Galerie des dames françaises distinguées dans les lettres et les arts/Texte entier
DES
DISTINGUÉES
ANCIENNE MONARCHIE ;
EMPIRE; — RESTAURATION ; —
ÉPOQUE ACTUELLE.
de 40 portraits, gravés au burin par nos meilleurs artistes,
d’après les tableaux peints par
Prud’hon, Gérard, Girodet, Ingres, Isabey, Hersent, Ary Scheffer, Gavarni, Devéria, Boilly,
Heim ; Mesdames Jasert, Lescot, Lebrun, etc.
accompagnés
DE NOTICES LITTÉRAIRES ET HISTORIQUES.
PORTRAITS (CONTENUS DANS CE VOLUME) :
de madame de Staël, — de madame la duchesse de Duras ; — de madame de Rémusat ; —
de madame la duchesse d’Abrantès ; — de madame de Souza ; — de madame Guizot (née
Pauline Meulan) ; — de madame Sophie Gay ; — de madame Campan ; — de madame
Cottin ; — de madame Dufresnoy ; — de madame Montolieu ; — de madame Gail ; — de
madame de Genlis ; — de madame le Prince-de-Beaumont ; — de madame la princesse
de alm, — de madame Roland ; — de madame Émile de Girardin ; — de Mlle Bertin ; —
de madame Desbordes-Valmore ; — de madame Amable Tastu ; — de madame Ancelot ;
— de madame Sophie Pannier ; — de madame Victoire Babois ; — de madame Haudebourt-Lescot ;
— Mlle Mayer ; — madame Benoist ; — Mlle Elisa Mercœur ; — madame
de Baür ; — madame de Beaufort-d’Haupoul ; — madame Perié-Candeille ; — madame
Élise Voyart ; — madame Lebrun, — etc.
(Cet ouvrage n’est délivré au Journal que comme prime pour un abonnement.)
PARIS,
CHEZ DUSSILLON, ÉDITEUR,
RUE LAFFITTE, 40.
Et au bureau de l’ÉCHO DE LA PRESSE (ou GAZETTE DE LA VILLE ET DE LA CAMPAGNE, paraissant
tous les cinq jours, à 30 fr., et avec primes littéraires gratuites), rue Thérèse, 11
RENÉE DE FRANCE.
Renée, fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, est née à Blois le 24 octobre 1510. Après avoir été fiancée à plusieurs princes puissants, elle épousa Hercule d’Est, duc de Ferrare et de Modène. Cette union fut malheureuse : des prêtres attachés au service de Renée l’isolèrent de sa nouvelle famille. Les agitations et les dégoûts vinrent, et enfin cette princesse dut prendre le parti de se confiner dans la retraite ; c’est là que cette femme remarquable fit le bien qui recommande son nom. Elle mourut à Montargis le 15 juin 1575. C’était une femme très-distinguée ; son esprit était français, vif et cultivé ; ses trails offraient
l’empreinte d’un caractère patient et doux.
MARGUERITE DE PROVENCE,
Marguerite était fille de Raymond-Bérenger III, comte de Provence. Elle épousa Louis IX, qu’elle suivit en Palestine. C’était une très-jolie personne et une sainte. Tous ses sentiments étaient élevés ; lorsque le roi tomba au pouvoir des infidèles, elle fit jurer à un vieux chevalier de lui couper la tête plutôt que de la laisser entre leurs mains. — « Madame, lui dit-il, j’y pensais ; — vous seriez obéie. » — Elle accouche trois jours après, et sortit de Damiette avant la reddition de cette place. Elle revint en France après la mort du roi ; elle était son conseil intime et le plus ferme ; cependant elle ne voulut jamais se mêler directement des affaires publiques. Elle mourut à Paris en 1295.
JEANNE LAISNÉ.
Cette personne intrépide est connue sous le nom de Jeanne Hachette. Elle rendit à Louis XI le service qu’il aurait pu attendre d’un capitaine habile ; elle sauva la ville de Beauvais des mains des Bourguignons, qui étaient venus l’assiéger tout à coup, au moment où elle manquait de garnison et n’avait plus que ses habitants pour se défendre. — Le duc de Bourgogne, Charles-le-Téméraire, vint devant Beauvais en juin et juillet 1472. Tout le monde prit part au combat ; les filles, les femmes secondèrent leurs frères, leurs époux. Le 9 juillet, au moment de l’assaut, Jeanne Laisné, à la tête d’un groupe de femmes, arracha un étendard des mains de l’ennemi ; cet exploit électrise tous les cœurs ; Jeanne fit des prodiges d’héroïsme. Elle se maria sous la protection du roi, le 22 juillet 1473, avec Jean Pilon. — Ses traits étaient distingués, son regard résolu et inspiré. La tradition n’a guère conservé d’autres détails que ceux-ci.
