Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)/12

Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Œuvres complètes de XénophonHachetteTome 2 (p. 474-475).



CHAPITRE XII.


De la castrémétation.


Je vais exposer aussi le système de castramétation établi par Lycurgue. Comme les angles d’un quadrilatère ne sont pas de bonne défense, on donnait au camp la forme circulaire[1], excepté quand on avait l’abri d’une montagne ou que les derrières étaient couverts soit par un mur soit par un fleuve.

Durant le jour, on établissait des postes auprès des armes, l’œil tourné vers l’intérieur du camp, vu qu’ils ont à surveiller non pas l’ennemi, mais les amis. L’ennemi était surveillé par des cavaliers placés sur le point le plus favorable à leurs observations. La nuit, si l’on voulait sortir des campements, on trouvait jadis la garde confiée aux Scirites[2]. Aujourd’hui ce service est fait par des étrangers, avec quelques Spartiates.

Quant au motif pour lequel ils se promènent ayant toujours la pique en main[3], il faut bien comprendre que c’est le même qui leur fait tenir les esclaves éloignés des armes. Et lorsqu’ils s’en vont satisfaire à leurs nécessités, on ne doit pas s’étonner qu’ils ne s’écartent de leurs compagnons et des armes qu’autant qu’il faut pour ne point s’incommoder les uns les autres : c’est leur sûreté qui l’exige ainsi.

Ils changent souvent de camp pour nuire à l’ennemi et pour être utiles à leurs alliés. Les exercices gymniques sont prescrits par la loi à tous les Lacédémoniens, tant qu’ils sont à l’armée ; c’est un moyen de leur inspirer une nouvelle ardeur et plus d’indépendance que n’en ont les autres peuples. Leur promenade ou leur course ne doit pas s’étendre au delà de l’étendue de la more, afin que personne ne se trouve loin de ses armes.

Après les exercices, le premier polémarque fait donner le signal de s’asseoir ; c’est une sorte de revue. Vient ensuite le dîner, et puis le relevé de la garde, auquel succèdent les amusements et le repos jusqu’aux exercices du soir. Ces exercices terminés, le héraut appelle au souper, et, après des chants en l’honneur des dieux, auxquels on a offert d’heureux sacrifices, on se repose sur ses armes. Voilà bien des détails ; mais on ne doit pas s’en étonner, attendu qu’on trouvera que, dans les pratiques militaires, les Lacédémoniens ont omis bien peu de chose de ce qui est digne de quelque attention.



  1. C’était tout le contraire chez les autres Grecs et chez les Romains.
  2. Habitants de la Sciritide, pays situé sur les confins de la Laconie et de l’Arcadie.
  3. Cf. de Pauw., t. II, p. 299.