Gaspard de la nuit (éd. 1895)/L’Heure du Sabbat
XI
L’HEURE DU SABBAT
C’est ici ! et déjà, dans l’épaisseur des
halliers, qu’éclaire à peine l’œil phosphorique
du chat sauvage tapi sous les
ramées ;
Aux flancs des rocs qui trempent dans
la nuit des précipices leur chevelure de
broussailles, ruisselante de rosée et de
vers luisants ;
Sur le bord du torrent qui jaillit en
blanche écume au front des pins, et qui
bruine en grise vapeur au front des
châteaux ;
Une foule se rassemble innombrable,
que le vieux bûcheron attardé par les sentiers,
sa charge de bois sur le dos, entend
et ne voit pas.
Et de chêne en chêne, de butte en
butte, se répondent mille cris confus, lugubres,
effrayants : « Hum ! hum ! —
Schup ! schup ! — Coucou ! coucou ! »
C’est ici le gibet ! — Et voilà paraître dans la brume un juif qui cherche quelque chose parmi l’herbe mouillée, à l’éclat doré d’une main de gloire.