CLÉMENCE ISAURE.
Clémence Isaure descendait d’Isaure Torsin, un des premiers comtes de Toulouse. Elle vécut vers la fin du quatorzième siècle ou vers le commencement du quinzième. Elle consacra sa fortune, que quelques pertes amoindrirent ensuite, à l’encouragement des lettres. Ce fut elle qui fonda les prix de l’Académie des Jeux-Floraux. On l’honora au seizième siècle, en mémoire de la protection qu’elle accorda aux lettres, d’une statue en marbre blanc. En 1557, cette statue fut portée dans l’une des salles de l’Hôtel-de-Ville, et le 3 mai de chaque année on la couvrait de fleurs. Parmi ses panégyristes, Clémence Isaure compte Lefranc de Pompignan et Victorin Fabre. Elle était belle et très-spirituelle. Le souvenir de son esprit a été long-temps très-vif dans le midi de la France.
Mme DE MOTTEVILLE.
Elle était fille d’un gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et descendait, par sa mère, d’une antique maison espagnole. Elle fit naître, pendant quelques années, comme dame d’honneur d’Anne d’Autriche, des inquiétudes dans l’esprit du cardinal de Richelieu, qui l’écarta de la cour. Après la mort de Louis XIII, elle fut rappelée par la reine-régente, et ne la quitta plus. Madame de Motteville mourut le 29 décembre 1683 ; elle est auteur de mémoires charmants sur l’époque d’Anne d’Autriche, qui resteront dans nos bibliothèques parmi les ouvrages qui témoignent du charme, du naturel et de l’élégance de l’esprit national. Madame de Motteville était sans ambition, sans intrigue ; elle a été aimée de deux reines, d’Aune d’Autriche et d’Henriette de France, femme de Charles Ier d’Angleterre.
Mme DE LA SUZE.
Madame de La Suze, comtesse Henriette de Coligny, est née à Paris en 1618 et y est morte en 1673. C’était une des plus jolies personnes de son temps ; elle s’est signalée par ses aventures, la piquante finesse de son esprit, sa grâce, ses mots spirituels et même ses vers. Ses contemporains l’ont extrêmement célébrée. Elle avait été mariée d’abord, mais peu de temps, au comte Hadington. Le comte mourut, et elle épousa M. de La Suze. Elle s’en sépara quelques années après.
Mme DE LA VALLIÈRE.
Elle se nommait Louise-Françoise de Labeaume ; elle était née en Touraine, en 1644, d’une famille originaire du Bourbonnais. À la cour, elle fut d’abord dame d’honneur d’Henriette d’Angleterre. Pendant deux ans elle fut le sujet charmant de tous les hommages. Sa prospérité se ternit vite ; elle rencontra une impérieuse rivale , et eut à souffrir tout de suite de sa tyrannie ; enfin, à trente ans, elle résolut de quitter le monde. Madame de La Vallière s’était déjà retirée à plusieurs époques, sans doute avec une pensée de pénitence, chez les Carmélites de Chaillot. Il fallait que madame de La Vallière eût un sujet d’affection exclusive. — « C’était, dit Voltaire, une de ces âmes tendres auxquelles il faut des sentiments vifs et profonds. » — On a dit que La Fontaine songeait à elle quand il écrivit ce vers qui la peint d’une manière si heureuse :
C’est la grâce plus belle encor que la beauté.
Elle mourut le 6 juin 1710. Ses yeux étaient bleu-tendre et d’un charme inexprimable. Suivant Saint-Simon, elle boitait très—légèrement, mais on ne le remarquait pas d’abord.
Mlle DE L’ESPINASSE.
Julie-Jeanne-Éléonore de Lespinasse naquit à Lyon en 1732. Ses parents ne sont pas connus. On a écrit qu’ils appartenaient à une famille distinguée. Mademoiselle de Lespinasse, douée d’un esprit fin et aimable, y joignait une âme de feu ; ces deux qualités brillent dans les deux charmants chapitres qu’elle a ajoutés au Voyage sentimental de Sterne, et dans toutes ses Lettres. Il en a été publié deux volumes écrits avec une heureuse vivacité d’imagination. Son travail sur les synonymes révèle un esprit distingué, sûr des différences qu’il indique, apte à les séparer par des définitions claires et délicates.
