Gaiete et Oriours
Armand Colin & Cie (tome 1p. 350).

Le samedi au soir, faut la semaine :
Gaiete et Oriours, serors germaines,
Main a main vont baignier a la fontaine.

Vente l’ore et li raim crollent :
Qui s’entraiment soef dorment !

L’enfes Gerars revient de la quintaine ;
S’a choisie Gaiete sor la fontaine,
Entre ses braz l’a prise, soef l’a ’strainte.

Vente l’ore…

« Quant avras, Oriours, de l’éve prise,
Reva toi en arrière, bien sés la vile :
Je remandrai Gerart qui bien me prise. »

Vente l’ore…

Or s’en va Oriours, triste et marrie ;
Des euz s’en va plorant, de cuer sospire,
Quant Gaie sa serour n’en meine mie.

Vente l’ore…

« Lasse, fait Oriours, com mar fui née !
J’ai laissié ma serour en la valée ;
L’enfes Gerars l’en meine en sa contrée. »

Vente l’ore…

L’enfes Gerars et Gaie s’en sont torné,
Lor droit chemin ont pris vers la cité ;
Tantost com il y vint, l’a espousé.

Vente l’ore…

(Bartsch, Romanzen und Pastourellen, I, 5.)

Traduction par Petit de Julleville


Le soir du samedi clôt la semaine :
Gaiete et Oriour, deux sœurs germaines,
Main à main vont baigner à la fontaine.
Le vent agite la forêt :
Que les amants dorment en paix !

L’enfant Gérard revient de la quintaine (tournoi) ;
Il aperçoit Gaiete à la fontaine.
Dans ses bras doucement il l’a étreinte.
Le vent…

« Quand tu auras, ma sœur, de cette eau prise,
Retourne sur tes pas, rentre à la ville :
Moi je reste à Gérard qui tant me prise. »
Le vent…

Or retourne Oriour, pâle et marrie :
Des yeux s’en va pleurant, de cœur soupire.
Voyant que sa sœur Gaie ne veut la suivre.
Le vent…

« Pour mon malheur, fait-elle, je suis donc née !
J’ai dû laisser ma sœur dans la vallée ;
L’enfant Gérard l’emmène en sa contrée. »
Le vent…

Gaie et Gérard se sont vite éloignés,
Ils ont pris leur chemin vers la cité ;
Les deux amants s’y sont tôt épousés.
Le vent….