Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ÉPERNON (Jean-Louis NOGARET DE LA VALETTE, duc D’), pair et amiral de France

Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 2p. 685).

ÉPERNON (Jean-Louis de Nogaret de La Valette, duc d’), pair et amiral de France, né dans le Languedoc en 1554, mort à Loches en 1642. Après avoir fait, sous le nom de La Valette, ses premières armes au combat de Mauvesin (1570), où il sauva la vie à son père, Jean de Nogaret, seigneur de La Valette, il parut au siège de La Rochelle, en 1573, se distingua, sous le duc d’Alençon, dans les guerres contre les huguenots, aux sièges de la Charité, d’Issoire (1577), de Brouage et de La Fère (1580). Henri III, dont il sut attirer l’attention par sa belle figure, par ses manières à la fois hautaines et doucereuses, en fit un de ses mignons et accumula sur sa tête une multitude de dignités : l’ordre du Saint-Esprit, les titres et grades de pair, de duc d’Épernon (1581), de colonel-général de l’infanterie (1581), d’amiral de France ; les gouvernements des Trois-Évêchés (1583), du Boulonnais (1583), de l’Angoumois, de la Touraine, de l’Anjou. Le roi promit, en outre, à son favori la main de sa belle-sœur, Christine de Lorraine, et, en attendant qu’elle fût en âge d’être mariée, il donna à d’Épernon 300,000 écus, qui devaient constituer sa dot. Lorsque Henri III, effrayé par la direction que les Guises imprimaient à la Ligue, résolut de se rapprocher du roi Henri de Navarre, il chargea d’Épernon de négocier une alliance avec ce dernier ; mais cette mission n’eut aucun succès. Peu après, il lui donna le gouvernement de la Normandie, le plus considérable du royaume (1587). Cette nouvelle faveur, ajoutée à tant d’autres, accrut encore l’impopularité du favori, qui, du reste, fatiguait le roi par son avidité, par son orgueil, par la hauteur avec laquelle il usait de ses bienfaits. Les clameurs qui s’élevèrent contre d’Épernon furent telles que Henri III, pour les apaiser, enleva au duc une partie de ses gouvernements et l’exila à Loches (1588), Néanmoins, après l’assassinat du duc de Guise, d’Épernon revint à la cour, reprit tout son crédit, fut mis à la tête de l’armée royale qui marcha sur Paris et s’empara de Montereau et de Pontoise.

Sur ces entrefaites, Henri III fut assassiné (1589). Zélé catholique, d’Épernon se déclara d’abord contre Henri IV et retourna dans son gouvernement de l’Angoumois. S’étant rallié ensuite à sa cause, il fut employé par le roi à soumettre les villes du Languedoc et de la Provence. Nommé gouverneur de cette dernière province, il s’y rendit odieux par son orgueil, son despotisme et sa rapacité, manifesta des prétentions d’indépendance, ouvrit même des négociations avec l’Espagne et conclut, en 1595, avec Philippe II, un traité par lequel il s’engageait à faire la guerre au roi et aux hérétiques. Mais, la Provence s’étant soulevée contre lui, il se vit contraint de quitter son gouvernement (1596) et se rendit alors auprès de Henri IV, qui consentit à l’acheter moyennant une somme do 50,000 écus, outre le gouvernement du Limousin.

Lorsque Henri IV fut mortellement frappé par Ravaillac (1610), d’Épernon, qui se trouvait auprès de lui, le ramena au Louvre, prit en main le pouvoir et fit reconnaître le lendemain Marie de Médicis comme reine régente. Cette princesse, en récompense de ce service, lui accorda de nouveaux honneurs ; mais il continua de se rendre insupportable par son humeur irascible et hautaine. En 1618, voyant le garde des sceaux prendre place, à Saint-Germain-l’Auxerrois, avec les ducs et pairs, il le contraignit rudement à se retirer, et il en résulta un conflit à la suite duquel il dut se rendre dans son gouvernement de Metz. Ennemi du favori de Luynes, il prépara l’évasion de Marie de Médicis, exilée à Blois (1619), et ce fut lui qui rédigea le traité de paix fait à Angoulême entre Louis XIII et sa mère. Bien que son crédit eût considérablement baissé à la cour, il obtint néanmoins, en 1622, le gouvernement de la Guyenne, que les princes du sang avaient seuls possédé jusqu’alors. Exilé en quelque sorte dans son gouvernement, il y eut avec Sourdis, archevêque de Bordeaux, un démêlé fameux qui remplit sa vieillesse d’amertumes et d’humiliations. Ayant bâtonné le prélat sous le portail de son église. (1632), il fut exilé à Coutras (1633) et ne put reprendre possession de son gouvernement qu’après avoir écrit une lettre d’excuses à Sourdis et avoir écouté à genoux la réprimande que l’évêque lui fit avant de l’absoudre. Privé de ses dignités en 1641, il alla finir ses jours à Loches, après avoir troublé le royaume par ses intrigues et les prétentions de son insupportable orgueil. Il tirait de sa province plus d’un million de revenu, et son faste était tel qu’il exigeait de ses gardes les mêmes preuves de noblesse que pour les chevaliers de Malte. Le duc d’Épernon avait eu de son mariage avec Marguerite de Foix trois fils : Henri, duc de Candale (v. Candale ; Bernard, duc d’Épernon (v. plus loin), et Louis, connu sous le nom de cardinal La Valette (v. La Valette).