Mademoiselle de Lespinasse est arrivée à Paris en 1764. Elle se trouva d’abord presque sans ressources ; elle demanda asile à un couvent où elle eut ensuite un instant la pensée de prendre le voile. Madame Dudeffant, sur ces entrefaites, fit sa connaissance. La vieille sceptique changea les résolutions de la jeune fille ; c’est alors que mademoiselle de Lespinasse vint s’établir auprès de ce judicieux mais froid bel esprit. Elle fut aimée très-vite dans cette société ; tout le monde y fut bientôt sous le charme de son esprit facile et romanesque. Cette circonstance affaiblit sa liaison avec sa capricieuse protectrice. Cette liaison se rompit tout à fait au bout de dix ans, mais après bien des tracas.
Mademoiselle de Lespinasse avait de la grâce dans les traits, une grande mobilité ; son esprit, observateur et animé, recevait un secours frappant de sa physionomie spirituelle et pure. Tous ses sentiments étaient délicats, peut—être trop exaltés. Elle était généralement trop occupée des autres pour rencontrer le bonheur. Mademoiselle de Lespinasse, qui était très-aimée d’un jeune seigneur espagnol plein d’esprit, le comte de Mora, eut le chagrin de lui survivre. Ce chagrin détruisit sa santé et l’emporta deux années après. M. de Mora lui avait offert sa main.
Cette femme charmante est une de celles qui, dès leur jeunesse, ont honoré le salon français. Le salon, on le sait, était le principal théâtre de l’ancien régime. C’est là, dans des conversations rapides ; c’est au milieu des petits soupers que les opinions nouvelles se fixaient. Les femmes y tenaient l’école du savoir—vivre, et leur exemple, les traditions élégantes que conservaient les plus âgées, les rendaient l’objet de l’empressement de toute la jeunesse distinguée ; c’est sous leur influence qu’une bonne éducation s’achevait. Mademoiselle de Lespinasse mourut le 23 mai 1776, à quarante
quatre ans.
Mme COTTIN.
Madame Cottin (Sophie Restaud) est née à Tonneins en 1773 ; elle a été élevée à Bordeaux. — Sa mère était une femme éclairée ; elle remarqua la vivacité de son esprit et le cultiva. L’étude fut le grand plaisir de la jeunesse de madame Cottin ; la modestie voilait, dans le monde, sa brillante imagination. On n’eût pas pensé d’abord, en l’écoutant, qu’elle devait, quelques années après, créer ces fictions si brillantes de Malvina et de Mathilde. Elle fut mariée à dix-sept ans à l’un des plus riches banquiers de Paris. On cita tout de suite sa bienfaisance. — Veuve à vingt ans et privée de sa grande fortune, elle ne la regretta qu’à cause du bien qu’elle ne pouvait plus faire au même degré. — Madame Cottin se retira dans une solitude profonde. Ce n’est qu’avec une extrême inquiétude qu’elle publia son premier ouvrage, Claire d’Albe. Elle est morte jeune encore. Sa figure n’était pas jolie, mais l’expression en était agréable et très-piquante.
Mathilde est le chef-d’œuvre de cet esprit habile et élégant.
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Mme CAMPAN.
Mme ROLAND.
Mme LE PRINCE DE BEAUMONT.
SOPHIE GAY.
Il y a de longues années que cette dame honore la littérature. Elle est auteur de plusieurs romans ; l’un d’eux, Anatole, est un chef-d’œuvre comme drame, style, comme art de peindre les sentiments intimes. Aucune femme n’a en plus de tact, de grâce, d’élégance et de vivacité d’esprit. — La place de madame Gay est à côté de madame de Tencin. Anatole est un diamant de la valeur de Mademoiselle de Clermont. L’intérêt qui l’anime était peut-être plus difficile à soutenir, car une infirmité physique comme celle du principal personnage prête moins aux effets dramatiques qu’une rapide succession de scènes de la cour ou du monde. Madame Gay a porté, à travers les difficultés les plus délicates, les plus neuves, ce même intérêt à son comble. — Anatole, — les Malheurs d’un amant heureux sont des livres qu’on lit souvent et qu’on lira toujours. Page:Galerie des dames francaises distinguees dans les lettres et les arts.pdf/107 Page:Galerie des dames francaises distinguees dans les lettres et les arts.pdf/108
Mlle BERTIN
Ce n’est que depuis peu d’années que le nom de cette dame, d’un esprit si flexible et si distingué, est connu. — Elle est musicienne et poète, et le musicien gracieux et original s’est produit avant l’auteur de tant de poésies ingénieuses et suaves dont plusieurs resteront dans notre littérature. Ces pièces sont des imaginations charmantes de la tête et du cœur, — des élans, des esquisses rapides dont le trait distinctif est une pensée aimable, une rêverie d’artiste. Rien dans ce joli recueil ne se présente dans un cadre étendu ou sur un fort tissu, mais tout s’y offre, avec le caractère de la spontanéité, suivant les directions d’une pensée riche et élevée, avec ce coloris frais et capricieux qui est le cachet de la poésie légère, de la poésie appliquée à tous les sentiments de l’âme, à toutes les vues de l’esprit.
