George Sand - Histoire de ses œuvres - L’Ordre et la Succession psychologique de ses romans

George Sand - Histoire de ses œuvres - L’Ordre et la Succession psychologique de ses romans
Revue des Deux Mondes3e période, tome 83 (p. 572-592).
GEORGE SAND

HISTOIRE DES ŒUVRES DE GEORGE SAND. — L’ORDRE ET LA SUCCESSION PSYCHOLOGIQUE DE SES ROMANS[1].

Quelle idée George Sand se faisait-elle du roman quand elle entreprit d’écrire pour le public? Même en faisant aussi large que l’on voudra la part de la spontanéité, peut-on croire que cette intelligence, si richement douée et si féconde, ait marché tout à fait au hasard, dans les voies qui se sont offertes à elle, avec l’indifférence banale d’un talent qui ne vise qu’au succès, ou bien s’est-elle développée, selon la règle inaperçue, mais active, d’instincts énergiques et permanens ? Elle va répondre pour nous :

« Je n’avais pas la moindre théorie quand je commençai à écrire, et je ne crois pas en avoir jamais eu quand une envie de roman m’a mis la plume en main. Cela n’empêche pas que mes instincts ne m’aient fait, à mon insu, la théorie que je vais établir, que j’ai généralement suivie sans m’en rendre compte, et qui, à l’heure où j’écris, est encore en discussion. Selon cette théorie, le roman serait une œuvre de poésie autant que d’analyse. Il y faudrait des situations vraies et des caractères vrais, réels même, se groupant autour d’un type destiné à résumer le sentiment ou l’idée principale du livre. Ce type représente généralement la passion de l’amour, puisque presque tous les romans sont des histoires d’amour. Selon la théorie annoncée (et c’est là qu’elle commence), il faut idéaliser cet amour, ce type par conséquent, et ne pas craindre de lui donner toutes les puissances dont on a l’aspiration en soi-même, ou toutes les douleurs dont on a vu ou senti la blessure. Mais, en aucun cas, il ne faut l’avilir dans le hasard des événemens ; il faut qu’il meure ou triomphe, et on ne doit pas craindre de lui donner une importance exceptionnelle dans la vie, des forces au-dessus du vulgaire, des charmes ou des souffrances qui dépassent tout à fait l’habitude des choses humaines et même un peu le vraisemblable admis par la plupart des intelligences. En résumé, idéalisation du sentiment qui fait le sujet, en laissant à l’art du conteur le soin de placer ce sujet dans des conditions et dans un cadre de réalité assez sensible pour le faire ressortir[2]. »

George Sand n’a pas été infaillible dans l’application de cette théorie. Il lui est arrivé plus d’une fois d’idéaliser dans le chimérique et le faux. Mais c’était là l’erreur de son jugement, non de ses instincts; elle restait fidèle d’intention à sa théorie, alors même qu’elle la trahissait. Cette théorie paraît bien simple et bien grande, par comparaison surtout avec ce qui s’est vu depuis.

A travers toutes les aventures de sa vie réelle et de sa vie littéraire, George Sand garda intact son culte de l’idéal, elle resta poète ! C’est l’honneur que ne lui ravira jamais le goût changeant des générations nouvelles. C’est dans une conception poétique que naissent ces récits si riches, si variés, qui souvent s’altèrent dans la suite des événemens, mais qui toujours ont des commencemens merveilleux.

On comprend comment cette spontanéité d’une imagination dont j’ai essayé de retracer les origines troublées, qui ne se gouverne guère, qui s’excite elle-même, comment le souvenir des crises morales traversées, l’espoir confus d’un avenir où sa crédulité enthousiaste voyait éclore des rêves divins, comment toute cette nature inquiète, frémissante et superbe, avec ses illusions et ses vraies douleurs, va trouver d’instinct son expression dans des œuvres étranges, audacieuses de pensée, d’un style exalté et inquiétant, gémissantes et passionnées, débordantes de lyrisme, à propos de l’amour, à propos de la religion, à propos de la vie humaine. Que si, de plus, on vient à penser que cet auteur est une femme que la vie a froissée, déçue, irritée de mille manières; que jusqu’alors, dans une existence très active au dedans, mais très solitaire et très retirée, elle est restée étrangère à tous les grands spectacles de la politique, de la société, et qu’elle se précipite, avec son inexpérience effrénée, avec ses vastes désirs et une compassion profonde pour les misères et les douleurs qui crient à travers l’humanité, et encore plus pour celles qui souffrent et saignent silencieusement, on comprendra que cette femme soit tout d’abord consternée et saisie à cette vue, comme toutes les belles âmes qui jugent le monde avec leur cœur et dont les aspirations sont violemment meurtries par la brutalité des faits. Elle cherchera alors, elle s’inquiétera, elle demandera si à tant de maux il n’y a pas de remède.

Ce seront donc d’abord les préoccupations personnelles, religieuses et morales qui domineront son esprit et ses œuvres. Puis ce sera le tour des préoccupations sociales. Alors, autour de cette femme inspirée, de ce poète applaudi, de cet écrivain déjà populaire, vous verrez se presser en foule les docteurs de la rénovation universelle, les empiriques et les utopistes, les sophistes et les rêveurs, les apôtres sincères et les charlatans de la question sociale, les exploiteurs et les exploités, les ambitieux et les naïfs. Ils ont trouvé dans George Sand l’éclatant porte-voix de leur doctrine. C’est à qui lui proposera un plan nouveau, un système inédit, la philosophie, la politique, la religion de l’avenir. La nature de Mme Sand la prédisposait à subir le despotisme des convictions âpres et des imaginations fortes. Fanatique du bien absolu ou, à son défaut, d’un mieux immédiat, rêvé plutôt qu’expérimenté, plus paresseuse à concevoir l’idée qu’à la mettre en œuvre, reconnaissant elle-même que l’initiative intellectuelle lui manque, elle laisse envahir toute une période de sa vie par l’utopie politique, par le rêve d’un âge d’or sur l’avènement duquel tout le monde est d’accord autour d’elle, sans que chacun renonce à son plan pour le faire éclore, et à son programme particulier pour le réaliser. Enfin, un beau jour (oui, ce fut un beau jour pour son talent et sa gloire), elle éprouvera comme une grande lassitude de cette agitation d’idées dans le vide, de ces théories immaculées et superbes tant qu’elles demeurent sur le trône intérieur de la pensée pure, et qui, dès qu’elles descendent dans les aventures de la politique active et dans les mouvemens de la rue, se laissent avilir et souiller par les événemens. Ce grand esprit, qui a l’horreur de la violence, rentrera en soi sous une impression de fatigue et de dégoût; elle fera, si j’ose dire, une retraite spirituelle en elle-même dans le sanctuaire de ses plus chers souvenirs; elle se rendra à l’appel énergique que lui font ses secrets instincts, trop longtemps froissés par la discussion violente et la lutte ingrate ; elle reviendra à son goût pour la campagne, pour ces champs du Berry, théâtre de la première poésie de ses rêves d’enfant ; il y aura en elle comme une éclosion soudaine et inespérée de souvenirs frais et charmans, d’émotions exquises et saines. Enfin, nous nous reposerons avec elle de toutes les agitations et de toutes les haines; la douce lumière, un peu voilée, de la campagne natale finira par éclipser l’éclat fiévreux du réformateur, le rêve enflammé du poète humanitaire.

