Gaspard de la nuit (éd. 1920)/L’Office du soir
VI
L’OFFICE DU SOIR
- Quand, vers Pâques ou Noël, l’église, aux nuits tombantes,
- S’emplit de pas confus et de cires flambantes.
Trente moines, épluchant feuillet par feuillet des psautiers aussi crasseux que leurs barbes, louaient Dieu et chantaient pouilles au diable.
— « Madame, vos épaules sont une touffe de lys et de roses. » Et comme le cavalier se penchait, il éborgna son valet du bout de son épée.
— « Moqueur, minauda-t-elle, vous jouez-vous à me distraire ? — Est-ce l’Imitation de Jésus que vous lisez, Madame ? — Non, c’est le Brelan d’Amour et de Galanterie. »
Mais l’office était psalmodié. Elle ferma son livre et se leva de la chaise. — « Allons-nous-en, dit-elle ; assez prié pour aujourd’hui ! »
Et moi, pèlerin agenouillé à l’écart sous les orgues, il me semblait ouïr les anges descendre du ciel mélodieusement.
Je recueillais de loin quelques parfums de l’encensoir, et Dieu permettait que je glanasse l’épi du pauvre, derrière sa riche moisson.