Gérard et Delphine/La Porte rouge/2

Ernest Flammarion, éditeur (1p. 15-28).


II


La voiture qui avait amené Delphine disparut à un tournant, dans la direction de Montfermeil. Alors, Gérard entraîna la jeune femme. Ils étaient seuls, sur le pavé du roi. La vieille route s’en allait, déserte, entre ses deux files d’ormeaux argentés de lichen et caressés d’un soleil pâle. On voyait des bouquets de bois violets et roux, des chaumières, des jardinets clos de palissades, où des choux frisés gardaient, au creux de leurs gaufrures, des gouttes de rosée oubliées par l’aurore. Était-ce avril ou février ? Les oiseaux s’y trompaient sans doute, car ils jetaient de petits cris qui essayaient d’être un chant.

Gérard ne savait que répéter :

« Delphine !… Delphine !… »

Il froissait la pelisse de velours noir et le capuchon à demi rabattu sur le cher petit visage qu’il aimait. Elle était là, toute la douceur du monde, Delphine de Vauvigné. Elle était avec Gérard, et la journée qui leur était donnée, commençait à peine.

— Eh bien ? dit-elle, êtes-vous content ? Vous aviez prétendu que je ne pourrais jamais me rendre libre… Mais ce que veulent deux femmes le diable le veut. Mme Elliott a tout arrangé. L’Ogre et Truitonne sont absents, par extraordinaire…

L’ « Ogre », c’était M. de Vauvigné, et « Truitonne », Mme d’Aizy, le mari et la belle-sœur de Delphine.

— … Je suis partie de bonne heure, ce matin soi-disant pour passer la journée avec Grace. Elle m’a conduite, dans sa voiture, à la Porte Saint-Martin où le cabriolet de louage m’attendait. Et me voici. Maintenant, menez-moi vite aux Maisons russes… Que de cailloux sur cette route ! Il ne restera rien de mes souliers.

— Je voudrais vous porter dans mes bras, ma Delphine… Ce cher fardeau sur mon cœur !… Ah la joie m’étoufferait !

— Et vous me laisseriez choir.

La gaîté de Delphine, ce don d’enfance qui le faisait vivre si légèrement parmi les dangers d’une liaison encore innocente, éveillait au cœur de l’amant un écho d’inquiétude et de mélancolie.

— Qu’avez-vous donc ? Je donne le change à Truitonne et à l’Ogre. Je fais un grand voyage et je déchire mes souliers, tout cela pour M. le chevalier qui ne m’a même pas répondu, tout à l’heure, quand je lui ai demandé s’il était content… Ah ! c’est un monsieur d’humeur difficile ! Il ne sait que craindre et soupçonner, et se gâter l’heure présente en appréhendant l’heure qui viendra. Il regarde en arrière pour regretter la veille, en avant pour redouter le lendemain…

— Mon petit cœur, vous avez raison. Je suis un maussade compagnon, une bête à chagrin. Mais. ma Delphine, aurais-je pu, avant ce jour, me dire un amant heureux ? Séparé de vous, soucieux de ne pas vous nuire, privé de votre présence, réduit à vous écrire et à recevoir vos lettres par le truchement de Mme Elliott, me déchirant à cette pensée qu’un autre, votre maître…

— Assez, Gérard ! Ne me faites pas de peine. Oubliez ce que j’oublie.

— Est-ce le bonheur, cette vie, quand on aime comme je vous aime ?

Elle se serra contre lui, d’un mouvement passionné.

— Et ce que je vous apporte, ô le plus ingrat des hommes ! Est-ce le bonheur ?

Dans la chambre, il raviva le feu, et fit asseoir Delphine près du foyer.

Débarrassée de sa pelisse, elle était charmante, avec son bonnet de dentelle sur ses cheveux poudrés, son fichu de gaze, sa robe de taffetas rayé rose et gris. Dans les rouges reflets qui couraient sur elle, sa beauté parut vraiment lumière et flamme. Ses yeux brillaient, ses dents brillaient, et les bagnes de ses doigts et les cassures de la soie épaisse, étalée à larges plis. Le bois humide et qui sentait la forêt, étouffa sa flamme diminuée. Le jour cendré de la fenêtre régna dans la chambre où Delphine, tous reflets éteints, ne fut plus qu’une jeune figure pensive, coiffée d’un nuage d’argent, et vêtue aux couleurs de la tourterelle sauvage. Et c’était bien la même Delphine, le rire et le rêve, l’ardeur et la tendresse, une double nature en une seule femme, toute mystérieuse encore pour celui qui l’aimait tant et qui la con naissait si peu.