N’est-ce pas là précisément le cercle parcouru par George Sand, et cette page de biographie intime n’est-elle pas l’histoire en raccourci de ses œuvres?

La première période de sa vie littéraire est toute au lyrisme spontané, personnel. Et comme je voudrais faire ici un tableau non de fantaisie, mais d’histoire, avec la précision relative que comportent ces sortes de divisions d’un caractère tout psychologique, je crois pouvoir étendre cette première période de 1832 à 1840 environ. Dans cet intervalle de neuf années paraissent coup sur coup les chefs-d’œuvre de la première manière : Indiana, Valentine, Jacques, André, Mauprat, Lélia, et la charmante série des contes vénitiens[3].

Rappelons rapidement le sujet des œuvres principales. Nous verrons qu’elles procèdent toutes d’un fonds commun d’émotions et de douleurs personnelles, sans être pourtant la confidence et le récit de sa vie. Mme Sand a toujours protesté contre les applications trop strictement biographiques qui ont été faites de ses premiers romans.

Cependant, il faut s’entendre sur ce point délicat. Indiana, elle nous l’assure, n’est pas son histoire dévoilée. C’était du moins l’expression de ses réflexions habituelles, de ses agitations morales, d’une partie de ses souffrances réelles ou factices ; ce n’était pas sa vie, soit, c’était le roman ou le drame de sa vie, tel qu’elle l’avait conçu sous les ombrages de Nohant. Que ce ne fût pas, je veux le croire, une plainte formulée contre son maître particulier, c’était du moins une protestation contre la tyrannie dans le mariage, personnifiée par le colonel Delmare. C’était aussi la conception, l’idéal d’une femme aimante, telle qu’elle l’imaginait alors; c’est pour son propre compte qu’elle s’intéressait à la peinture d’un amour naïf et profond, exalté et sincère, passionné et chaste, que sa naïveté même trahit, que sa sincérité livre en proie et sans autre défense que le hasard à l’égoïsme voluptueux et féroce d’un homme du monde, et que sauve enfin du dernier désespoir un cœur héroïquement silencieux, un cœur digne d’elle, digne de la réconcilier avec la vie et l’amitié. — Valentine recommence, avec des détails ravissans et une poésie incomparable, ce thème du mariage impie et malheureux que les convenances sacrilèges du monde ont imposé et qui traîne à sa suite les plus lamentables et tragiques douleurs, le réveil violent de la nature et du cœur, les ardeurs fatales, les tentations plus fortes que la volonté, la famille déshonorée, une noble maison brisée, un foyer anéanti. — Jacques, c’est son idéal de l’amour dans l’homme (comme Indiana est son idéal de l’amour dans la femme) ; c’est un stoïcien devenu amoureux avec la profondeur et l’élévation qu’un stoïcien peut mettre dans ces sortes de choses, avec un courage triste jusqu’à la mort dès qu’il pressent une faiblesse ou une trahison, un dévoué qui abdique sans éclat tous ses droits et se résigne au suicide pour épargner à Fernande, adorée jusque dans sa faute, l’humiliation de ses joies coupables et la honte de son bonheur adultère. — L’amour dans une nature gracieuse et faible qu’il exalte et qu’il brise, l’amour encore, mais dans une nature sauvage qu’il dompte et qu’il élève à la plus haute éducation de l’intelligence et du cœur, ce sont deux rêves sur les effets divers de la grande passion, c’est André, c’est Mauprat. — Lélia! Qui ne se rappelle toujours, après l’avoir lu une fois, ce poème étrange, incohérent, magnifique et absurde, où le spiritualisme tombe si bas, où la sensualité aspire si haut, où le désespoir déclame en si beau style, où l’esprit ravi, étonné, scandalisé, passe brusquement d’une scène de débauche à une prière sublime, où l’inspiration la plus fantasque s’élance de l’abîme au ciel pour retomber au plus profond de l’abîme? C’est le doute qui blasphème, qui maudit, qui s’attendrit jusqu’à l’extase, c’est l’amour qui s’injurie lui-même sans pitié et qui analyse ses misères avec une sorte de fureur désespérée ; c’est la foi qui tantôt se renie et tantôt s’exalte ; c’est l’idéal qui se déshonore dans les bras des prostituées, et qui demande à l’orgie l’impuissante consolation de ses rêves et de ses élans trompés. Ce lyrisme excessif, bien qu’il ait vieilli, offre encore au lecteur un spectacle étonnant où le vertige et la fièvre se mêlent à des aspirations de la plus grande beauté. — Dans Spiridion, le jeune moine Alexis, qui n’est pas sans ressembler beaucoup à George Sand elle-même en consultation auprès de Lamennais, représente l’âme en peine à la recherche de la vérité religieuse, touchée de l’idéal divin et le cherchant avec une douloureuse anxiété à travers les symboles et les livres, et surtout à travers les angoisses d’un vieux moine mourant qui lègue à son successeur la flamme, recueillie dans le feu de l’orage, mais la flamme où s’allumera la révolte religieuse et plus tard la révolution.

A côté de ces grands romans, il ne faut pas oublier des œuvres moindres, non par le talent de l’auteur, mais par l’étendue. Qui ne connaît pas les nouvelles de Mme Sand l’ignore vraiment, ou est exposé à la méconnaître dans l’étonnante souplesse de son art. A travers ses plus grandes œuvres, à toutes les époques de sa vie, mais surtout dans la première période, se joue par intervalles un courant vif et bondissant d’esprit tout français, l’esprit renaissant du XVIIIe siècle, de fantaisie élégante et de curiosité aventureuse qui trouve à se répandre en liberté dans des fictions dont l’amour est le thème perpétuellement varié. A-t-on jamais manié l’ironie légère d’une main plus gracieuse que celle qui a écrit Cora, Lavinia, ou qui a tracé ces pages où la dernière marquise du XVIIIe siècle nous peint, en jouant avec son éventail, les mœurs et les caractères de son temps, et nous raconte la seule émotion qui ait failli troubler le cours harmonieux d’une longue existence, vouée aux amours faciles ! Et Lavinia, qui pourrait l’oublier ? Nous gardons, longtemps après qu’elle a disparu, l’impression de ce sourire où a passé la maligne vengeance d’un cœur trahi qui voit revenir à lui le transfuge et qui l’abandonne à son tour, avec une tristesse souriante, à ses remords vite consolés. Comme tous ces récits sont d’une invention naturelle, d’une-allure vive, d’un tour et d’un style exquis ! Métella nous montre au vif et au naturel en même temps l’art de peindre les troubles les plus graves du cœur, d’un trait discret qui laisse tout deviner, presque sans rien marquer et en courant à la surface. Le Secrétaire intime, Teverino. sont deux inspirations de la plus brillante poésie.