Mademoiselle Bertin est auteur de la musique d’un opéra joué avec un grand succès, il y a quelques années, à l’Académie royale de musique, paroles de M. Victor Hugo, la Esmeralda.
Mlle BERTIN.
Mme DESBOBDES-VALMORE.
Cet élégant poète élégiaque est né à Douai en 1784. Ayant perdu son père et sa mère à l’âge de quatorze ans, mademoiselle Desbordes entra au théâtre et y réussit. Elle débuta à Rouen, où elle fut accueillie avec une grande faveur. Quelque temps après elle fut admise à Feydeau, enrichit cette scène d’un talent fin et réfléchi. Le son de sa voix était ravissant, sa diction parfaite. Grétry appuya ses débuts. Madame Desbordes ne resta pas long-temps au théâtre ; car elle ne put pas supporter l’espèce de défaveur dont sa profession est si injustement frappée. Dans une de ses élégies, elle s’exprime ainsi :
Je n'ai pu supporter ce bizarre mélange
De triomphe et d’obscurité,
Où l'orgueil insultant nous punit et se venge
D'un éclair de célébrité.
Devenue madame Valmore par son mariage avec l’acteur tragique de ce nom, elle se livra tout entière à la poésie. Son premier ouvrage fut un Recueil d’élégies, de récits, dont une grâce naïve, un tour d’expression heureux, bien que singulier quelquefois, et une sensibilité pénétrante forment les caractères. Quelques années après elle publia les Veillées des Antilles et un second Recueil d’élégies, qui l’ont classée parmi nos premiers poètes. Madame Desbordes—Valmore, malgré sa réputation, n’avait point en part aux bienfaits du gouvernement jusqu’au moment où M. de Montmorency, nommé membre de l’Académie française, obtint du roi que les 1500 francs, attachés chaque année à ce titre, seraient offerts à cette dame distinguée ; madame Desbordes les accepta de la main de cet homme de bien illustre, que M. de Châteaubriand a nommé
le saint Duc.
Mme AMABLE TASTU.
Poète délicat, chatié, harmonieux, ses ouvrages sont intéressants et écrits avec un goût, une simplicité qui s’efl‘acent de plus en plus. Comme poète, ses œuvres sont plus élégantes et faciles que fortes et variées. Elle écrit aussi en prose d’une ma nière spirituelle. On reconnaît tout de suite en la lisant que c’est un esprit soigné et instruit. Un des premiers poèmes de madame Tastu, la Vcillée de N04%, est resté. C’est celui de ses
ouvrages qui révèle le plus Œoriginalité : les sentiments et le
style, tout est d’un habile écrivain.
Mme ANCELOT.
Portrait de Gigoux.
Cette dame si distinguée s’est fait connaître par quelques jo.
lis romans d’une observation délicate , par quelques comédies brillantes jouées avec succès au Théâtre-Français, et par plu sieurs vaudevilles touchants et spirituels. Madame Ancelot est aujourd’hui dans tout l’éclat de son esprit vif et ingénieux ; elle le sait monde , elle le copie avec vérité et finesse ; elle donne à tous les sujets qu’elle traite un intérêt, une élégance dont peu
d’écrivains possèdent constamment le secret.
Mme PANNIER (SOPHIE).
Madame Pannier est née à Paris le 8 juin 1793. Sa mère, madame Teissier, lui donna une éducation religieuse ; elle fut élevée chez les Ursulines. À quinze ans elle rentra dans sa famille. C’est à partir de ce moment qu’elle se livra avec ardeur à l’étude — Elle causa de bonne heure avec un grand charme, devint l’amie d’une jeune femme, douce et spirituelle, mademoiselle Bellart, qui modéra le feu de ses idées. Elle se maria à vingt-cinq ans. La chute de l’empire détruisit la prospérité du ménage. Son mari fut appelé par suite des événements à une place obscure en province. Madame Pannier essaya alors d’utiliser le travail de sa plume. Ses articles de journaux, animés, spirituels, réussirent ; un roman distingué, le Prêtre, lui donna quelque temps après un rang parmi les écrivains qui étaient l’appui et l’honneur des bonnes doctrines. Une suite d’ouvrages de ce genre signala son esprit et ses talents. En 1826 elle obtint à l’Académie française un des prix Monthyon.
Mme PANNIER (SOPHIE).
Mme VICTOIRE BABOIS.
TABLE DES MATIÈRES