Dix-huit ans, un vieux mari, une petite fille de deux ans, une belle-sœur quinquagénaire, très spirituelle et très méchante, une grande fortune, tous les amusements qui remplacent les joies du cœur et de l’âme, peu de liberté, point d’amour, telle était la condition de Delphine quand elle avait rencontré, chez Mme Pourrat, le chevalier de Sevestre. Il s’était épris d’elle, parce qu’elle avait l’air d’une enfant et qu’il la croyait malheureuse. Quand il crut s’apercevoir qu’elle n’était pas malheureuse, il fut très vite déconcerté mais pas moins amoureux. En un temps et dans un monde où les époux vivaient chacun de son côté, et pratiquaient la tolérance réciproque, le vieux Vauvigné, homme d’esprit, ancien roué, avait une jalousie « : gothique ». Il n’enfermait pas sa jolie épouse dans une tour, bien au contraire ! Il lui permettait la comédie, les concerts, les raouts à l’anglaise, les courses en traîneau, et même le bal de l’Opéra. Mais il était toujours présent, ce vieux spectre, ou sa sœur, pire que lui, antique débauchée devenue duègne. La petite Delphine était leur bien, leur rosier fleuri, leur oiseau chantant, leur fraîche lumière, et le divertissement de l’ennui qui est le mal de la vieillesse. Une inquisition secrète s’exerçait sur ses moindres démarches, sur ses amitiés, sur sa correspondance. Elle le savait, et si elle en sourirait, elle en riait, car Delphine riait de tout. C’était la forme de son courage. Ses larmes même n’étaient que de la rosée sous un rayon. Elle cédait à sa nature qui était faite pour la joie et l’amour léger. Aucun scrupule moral ne la gênait, bien qu’elle fût née avec une âme droite et bonne. Gérard n’était même pas très sûr qu’elle détestât Vauvigné. Elle l’eût haï, disait-elle, s’il n’avait renoncé à vivre avec elle, comme un mari avec sa femme. Mais après la naissance d’Élisabeth, dite « Babiole », il avait cessé de s’imposer à Delphine. Et elle ajoutait naïvement : « Il est si vieux ! » Il n’était pas si vieux qu’elle le pensait, aux yeux des autres femmes, et même aux yeux de Gérard. On lui prêtait des débauches secrètes, chez la fameuse Gourdan. Delphine voulait ignorer ces vilaines choses. Elle ne les comprenait pas, et elle ne se souciait pas du tout de ce que faisait Vauvigné, pourvu qu’il la laissât dormir seule. Elle l’avait dit, tout cru, à Mme Elliott qui l’avait répété à Gérard.

Il avait mis longtemps à l’en croire. Il se rappelait ce que l’on dit couramment, entre jeunes officiers : « Toutes les femmes mariées jurent à leur amant qu’elles vivent comme des vierges, à côté de maris impuissants, ou indifférents. Admettons-le par politesse et aussi par commodité. » Mais Delphine n’était pas « toutes les femmes », et Gérard avait besoin qu’elle fût loyale et fidèle, pour ne pas la torturer et se torturer. L’horreur du partage physique lui avait donné la force de résister, deux ans, à sa passion, car il était de la race orgueilleuse et douloureuse des jaloux qui trouvent un supplice dans le plaisir adultère. « Saint-Preux, se disait-il, a pu revoir Julie mariée à M. de Wolmar. Je l’aurais fuie, au bout du monde. Ce qui a été à moi ne peut plus être qu’à moi… »

Les jeunes hommes de son temps, avaient de ces exigences sentimentales que ne comprenaient pas leurs aînés.

Comment admettre que Vauvigné ne fût pas jaloux ? Il l’était, disait Delphine, il l’était férocement, sous son air de bonhomie, mais à la façon d’un amateur de tulipes qui tuerait le voleur introduit par effraction dans son jardin. Jalousie de propriétaire. Elle est aussi puissante que la jalousie de l’amant. Il pouvait être méchant, Vauvigné, très méchant ! Il était capable d’enfer mer sa femme infidèle dans un noir couvent, ou de l’emmener à Saint-Domingue, où il possédait des sucreries et plus de mille nègres. Au fond, Delphine avait pour cet homme une espèce d’admiration, et le sentiment de l’écolier qui joue un bon tour à son maître. Elle était ravie de berner ses deux dragons, d’être, en dépit d’eux, aux Maisons russes, avec le charmant Sevestre qu’elle aimait.

S’il avait eu plus d’expérience, Gérard aurait senti qu’elle était venue sans autre pensée que celle d’une solitude à deux, tendre et joyeuse. Elle était novice aux hardiesses de la passion. Ses sens dormaient à demi. Elle était si jeune ! Mais Gérard aussi était très jeune, et ce qu’il y avait dans cette petite créature de pudeur et de désir mêlés, lui parut un jeu de coquetterie.

Il la pressait. Elle lui échappa. Elle se mit à voleter à travers la chambre, et elle se posa près de la table. Elle feuilleta les traités d’art militaire, le Macaulay, les poèmes anglais.