J’aime moins Leone Leoni, malgré la vigueur extraordinaire du ton, et je goûte médiocrement quelques pages dans la Dernière Aldini. La mère ne me plaît guère quand elle veut épouser son gondolier, et la fille m’effraie quand elle se jette à la tête du chanteur. Mais combien d’autres pages pleines de fraîcheur et d’éclat, et quel riant coloris ! que de finesse et de grâce dans la scène où Lélio se trouve pour la première fois en tête-à-tête avec la jeune Alezia! quelle lutte ingénieuse et piquante, et le charmant triomphe pour tous les deux ! L’éclat des grandes œuvres de George Sand a été trop vif ; elles ont été célébrées ou discutées avec trop de feu pour que les Nouvelles n’eussent pas un peu à en souffrir. Il y a là cependant quelques-uns des plus purs joyaux de cet écrin déjà si riche. Toutes les élégances de l’esprit s’y unissent comme pour faire un cadre d’or à un sentiment délicat. Grâce émue, fantaisie souriante, originalité tour à tour piquante et attendrie, que de dons aimables, et quel malheur que George Sand ne s’en soit pas contentée! Pourquoi a-t-elle voulu faire de son talent un instrument plus sonore, mais souvent faux, de doctrines mal étudiées? De ces nouvelles, dont le cadre et le paysage sont empruntés à l’Italie et surtout à Venise, il faut rapprocher les Lettres d’un voyageur, publiées à différentes dates et à d’assez grands intervalles, mais dont les premières, les lettres vénitiennes, offrent un intérêt étrange et passionné que les autres n’ont pas au même degré. Ces premières lettres, vrai poème en prose, chroniques de voyage dans les Alpes et vers le Tyrol, récit de conversations ou d’impressions solitaires à Venise, sont l’expression attristée, dramatique, d’un esprit souffrant, malade, déjà cruellement éprouvé par la douleur, trompé par l’amour, comme si, après quelques années à peine d’expérience, il avait dû se démontrer à lui-même que les passions les plus romanesques ne sont pas à l’abri de la souffrance, pas plus que les existences les plus bourgeoises. C’est tantôt un jugement amèrement résigné sur la vie et les hommes, tantôt une plainte aigre, un cri d’angoisse, un de ces cris qui se font entendre à travers le monde, et qui ont un long retentissement. C’est, à coup sûr, la confidence la plus sympathique et la plus curieuse que Mme Sand nous ait donnée sur elle-même, par la sincérité de l’accent, avec une exquise discrétion de la douleur. Dans ces simples pages où se combattent en une seule âme tous les sentimens les plus sacrés de l’âme, ils s’agitent, ils palpitent sous le voile; ni le sexe ni l’âge de ce pauvre et poétique voyageur de la vie ne s’y révèlent un seul instant ; la passion et la souffrance y gardent une admirable pudeur, et le charme en est doublé.

Toutes ces œuvres si diverses par la conception, par la fantaisie, par le cadre, portent la trace brûlante d’un esprit jeune. Le sujet, à peu près unique à travers la variété éblouissante des aventures, c’est la peinture de l’amour noble aux prises avec les tentations et les surprises de la vie, avec les défaillances ou les trahisons, ce sont les fortunes de ce pauvre et grand cœur humain dans ses élans trompés vers l’héroïsme et dans ses chutes prodigieuses; c’est aussi la lutte des âmes aimantes contre les perfidies du sort qui les jette en proie à la violence ; c’est la révolte de la nature contre les erreurs fatales de la société ; c’est une protestation contre les servitudes du code ou de l’opinion, d’un mot, contre tout ce qui gêne le libre élan des amours vrais. C’est enfin la poursuite inquiète et passionnée de l’idéal religieux, d’un idéal souvent chimérique et troublé, mais ardemment espéré, entrevu à travers les doubles ténèbres de la superstition ci du scepticisme. Telle est l’inspiration qui domine, dans cette première période, et tels les motifs de ces premiers chants. Chacune de ces œuvres est un poème consacré à l’amour divin et surtout à l’amour humain, tous les deux fort étonnés d’être si intimement mêlés et confondus. La question sociale ne paraît que dans un vague lointain et incidemment. L’idée d’une réformation ne va guère d’abord au-delà du mariage, critiqué moins encore dans son principe que dans sa pratique. Elle écrivait alors, comme elle le dit, sous l’empire d’une émotion, non d’un système.


II.

Le système se fait jour bientôt et refoule l’émotion dans certaines limites. L’émotion et le système, l’une venue de l’âme même de l’auteur, l’autre venu du dehors, se partageront, à parts plus ou moins égales, les romans de la seconde période, ceux qui remplissent la vie littéraire de George Sand, de 1840 à 1848 environ.

Ce fut un malheur, au point de vue de l’art, que ce partage. On ne peut pas dire précisément que le talent ait baissé dans les œuvres de la seconde manière ; mais, à coup sûr, l’intérêt est moins vif, la sympathie, à chaque instant déconcertée, se refroidit. Il y a des parties entières frappées d’une mortelle langueur. Cela devait être, et cela est. Ce qu’elle nous avait promis dans le roman, c’était la peinture plus ou moins idéalisée du cœur humain, l’analyse de l’âme jetée dans des situations fictives et se développant, dans cette combinaison d’événemens imaginaires, au gré de l’auteur, observateur ou poète. Ce qui nous plaisait dans cette lecture, c’était d’y goûter l’ineffable oubli du monde réel, le repos de ce labeur tumultueux où tout ce que nous avons de sentiment et d’activité s’épuise, par l’effet nécessaire de la vie pratique, dans des luttes si âpres et toujours renaissantes, souvent pour de si misérables objets. On aimait à s’y distraire du combat, du bruit et de la poussière de chaque jour. poète, vous m’avez présenté l’amorce d’une fiction aimable, je vous ai suivi sans défiance et d’un cœur charmé; vous avez sollicité ma curiosité, vous l’avez ravie ; vous m’avez ému, je subis la douce ivresse que votre art m’a préparée. Et, tout d’un coup, voici que mon émotion s’arrête et se glace. Qu’avez-vous fait? Au milieu de l’idylle enchantée, voici une tirade traîtresse dont je reconnais l’inspirateur, voici le sermon socialiste qui commence, et le charme cesse d’agir. Vous me rejetez de vive force, et par une sorte de perfidie, dans ce milieu discordant et agité que je voulais fuir. Je reconnais ici le discours de M. Michel (de Bourges), là le pamphlet enflammé de M. Lamennais, ailleurs le rêve philosophique et religieux de M. Pierre Leroux; courez après mon émotion, essayez de la ressaisir, elle est bien loin. J’ajoute que, par la force des choses, dans ces épisodes de prédication intermittente, le talent ni le style ne sont plus les mêmes. On sent trop bien que l’inspiration vient du dehors et que cette parole n’est qu’un écho. L’inévitable déclamation arrive, comme toujours, quand le style n’est plus le son même de l’âme, directement frappée par son émotion propre. L’éloquence se guindé, la verve forcée prend des airs d’emphase.

