Grains de mil/Il pianto
Grains de mil : poésies et pensées
Joël Cherbuliez, libraire-éditeur, (p. 102).
XXXVIII
IL PIANTO.
À M. Alfred de Vigny.
— Ah ! c’est à détester la vie !
Toujours, partout, se sentir seul !
À la solitude asservie,
Mon âme file son linceul.
Dix fois ! ma main l’a mise nue,
Dix fois, bien qu’elle en ait frémi !
Mon âme est encore inconnue
À mon meilleur ami !
— C’est vrai ; mais, avant de maudire,
Plein de courroux ou plein d’effroi,
Écoute, passant qui soupire,
Écoute, frère, et réponds-moi.
Nul œil, c’est là ce qui t’enflamme,
Ne lit dans ton cœur abattu ;
Nul ami ne connaît ton âme :
Et toi, la connais-tu ?