massillon. Les orateurs nationaux ne lui ont pas fait perdre de vue les étrangers ; il s’est, borné toutefois aux plus célèbres prédicateurs de l’Italie et de l’Angleterre.

Sainte-Beuve a jugé a son tour l’abbé Maury. Sévère pour l’homme, Il ne cache pas son estime pour un traité dont l’absence ou la perte serait chose fort regrettable. « Son Essai sur l’éloquence de la chaire est un des meilleurs livres que nous ayons dans le genre didactique. Malgré le titre, et quoiqu’il soit toujours très-difficile de venir parler de sermons et de l’art d’en faire sans ennuyer, l’abbé Maury instruit et n’ennuie pas. » Sainte-Beuve dit plus loin de ce livre, corrigé et perfectionné, qui reçut sa forme définitive en 1810 : « Non-seulement les prédicateurs, mais tous ceux qui ont à parler en public y trouveront quantité de remarques justes et fines, mais justes avant tout, et qui sont d’un homme de métier, parlant avec autorité de ce qu’il a pratiqué et de ce qu’il sait à fond. L’auteur, en se remettant à cet estimable travail, s’est évidemment ressouvenu des heures appliquées de sa jeunesse, et il les a recommencées avec charme et avec fruit. Tout y est sensé, et rien n’y sent l’ennui. Le style s’y anime convenablement des citations des anciens sans trop s’en surcharger… Des souvenirs personnels, quelques anecdotes introduites à propos, viennent consoler de la continuité des préceptes sans en distraire. Les chefs-d’œuvre de la chaire sont présentés, analysés en grand, et il n’oublie pas les particularités qui peuvent en éclaircir et en faire valoir quelques effets déjà inaperçus… Ne lui demandez ni grande finesse, ni grande nouveauté, ni curiosité vive ; mais il est large, il est plein, il va au principal ; il s’entend à poser l’architecture et les grandes avenues du discours ; il les démontre en maître chez les maîtres. »

Marmontel, dans ses Mémoires, apprécie le talent oratoire de l’abbé Maury ; Palissot, dans.ses Mémoires sur la littérature, parle avec éloges de l’Essai sur l’éloquence de la chaire ; La Harpe, dans son Cours de littérature, prend à partie son confrère en critique à propos de quelques opinions qui dérangent les idées du fameux Aristarque ; Dussault, dans les Annales littéraires, a révisé ou confirmé ces divers jugements. Voici à quoi il s’en tient : « C’est un très-bon livre de littérature autant qu’un traité spécial ; et l’on ne peut le parcourir sans se sentir enflammé d’un amour plus vif pour les lettres et d’une ardeur favorable au développement du talent… Tout est fondu d’un seul jet dans le style de M. le carJinal Maury : tout est lié, tout marche d’ensemble… Dans l’abandon do son.éloquence, quelquefois un peu négligée, il se fait pardonner quelques incorrections, quelques traits d’un goût moins pur, à force de chaleur, de verve et d’intérêt : peu d’ouvrages de littérature et de critique offrent une lecture plus attachante que l’Eloquence de la chaire. »

M. Poujoulat a publié une monographie assez étendue sur la vie et les œuvres du carditial Maury, qui aurait dû rester abbé suivant la piquante remarque de Chénier.


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