Que l’on éprouve cette critique sur les principaux romans de cette seconde période. C’est vers 1840, avec le Compagnon du tour de France, que le système arrive et que le socialisme entre en campagne. Certes, il y a des parties charmantes dans ce roman, des types et des situations saisis avec art. Le fond de l’œuvre est, ou du moins devrait être, le contraste de l’amour généreux et vraiment grand de Pierre Huguenin, avec la passion vaniteuse et sensuelle d’Amaury, l’un dévouant l’ardeur de sa chaste pensée à une vierge austère, grave, qui est toute intelligence et toute âme, l’autre cherchant la satisfaction d’un goût d’artiste dans la séduction d’une femme élégante et coquette, qu’il aime avec tout l’orgueil de ses sens et toute l’exaltation d’une fantaisie. Ce qui est vrai dans ce roman, ce qui est bien observé et vraiment beau, c’est l’effet de ce faux et mauvais amour sur Amaury. Ce cœur bien doué, mais faible, dupe de sa vanité, expie cruellement sa faute, non par la perte de son avenir, mais, ce qui est plus terrible, par la dégradation successive de ses belles qualités. La volupté et l’ambition l’ont touché, elles le posséderont à jamais. Ce qui est vrai aussi, et admirablement décrit, c’est l’effet d’un noble amour sur Pierre Huguenin; c’est la peinture de son élévation morale, de la délicate fierté de ses sentimens, de ce courage et de cette probité du bon sens qui se tient à l’écart et dans l’ombre où doivent se reléguer les passions impossibles. Mais, à chaque instant, hélas! ces belles analyses s’arrêtent brusquement. Cette étude profonde et charmante des effets de deux passions contraires sur deux âmes plébéiennes s’interrompt pour laisser passer le flot de la déclamation politique. Je ne connais pas de personnage plus incommode, plus bruyant, plus sottement bavard que cet Achille Lefort, qu’on est sûr de trouver à tous les détours des allées, toutes les fois que l’idylle s’y promène. Je ne sache rien de plus invraisemblable que le caractère de M. de Villepreux, ce complice d’Achille Lefort qu’il méprise, mélange indéfinissable d’un grand seigneur sceptique, d’un membre de l’opposition constitutionnelle, d’un conspirateur sans conviction, qui, à certains momons, semble monter sur le trépied de la sibylle humanitaire, et qui, l’instant d’après, en redescend avec le sourire d’un Machiavel du Palais-Bourbon. Mais, surtout, je ne sache rien de plus faux, de plus déclamatoire, de plus dissonant que le personnage de la noble Yseult, dans la dernière partie du roman, où l’on est tout étonné de découvrir que cette jeune fille, qui semble être la raison même, avec tant de grâce et de charme, n’est rien qu’une conspiratrice exaltée, une pédante infatuée. Voyez-la, initiant Pierre Huguenin aux mystères du carbonarisme ; fondant, au milieu de cette campagne splendide et de ce beau parc, la loge Jean-Jacques Rousseau; puis, à son tour, initiée par la vertu de l’ouvrier à la vraie doctrine de l’égalité, tout à coup, dans une scène étrange, lui demandant, devant Dieu qui les voit et qui les entend, s’il l’aime comme elle l’aime, et lui avouant que, depuis le jour où elle a pu raisonner sur l’avenir, elle a résolu d’épouser un homme du peuple afin d’être peuple, comme les esprits disposés au christianisme se faisaient baptiser afin de pouvoir se dire chrétiens. Charmante et douce Yseult, où êtes-vous? Je ne sais quel fantôme, échappé du club des femmes, a pris votre place. Je ne vous reconnais plus[4]. Ainsi s’entremêlent, à chaque instant, au grand dépit du lecteur, les deux parties du roman, l’une tout aimable et tout émue, empreinte de ce charme qui est la grâce dans l’art, l’autre surchargée de tons violens et criards qui font peur à la grâce et qui la forcent à s’envoler plus loin.

Horace serait l’analyse intéressante d’un caractère misérablement personnel et faible, si le roman n’était pas gâté par le contraste trop visiblement cherché d’Arsène, l’homme du peuple sublime, héros du socialisme naissant, type de toutes les vertus selon la morale nouvelle. Dans Jeanne, on voit poindre l’idée druidique, si chère à quelques amis de Mme Sand, mêlée à je ne sais quelle vague synthèse ou quel chaos religieux. Ici encore, on voudrait choisir dans cette œuvre si mélangée. Quelques épisodes charmans, comme la rencontre de Jeanne endormie dans les Pierres Jomâtres et le poisson d’avril, quelques scènes rustiques admirablement peintes, comme l’incendie dans un hameau, les lavandières, la mort à la campagne, la fenaison, ne suffisent pas à sauver le roman de l’ennui qu’amène la préoccupation du système, inamovible à la traverse du sentiment. Peu à peu. le système tue le roman. Il arrive un moment où Jeanne n’est plus cette fille des champs, admirablement simple et pure, dont le charme naïf inspire de l’amitié ou de l’amour à tous ceux qui la rencontrent, et qui s’en étonne ou s’en effraie avec tant de modestie et de pudeur. Elle se transforme à vue d’œil. Elle devient tantôt la Velléda du Mont-Barlot, tantôt la Grande Pastoure ; elle grandit sans cesse, si c’est grandir, au point de vue de l’art, que de passer à l’état de mythe et d’allégorie. Elle symbolise l’âme héroïque et rêveuse du peuple des campagnes. Je le veux bien, mais je ferme le livre au moment où la jeune paysanne devient une si belle parleuse et je passe avec empressement à Consuelo.

Ici encore, malgré les trésors d’invention et d’art qui s’y dépensent, n’éprouverai-je aucune déconvenue? Certes, je ne suis pas assez sottement empressé de prouver ma critique, pour discuter l’étonnante fécondité d’invention, la curiosité, la passion répandues dans tout ce roman et même dans la première partie de la Comtesse de Rudolstadt, qui en est la suite. Mme Sand, comme elle l’avoue, sentait là un beau sujet, des types puissans, une époque et des pays semés d’accidens historiques, dont le côté intime était précieux à explorer, et à travers lesquels son imagination se promenait avec une émotion croissante, à mesure qu’elle avançait au hasard, toujours frappée et tentée par des horizons nouveaux. Des lectures récentes qui avaient vivement saisi son esprit mobile l’attiraient à cette entreprise singulière et complexe, en lui faisant pressentir tout ce que le XVIIIe siècle offre d’intérêt sous le rapport de l’art, de la philosophie et du merveilleux, trois élémens produits par ce siècle d’une façon très hétérogène en apparence, et dont le lien était cependant curieux et piquant à établir sans trop de fantaisie. Siècle de Marie-Thérèse et de Frédéric II, de Voltaire et de Cagliostro : siècle étrange qui commence par des chansons, se développe dans des conspirations bizarres, et aboutit par des idées profondes à des révolutions formidables! Je reconnais volontiers, avec Mme Sand, la grandeur du sujet, et plus libéral qu’elle envers elle-même, je reconnais qu’elle en a tiré le plus souvent un grand parti, par l’intérêt de l’intrigue, le charme étrange de certaines situations, la vive peinture des sentimens et des caractères. Comme on aime cette Consuelo, intelligence élevée, noble cœur, admirable artiste, dans les débuts chastement aventureux de sa vie errante à Venise, dans ses premiers triomphes et ses premières tristesses, à son arrivée à ce terrible château des Géans par une nuit de tempête, dans toute cette fantasmagorie des vieilles ruines et des grands souterrains, dans son amour pour le jeune comte Albert si longtemps combattu par l’effroi, dans sa fuite, dans sa rencontre à travers champs avec Haydn presque enfant, dans ce long voyage enfin, le plus ravissant et le plus fantastique que l’imagination puisse rêver !

