Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ÉDOUARD, fils d’Édouard III, prince de Galles, célèbre sous le surnom de Prince Noir, qu’il dut à la couleur de son armure

Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 1p. 202).

ÉDOUARD, fils d’Édouard III, prince de Galles, célèbre sous le surnom de Prince Noir, qu’il dut à la couleur de son armure, né en 1330, mort en 1376. Il n’avait pas encore seize ans quand il suivit son père en France ; il se couvrit de gloire à la bataille de Crécy (26 août 1346), et son impétuosité décida de la victoire. « Mon fils, lui dit Édouard après la bataille, vous avez combattu vaillamment aujourd’hui et vous êtes digne de la couronne. » C’est alors que le jeune prince adopta la devise Je sers, portée par le vieux roi de Bohême, qui se trouvait parmi les morts de l’armée française. Envoyé en 1355 dans la Guyenne pour commencer les hostilités, il ravagea le midi de la France, l’Agenois, le Quercy, le Limousin et arriva jusqu’à la Loire. Ayant appris que le roi Jean marchait contre lui à la tête de 60,000 hommes, Édouard, qui n’avait sous ses ordres qu’une douzaine de mille hommes, se replia sur la Guyenne et se vit en présence de l’armée française à Maupertuis, près de Poitiers. Sa situation était si désespérée qu’il consentit volontiers à écouter les propositions d’accommodement que lui firent deux légats du pape désireux d’empêcher l’effusion du sang. Il offrit d’abandonner toutes les conquêtes faites depuis deux ans par les Anglais et de renoncer pendant sept ans à faire la guerre à la France ; mais le roi Jean ayant exigé qu’il se rendît prisonnier avec cent personnes de sa suite, il s’écria : « Jamais l’Angleterre n’aura à payer ma rançon, » et il se prépara au combat, pendant lequel il montra le courage d’un héros et la prudence d’un général consommé (19 septembre 1356). À cette fameuse bataille de Poitiers, il s’empara du roi Jean, de son fils Philippe le Hardi, d’un grand nombre de princes et de seigneurs et ajouta encore à sa gloire en traitant son royal prisonnier avec les plus grands égards. Après le traité de Brétigny (1360), il fut investi de l’Aquitaine par son père, avec le titre de prince souverain, et séjourna désormais à Bordeaux. En 1367, il passa en Espagne pour soutenir don Pèdre, chassé du trône de Castille, et gagna sur don Henri de Transtamare et Duguesclin la bataille de Najara, où il fit même prisonnier le fameux connétable. Le Prince Noir rapporta d’Espagne une maladie dont il ne put jamais se rétablir. N’ayant point reçu de don Pèdre les sommes que celui-ci avait promises pour l’entretien des troupes anglaises pendant la campagne contre Henri de Transtamare, il se vit forcé, pour payer les dettes qu’il avait contractées, d’imposer de nouvelles taxes à ses sujets. Cette mesure excita un mécontentement général en Aquitaine. Des plaintes furent alors portées au roi de France, Charles V, comme seigneur suzerain, et ce prince envoya sommer Édouard de comparaître devant lui. « Je comparaîtrai avec 60,000 hommes, » répondit le Prince Noir. Mais le dépérissement de sa santé et la révolte des principales villes de sa suzeraineté l’empêchèrent d’exécuter cette menace. Il retourna en Angleterre dans l’espoir d’y rétablir sa santé ; mais il y mourut peu de temps après, à l’âge de quarante-six ans. Par sa brillante valeur, par ses exploits et par ses nobles vertus, il s’était mis au rang des plus illustres guerriers de son siècle, et les Anglais l’estiment à l’égal d’Alfred le Grand. « Il laissa, dit Hume, une mémoire immortalisée par de grands exploits, par de grandes vertus, par une vie sans tache. Sa valeur et ses talents militaires furent les moindres de ses mérites ; sa politesse, sa modération, sa générosité, son humanité lui gagnèrent tous les cœurs. Il était fait pour illustrer non-seulement le siècle grossier dans lequel il vivait et dont les vices ne l’atteignirent point, mais encore le siècle le plus brillant de l’antiquité ou des temps modernes. » Le Prince Noir avait épousé la belle Jeanne, fille du comte de Kent, dont il eut deux fils, Édouard, mort en bas âge, et Richard, qui devint roi sous le nom de Richard II.