Et plus tard, quand, aux prises avec des événemens terribles, triste fiancée de la mort, sous le coup d’un effrayant mystère dont parfois sa raison se trouble, nous voyons reparaître Consuelo, vierge et veuve, comtesse de Rudolstadt, toujours grande et noble artiste, à la cour de Frédéric et dans la dangereuse intimité de la princesse Amélie, que de scènes pleines d’attrait et de terreur ! Sa prison, son enlèvement, cette fuite nouvelle sous la conduite des Invisibles, ces émotions douloureuses d’une passion énigmatique qui l’attire comme un amour permis et qui l’effraie comme une sorte d’adultère envers un mort, tout cela est raconté avec un intérêt, un entrain incomparables. Mais, pour Dieu ! que le comte Albert ne soit donc pas si fatal, si prolixe et si nuageux ! s’il aime Consuelo, qu’il lui parle de son amour et qu’il ne lui commente pas sans fin, dans une histoire de fantaisie, les sanglantes légendes de Jean Ziska et des hussites! Si sa démence n’était pas si prétentieuse, il pourrait nous intéresser ; s’il ne repassait pas à chaque instant dans le roman, avec son front pâle, son œil fixe et son manteau noir semé de larmes d’argent comme un drap mortuaire, il pourrait nous sembler aimable. Mais c’est bien mal à lui de déraisonner si souvent pour effrayer Consuelo et pour impatienter le lecteur! Et quand le moment de l’initiation arrive, quand l’oracle parle enfin au fond du souterrain, est-ce que je me trompe? Est-ce le noble comte qui parle? Il me semble reconnaître de vieilles phrases qui ont fait un long et vaillant service dans la Démocratie pacifique de ce temps et ailleurs : « Une secte mystérieuse et singulière rêva, entre beaucoup d’autres, de réhabiliter la vie de la chair, et de réunir dans un seul principe divin ces deux principes arbitrairement divisés. Elle voulut sanctionner l’amour, l’égalité, la communauté de tous, les élémens de bonheur. Elle chercha à relever de son abjection le prétendu principe du mal et à le rendre, au contraire, serviteur et agent du bien,.. etc. » Le noble comte peut continuer longtemps ainsi, il y a longtemps que je rêve, et je soupçonne Consuelo de n’avoir tant de patience à l’entendre que parce qu’elle fait comme moi. Mais tout cela n’est rien en regard du second volume de la Comtesse de Rudolstadt. C’est ici qu’un grand courage pourrait se donner le spectacle de la marée montante du système et de la déclamation. L’ennui atteint tout à coup des hauteurs démesurées. Qui pourrait suivre Consuelo dans ce Panthéon bizarre que lui ouvrent les prêtres et les prêtresses de la vérité, qui est décoré, entre chaque colonne, des statues des plus grands amis de l’humanité, et où l’on voit figurer Jésus-Christ entre Pythagore et Platon, Apollonius de Tyane à côté de saint Jean, Abélard auprès de saint Bernard, Jean Huss et Jérôme de Prague à côté de sainte Catherine et de Jeanne d’Arc? De grâce, arrêtons-nous sur le seuil du temple avant que Spartacus n’arrive pour clore l’histoire, et que toutes les figures plus ou moins touchantes du roman ne disparaissent dans les brumes d’un symbolisme universel. Encore un roman qui finit par ce qu’il y a de plus froid au monde, l’allégorie, uni à ce qu’il y a de plus pompeusement vide, la théosophie humanitaire.

Ce serait vraiment abuser de l’évidence que d’insister davantage et de répéter longuement la même et triste épreuve sur le Meunier d’Angibault, où l’on voit, au commencement, un artisan héroïque, le grand Lémor, refuser la main d’une veuve patricienne qu’il adore, parce que la richesse est contraire à ses principes, et la riche veuve, à la fin du roman, se réjouir de l’incendie qui dévore son château, parce qu’elle voit tomber avec le dernier pan de mur qui lui appartient le dernier obstacle qui la séparait du socialisme et de son amant. Parlerons-nous du Péché de M. Antoine, dont le plus gros péché n’est pas, à mes yeux, d’avoir une aussi jolie fille que Gilberte, mais bien d’avoir rendu M. Boisguilbault le plus insupportable des hommes en lui enlevant sa femme. Tout le monde est plus ou moins communiste ici, dans le singulier monde où s’agitent les personnages du roman : M. Antoine, gentilhomme déchu ; Jean, le paysan philosophe; Janille, la servante; Emile Cardonnet, le jeune sage; M. de Boisguilbault, le vieux fou. Il n’y a que M. Cardonnet le père qui ne trempe pas dans l’idée nouvelle; mais aussi on a bien soin, comme si cela ne s’entendait pas de soi-même, d’en faire le type de l’industriel sans cœur, dont la froide brutalité fait mourir sa femme, et qui broie les idées comme les hommes sous la meule de son usine. Tout ce monde-là (toujours M. Cardonnet excepté) a les deux caractères obligés des personnages : l’héroïsme du cœur et l’argumentation intarissable. C’est à qui fera les plus belles actions et parlera le plus longtemps. La palme reste à M. de Boisguilbault.


III.

Déjà pourtant, à la même époque où le rêve humanitaire obsédait si cruellement cette belle imagination, il s’était fait en elle plus d’une révolte sourde contre la tyrannie des amitiés et des idées systématiques. Plus d’une fois elle avait osé, pour respirer le grand air des libres espaces, soulever un instant le joug de plomb qui l’écrasait. Entre le Meunier d’Angibault et le Péché de M. Antoine, ces deux grosses machines socialistes, elle avait donné au monde attentif et ravi une délicieuse idylle, la Mare au Diable, et préludé ainsi, par un petit chef-d’œuvre d’exquise chasteté et de poésie champêtre, à la nouvelle manière qui devait marquer pour elle une autre période, une période de renaissance. Bonheur inattendu ! Dans ces pages privilégiées, pas un mot de politique ni d’utopie. Rien qui divise, rien que de pudique et d’attendri, rien que de noble sans effort, de beau sans emphase, de touchant sans phrase! Un petit voyage de trois lieues, qui dure une nuit parce que l’on s’égare, une conversation plusieurs fois interrompue, reprise, quittée, entre le fin laboureur Germain, qui va chercher femme à Fourche, et la petite Marie, qui s’en va bergère aux Ormeaux ; deux personnages épisodiques, mais non étrangers à l’action, Petit-Pierre, qui voudrait bien avoir Marie pour seconde mère, et la Grise, une bonne et belle jument qu’on aime comme si elle était une personne, le bivouac improvisé sous les grands chênes et où la nuit se passe tout gentiment, pour Marie, à jaser et à dormir, pour Germain, à causer et à rêver, une émotion bien vite réprimée par le brave paysan devant tant d’innocence et de candeur, et, ce qui vaut mieux, un bon projet de mariage qui germe dans sa tête et qu’il remportera demain à la ferme, voilà tout; ce n’est rien, et ce rien restera dans notre littérature d’imagination parmi les œuvres accomplies, nées sous un rayon propice, et consacrées. La poésie est le talisman de M Sand; dès qu’elle y touche, la sympathie renaît et les mauvais rêves avec l’ennui s’enfuient.

Cette veine d’innocence et de poésie renouvelées devait porter bonheur à Mme Sand. Après s’être efforcée d’oublier M. Boisguilbault et son communisme dans les brillantes aventures de son Piccinino, elle revint avec amour à la veine d’or où elle avait déjà recueilli un trésor de grâce et de sentiment ; elle y puisa François le Champi. On eut peur en ouvrant le livre. On avait aperçu, parmi les premières lignes, quelques mots de funeste augure (je ne sais quelle théorie de la connaissance, de la sensation et du rapport qui est le sentiment), et l’on tremblait que M. P. Leroux n’eût répandu les lumières troublées de sa psychologie sur cette œuvre nouvelle. On se rassura bien vite. On respira en s’apercevant que cette page était absolument un hors-d’œuvre, une dernière concession à l’amitié. On respira, mais l’alerte avait été chaude. Il restait un roman berrichon de la tête aux pieds. George Sand avait plié son beau style à cette fantaisie du langage rustique, imité dans ses dernières finesses et saisi dans tout son naturel, pour raconter l’histoire de ce brave Champi, de la bonne Madelon, de leur bucolique amitié à l’ombre du moulin, amitié de mère de la part de Madelon, amitié de fils de la part de Champi, mais qui se change avec les événemens et les années en une tendresse bien vive et qui les mène, l’un donnant le bras à l’autre, jusqu’à l’église du village, avec le petit Jeannie derrière eux, souriant de son plus fin sourire (ne faut-il pas bien souvent un Ascagne enfant dans les romans de village comme dans les poèmes épiques, pour servir de prétexte aux premières effusions de l’amour naissant?). Mais pendant que se déroulait cette épopée tranquille dans le feuilleton du Journal des Débats, au moment même où le roman arrivait à son dénoûment, un autre dénoûment, qui fit beaucoup de tort au premier, nous dit Mme Sand, trouvait sa place dans le premier Paris dudit journal. C’était la révolution de 1848.

La crise fut vive pour Mme Sand. L’émotion de la première heure faillit arrêter la renaissance de son talent et couper brusquement, la veine nouvelle. Des amitiés exigeantes, arrivées au pouvoir, faillirent compromettre cette plume exquise dans les violences de la polémique : les Lettres au peuple et des Bulletins du ministère de l’intérieur, voilà ce qui remplaça, pendant quelques mois, les fables charmantes dont elle s’enchantait la veille et dont elle nous enchantait tous, il fallut l’insurrection terrible de juin pour rompre le charme et affranchir l’imagination devenue captive. « C’est à la suite de ces néfastes journées, dit-elle, que, troublée et navrée jusqu’au fond de l’âme par les orages extérieurs, je m’efforçai de retrouver dans la solitude, sinon le calme, au moins la foi... Dans ces momens-là, un génie orageux et puissant comme celui de Dante, écrit avec ses larmes, avec sa bile, avec ses nerfs, un poème terrible, un drame tout plein de tortures et de gémissemens. De nos jours, plus faible et plus sensible, l’artiste, qui n’est que le reflet et l’écho d’une génération assez semblable à lui, éprouve le besoin impérieux de détourner la vue et de distraire l’imagination en se reportant vers un idéal de calme, d’innocence et de rêverie. Dans les temps où le mal vient de ce que les hommes se méconnaissent et se détestent, la mission de l’artiste est de célébrer la douceur, la confiance, l’amitié, et de rappeler ainsi, aux hommes endurcis ou découragés, que les mœurs pures, les sentimens tendres et l’équité primitive, sont ou peuvent être encore de ce monde. Les allusions directes aux malheurs présens, l’appel aux passions qui fermentent, ce n’est point là le chemin du salut; mieux vaut une douce chanson, un son de pipeau rustique, un conte pour endormir les petits enfans sans frayeur et sans souffrance, que le spectacle des maux réels, renforcés et rembrunis encore par les couleurs de la fiction. » Ces lignes sont écrites au-devant de la Petite Fadette, comme un adieu à la politique orageuse, et un engagement, pris à demi-voix, de s’en tenir désormais à des rêves plus doux. La Petite Fadette fut le premier gage de la réconciliation de George Sand avec son génie. Dans ces années inquiètes, dans ces heures incertaines dont chacune apportait un péril ou une menace, une discorde nouvelle entre les chefs des partis et un frémissement des masses, avec quelle joie on échappait aux anxiétés de cette vie précaire en suivant Mme Sand dans les traînes fleuries, vers la rivière qui s’endort là-bas, sous les branchages ! que de larmes mêlées de sourires, un peu par contraste avec les événemens, firent couler l’amitié des deux bessons de la Bessonnière, la jalousie du Sylvinet, la tendresse étonnée d’abord, bientôt émue et vive, du beau Landry pour la Fadette, la gentillesse croissante de la Fanchon, transformée par le charme magique d’un amour vrai ! Ce fut un succès de grâce renaissante. Les plus beaux jours du talent étaient revenus, l’émotion publique les reconnaissait et les saluait. C’est à la même source d’inspiration champêtre qu’il faut rapporter quelques œuvres, plus voisines de nous par le temps, comme les Maîtres sonneurs, un récit bien original, et les Visions de la nuit dans les campagnes, piquante fantaisie d’une imagination qui aime à traduire les naïves terreurs, les superstitions et les légendes, non sans s’émouvoir elle-même de ces jeux de la peur, qui sont la poésie de minuit et le drame nocturne des champs.

Vers cette époque, la passion du théâtre, qui avait été très vive chez Mme Sand, se réveilla avec une force nouvelle. L’effort infructueux de Cosima avait irrité cette passion plus encore qu’elle ne l’avait découragée. Gabrielle, les Sept cordes de la lyre, les Mississipiens avaient été comme un spectacle idéal que Mme Sand avait donné à son imagination. Dans sa studieuse retraite de Nohant, sa récréation la plus chère, avec ses enfans et ses amis, était, nous le verrons plus tard, un théâtre de fantaisie, où chacun, sur un scénario préparé d’avance, apportait la verve improvisée de son esprit ou la malice piquante de sa raison, sa mélancolie ou sa gaîté. — En 1849, elle fit jouer sa comédie pastorale de François le Champi. Nous ne la suivrons pas longuement dans cette voie nouvelle, dans laquelle l’auteur ne rencontrera jamais un succès égal à son mérite, à son effort, à son visible désir de bien faire. Le tour particulier de son talent, amoureux de l’analyse et de la poésie, ne lui profitait pas ici autant qu’ailleurs. Ce qu’il faut, au théâtre, c’est la science du relief, l’instinct de la perspective, l’habileté des combinaisons et surtout l’action, encore l’action et toujours l’action ; c’est la gaîté naturelle qui enlève le rire, ou le secret des émotions fortes et l’imprévu qui saisissent l’esprit. L’action vive et rapide n’était pas le fait de Mme Sand. Ni l’esprit dramatique, ni la vis comica ne se rencontrent chez elle. Son théâtre manque de relief; les formes trop simples et trop nues de son art, son habitude des analyses délicates et des sentimens fins, le style même, d’une prodigieuse facilité, mais un peu prolixe et parfois un peu déclamatoire, qui tantôt ne brille que par une simplicité savante et tantôt s’illumine de l’éclair lyrique, mieux à sa place dans un roman, voilà autant d’obstacles à sa popularité sur la scène. Quoi qu’il en soit, pendant de longues années, dans la dernière période de sa vie, depuis François le Champi et le Mariage de Victorine (1851) jusqu’au Marquis de Villemer (1864), Mme Sand fut, avec un succès inégal, passionnément occupée de son théâtre.

Elle sentait très vivement chez les autres, elle appréciait ce don du théâtre qu’elle fit tant d’efforts pour acquérir et pour imposer au public. Quoi qu’on en ait dit plus tard, elle n’y réussit jamais complètement. Nous avons cependant assisté à des reprises récentes de quelques-unes de ses pièces, un peu trop vite abandonnées autrefois, et qui ont été très bien accueillies par un public nouveau; nous venons d’applaudir[5] à cette jolie comédie romanesque, les Beaux Messieurs du Buis-Doré, et à ce drame sentimental, Claudie, qui a réussi, malgré le ton de prédication suranné du père Rémy. Je suis assuré qu’on pourrait faire la même et heureuse épreuve sur d’autres pastorales mises au théâtre, comme François le Champi ou des drames voués à l’étude des âmes d’artistes, comme Maître Favilla. Il faut tenir compte d’un mouvement de réaction très marqué qui s’opère dans les esprits en faveur du théâtre idéaliste, pour comprendre ce genre de succès qui fait honneur au public lettré. Malgré cela et quelques autres raisons tirées du charme sentimental de l’écrivain tardivement retrouvé, on peut dire que George Sand ne réussit que deux fois, d’une manière durable, au théâtre : dans le Mariage de Victorine et dans le Marquis de Villemer. Encore est-il juste de dire que ces deux fois elle avait eu deux précieux collaborateurs : pour la première pièce, Sedaine; pour la seconde, Dumas fils.

Pendant cette période disputée au roman et en partie usurpée par des tentatives dramatiques. Mme Sand n’abandonnait pas la voie que lui montrait sa vraie vocation.


IV.

Elle donnait successivement des romans du genre historique, comme les Beaux Messieurs du Bois-Doré, dont était sortie presque aussitôt la pièce du même nom ; cette étrange hallucination, ce rêve rétrospectif sur les amours et la religion antédiluviennes, qu’elle a intitulé Evenor et Leucippe ! quelques romans agréables, comme la Filleule, Adriani, Mont-Revêche, qui nous semblent particulièrement significatifs par la peinture très vive et très soignée des caractères, par la gracieuse variété des situations, par le mouvement de l’intrigue et surtout par le désintéressement très marqué de toute théorie sociale, le parti-pris de revenir à sa conception primitive du roman, pur de toute préoccupation étrangère[6].

Les bucoliques ne peuvent durer toujours. Elles avaient valu à Mme Sand un regain de succès et une popularité qui avait monté pendant quelque temps jusqu’au ton de l’enthousiasme ; on avait pu craindre un instant qu’elle ne s’attardât dans ces paysanneries qui l’avaient si heureusement affranchie de la haineuse politique. Aussi ce fut avec un grand plaisir qu’on la vit revenir à la véritable patrie du roman, la société tout entière, dans sa complexité infinie, aujourd’hui, mais pas pour longtemps, parmi les ouvriers de la Ville-Noire, hier dans le salon bourgeois et puritain des Obernay, avant-hier dans l’aristocratique boudoir de la vieille marquise de Villemer ou sur les montagnes de l’Auvergne.

Dans la longue série des œuvres qui couronnent d’une flamme vive encore, bien que par instans pâlissante, les derniers travaux de George Sand, deux surtout méritent de fixer l’attention et l’attendrissement de la postérité, Jean de la Roche et le Marquis de Villemer. Je viens de relire ces deux romans, et je suis retombé sous le charme d’autrefois. Je l’ai senti presque aussi vif et pénétrant. Combien y en a-t-il, parmi les œuvres de pure imagination, qui résistent à l’épreuve d’une seconde journée, quand elles ont perdu pour nous l’attrait de l’inconnu et cette première fleur de la nouveauté, souvent si fragile et si artificielle ?

Ces deux œuvres sont de la meilleure manière de George Sand, avec le progrès que l’expérience la plus délicate de la vie a pu apporter dans les conceptions primitives de son art, sans que l’âge ait refroidi l’inspiration. Le sujet de Jean de la Roche est peut-être le plus original et le plus simple. Il n’échappe pas à la poétique du genre, qui condamne tout roman à n’être, plus ou moins, que l’histoire d’un amour malheureux. Ce sera donc encore l’éternelle lutte de l’amour contre les obstacles qui l’entourent à chaque pas et le détournent de son but. Mais la nouveauté est ici dans la nature de l’obstacle. Jean de la Roche est d’une naissance au moins égale à celle de miss Love ; sa fortune est convenable, et M. Butler, grâces à Dieu, n’a rien de commun avec les pères barbares qui remplissent les romans et les drames des éclats de leur colère. Quand tout semble conspirer au bonheur de cet amour partagé et béni, d’où vient donc l’obstacle? D’où jaillira la source des larmes? Miss Love a pour frère un enfant, un terrible enfant, qui, voyant que sa sœur va se marier, tombe dans une sorte de désespoir. Il est jaloux à sa manière, chastement, mais maladivement jaloux. Sa langueur silencieuse et obstinée, une fièvre nerveuse, des rechutes terribles, voilà tout le nœud du roman. L’enfant est jaloux jusqu’à en mourir, et comme elle l’adore, comme elle est le sacrifice même, celui qui garde le sourire aux lèvres, sans hésiter elle immole ses plus chères espérances. L’analyse de cette passion étrange d’un enfant fait l’originalité de ce roman. Ce n’est plus de vive lutte que l’on peut enlever un obstacle de cette nature; il faut des soins et des ménagemens infinis pour traiter cette maladie de l’âme qui menace à chaque instant d’emporter une vie fragile; il faut surtout une résignation gaie et le plus difficile courage, celui qui ne craint pas de se mesurer avec le temps et d’attendre, presque sans espérance, un changement invraisemblable. A travers quels incidens variés un art ingénieux conduit l’intérêt, le soutient en le graduant et le variant sans cesse, comment tout se démêle enfin sous la main délicate de l’auteur, comment l’épreuve de ces deux âmes vaillantes se termine et se consacre par un bonheur qui n’est que le résultat naturel et comme l’œuvre de leurs généreuses qualités, voilà où se marque le talent renouvelé de l’auteur. La dernière partie du roman, la rencontre de Jean de la Roche, déguisé et méconnaissable, avec la famille Butler, une excursion très pittoresque au mont Dore, qui lui fournit l’occasion de s’assurer si on l’aime encore après cinq longues années d’absence et de malentendu, le repentir tardif de Hope Butler, l’expiation qu’il offre pour le mal déjà fait, mais qui, dans l’enfant devenu jeune homme, garde encore son caractère étrange et maladif, ces dernières scènes, si naturelles et si bien préparées en même temps, achèvent l’émotion du lecteur.

Nous ne raconterons pas le Marquis de Villemer, popularisé par le théâtre aussi bien que par le roman. Bien des fois déjà, on avait vu le drame ou le roman aux prises avec des données analogues. Ni dans la littérature anglaise, ni dans la nôtre, l’histoire de l’institutrice ou de la demoiselle de compagnie n’est nouvelle. Mais ce qui est nouveau ici, c’est l’analyse des personnages, tracés avec autant de netteté que d’élégance; c’est surtout l’abondance et la variété des plus charmans détails d’intérieur. Quels piquans entretiens que ceux de Caroline de Saint-Geneix avec la vieille marquise, une personne compliquée, faussée par l’abus des relations sociales, incapable de vivre seule, incapable même de penser quand elle est seule, mais esprit charmant dès qu’elle est en communication avec l’esprit d’autrui, et dont la jouissance unique en ce monde est la conversation, qui lui rend le grand service d’activer ses idées, de les rendre gaies par le mouvement, de la tirer hors d’elle-même ! Ce qui frappe le lecteur, c’est le grand air qui règne d’un bout à l’autre de ce charmant récit, c’est l’attitude et le ton de la vie aristocratique, si naturellement pris et si naturellement gardé dans tout ce roman. On n’a pas assez remarqué ce caractère de l’esprit de Mme Sand dans ses anciennes œuvres. La démocratie des idées a fait illusion et donné le change sur l’habitude et l’allure de ce style, qui n’est jamais mieux à sa place que dans les peintures de la haute vie, où il excelle sans effort, où il se meut avec une aisance merveilleuse. Que l’on compare, sur ce point, avec Balzac ! quelle supériorité aisée chez George Sand!

C’est le caractère des esprits vraiment supérieurs de se continuer sans se répéter et de savoir se renouveler. Toutes les œuvres de la dernière période ne méritent pas cependant le même éloge. Il arrive à l’auteur d’y faire sentir quelques traces de fatigue, dont la plus marquée est une prolixité qui ne s’arrête plus dans les derniers romans et que combattent en vain quelques traits d’analyse morale et quelques pages de description saisissante. Il n’en reste pas moins vrai que c’est un prodige de fécondité que cette vie littéraire de Mme Sand, vue dans son ensemble, enchantant de ses fictions ou troublant de ses rêves quatre ou cinq générations, à travers tant de catastrophes publiques ou privées, presque toujours égale à elle-même, mais n’ayant jamais dit le dernier mot de son art, déconcertant à chaque instant la critique, qui croit l’avoir enfin saisi, lui réservant toujours de nouvelles surprises, tandis qu’autour d’elle, et sur la route qu’elle a parcourue, se sont amoncelés tant de ruines intellectuelles, tant de débris, de talens incomplets, frappés ou d’impuissance ou de ridicule et, dans leur infatuation, ne s’apercevant même pas qu’ils ont cessé d’exister.

Dans l’intervalle des romans, qui étaient l’œuvre principale de sa vie, elle trouvait le temps de se mêler activement, même sous forme littéraire, de la vie des autres, soit qu’elle racontât toute sorte d’histoires à ses petits enfans, le Château de Pictordu, la Tour de Percemont, le Chêne parlant, les Dames Vertes, le Diable au champ, toutes les variétés des contes d’une grand’mère, où se montre une imagination intarissable, soit qu’elle écrivît d’une plume négligente sur le bord de la table de famille ses impressions un peu vagues sur la littérature du jour, soit enfin que plus tard, sous le coup des émotions les plus vives, à la date de l’année terrible, elle retraçât dans le Journal d’un voyageur pendant la guerre les angoisses publiques, les douleurs et les inquiétudes privées dans un style attristé, mais viril, tout vibrant de patriotisme. Le reste de cette vie prodigieusement active, s’il pouvait y avoir encore un excédent de minutes libres dans des journées si occupées, était la partie réservée à une Correspondance infatigable, qui était comme le complément tenu au jour le jour de cette biographie commencée sur une large échelle, l’Histoire de ma vie, remontant beaucoup trop haut dans la biographie de sa famille, arrêtée trop tôt, où abondent les pages les plus curieuses, d’autres tout simplement exquises, comme le récit du séjour au couvent des Anglaises.

Et dans cette nomenclature rapide, que d’œuvres nous omettons, que de petits chefs-d’œuvre nous laissons dans l’ombre!

Nous avons essayé de faire l’histoire des œuvres de George Sand. C’est quelque chose comme la biographie de son talent, réparti en quatre périodes : la première (1831-1840), qui est celle du lyrisme personnel, où les émotions contenues pendant une jeunesse solitaire et rêveuse éclatent dans des fictions brillantes et passionnées; la seconde (1840-1848), où l’inspiration est moins personnelle et où l’auteur s’abandonne à l’influence des doctrines étrangères, c’est la période du roman systématique; la troisième (1848-1860 environ), qui se marque par une lassitude visible des théories, par une tendance à un genre simple, naïf et vrai, par le triomphe de l’idylle et par la recherche passionnée d’une forme nouvelle du succès, le succès au théâtre ; la dernière, qui embrasse toute la fin de cette vie si féconde (1860-1876), et que signale un retour au roman de la première manière, mais où la flamme est tempérée par l’expérience, parfois même amortie par l’âge, quelque peu languissante en dépit de chefs-d’œuvre qui subsistent et semblent protester contre cette impression par la vigueur toujours jeune et la pureté de l’inspiration.


  1. Avant de mourir, M. Caro avait eu le temps de mettre la dernière main, pour la collection des Grands Écrivains français, que publie la librairie Hachette, à une biographie de George Sand, qui doit prochainement paraître. C’est un fragment de cette étude que nous sommes heureux, grâce à l’obligeance de Mme Caro, de pouvoir communiquer à nos lecteurs, et nous ne doutons pas qu’ils n’y trouvent avec nous de quoi renouveler leurs regrets d’une perte dont les lettres ne se consoleront pas aisément.
  2. Histoire de ma vie.
  3. Citons les dates des principaux romans : en 1832, Indiana, Valentine; en 1833, Lélia ; en 1834, les Lettres d’un voyageur et Jacques; en 1835, André et Leone Leoni; de 1833 à 1838, le Secrétaire intime, Lavinia, Metella, Mattea, la Dernière Aldini. Mauprat fut écrit à Nohant en 1836, au moment où elle venait de plaider en séparation. Ces rapprochemens éclairent la pensée de l’auteur.
  4. Le roman russe nous a montré souvent, dans ces derniers temps, ce type d’une Yseult nihiliste. En France, ce type est resté une fiction.
  5. Mai 1887.
  6. Citons encore, mais sans nous arrêter, la Daniella, un roman très romanesque ; Narcisse, les Dames Vertes, l’Homme de neige, Constance Verrier, la Famille de Germandre, Valvèdre, la Ville-Noire, Tamaris (1862), Mademoiselle de La Quintinie (1863), la Confession d’une jeune fille (1864), Monsieur Sylvestre, le Dernier amour, Cadio (1867), Mademoiselle Merquem, Pierre qui roule, le Château de Pictordu, Flamarande, etc. ; puis les Légendes rustiques, Impressions et souvenirs. Autour de la table, les Contes d’une grand’mère, etc.