« Que je vous envie de lire et de parler l’anglais ! C’est tellement élégant ! »

Il n’avait pas étudié l’anglais pour être élégant. Il l’avait appris, en Amérique, lorsqu’il servait dans l’armée de La Fayette. Cette campagne outre-mer accroissait beaucoup son prestige auprès des jeunes femmes. L’Amérique, autant que l’Angleterre, était à la mode, et la mode, en France, est reine autocrate. Delphine était, par mode, une admiratrice de Washington et de Franklin, et elle donnait dans les nouveautés, comme un papillon de nuit dans un réverbère. Elle admirait pêle-mêle Jean-Jacques Rousseau et le chevalier de Parny, les insurgents et les lords, les Peaux-Rouges vertueux et les nègres opprimés.

Tout en aimant l’humanité, elle était sensible à l’héroïsme guerrier, et l’idée que Gérard avait combattu pour l’indépendance d’un peuple généreux, dans un pays qu’elle croyait tout sauvage, plein de Hurons peinturlurés, d’ours féroces et de crocodiles, ajoutait un plaisir de vanité à son amour.

— Que vous deviez être heureux de servir une grande cause !

— J’étais surtout charmé de quitter ma garnison. Sarrelouis, les chevau-légers, même avec mon cher ami François de Pange, cela ne valait pas la guerre et l’aventure. Quand le frère aîné de François, Louis de Pange, dut partir avec M. de Vioménil sur le Conquérant, il obtint que je fusse du voyage. C’était en mai 80. Je suis resté aux États-Unis jusqu’en 1783. Puis j’ai repris l’habit rouge jusqu’à ce que M. de Guibert supprimât les chevau-légers et mît les officiers en réforme. C’est alors que je vous ai connue.

— Vous ne le regrettez pas ?

— Pas aujourd’hui.

— Mais quelquefois…

— J’ai eu bien envie, quelquefois, de demander une commission pour un régiment dans les Indes, ou dans les Antilles.

— Pourquoi ?

— J’étais malheureux.

— Vous ne croyez pas que je vous aime ?

— Je le crois.

— Que voudriez-vous de plus ?

— Ce que je voudrais ?

Il cessa de rire et de jouer, et gravement :

— L’amour qui dure, ma chère âme… Vous toute à moi, pour toujours… Mais cela nous est défendu, et j’en souffre.

Il crut qu’elle allait pleurer, et se mit à l’embrasser comme un fou.

— Mon cœur, mon petit cœur, pardon ! Je suis heureux. Venez faire la dînette. Vous êtes la souris des villes invitée chez le rat des champs.

La table était si étroite que leurs genoux se touchaient. Ils burent au même verre, et Delphine dit à Gérard :

— Il faut chanter, parce qu’il n’y a pas de festin sans chansons… Mais mon répertoire convient seulement à des petites filles comme Babiole.

— N’importe ! L’amour est enfant.

— Et nous aussi, Gérard, nous sommes enfants, et c’est pourquoi nous sommes heureux. Aujourd’hui, je me sens toute pareille à celle que j’étais, chez ma grand’tante Couranges.

— Je vous rappelle votre grand’tante ! Merci beaucoup.

Cette idée les fit rire aux éclats. Delphine reprit :

— Ma grand’tante était une brave folle, qui ne croyait pas en Dieu, et qui croyait aux esprits. Il lui fallait quelqu’un, la nuit, pour chasser les revenants. Dans sa vieillesse, ce quelqu’un, c’était une femme de chambre ; dans sa jeunesse, c’était un chevalier de Malte, ou un abbé, ou un philosophe, pourvu qu’il fût solide et beau garçon Oh ! ça n’était pas une Maintenon, ma grand’tante ! Elle me faisait venir au salon quant elle recevait des amis. J’avais un corset serré comme ça !

Le geste accompagnait la parole.

— … Une coiffure haute…, comme ça ! Et je me tenais droite, comme ça ! Et je faisais la rêvérence, comme ça ! Et puis, je m’échappais. J’allais dans la lingerie, retrouver Mlle Bonne, une couturière à lunettes, toujours gaie, qui me racontait Peau d’Ane et l’Oiseau bleu, et m’apprenait des chansons de son village. Je crois bien que Mlle Bonne a faussé mon goût, parce que je n’a jamais pu aimer la mythologie. Les dieux, les déesses, les nymphes, je l’avoue à ma honte, ne me touchent point. Je n’aurais pas l’idée de com parer M. de Vauvigné à Jupiter, mais pour moi, c’est l’Ogre ; et mon affreuse belle-sœur, toute tachée de son, c’est la ridicule Truitonne.

— Et moi, Delphine, que serai-je ?

— Le fils du roi, le Prince Charmant.

— Et vous, qu’êtes-vous ?

— Je suis la Belle au Bois dormant que vous avez réveillée.

Il lui dit, tout ému de tendresse :

— Chantez, ma belle, chantez en l’honneur de nos amours !

Elle chanta d’une voix frêle qui s’envolait, comme un oiseau trop jeune, jusqu’aux notes les plus aiguës, sans s’y poser. Ses bras s’appuyaient à la table. Ses mains étaient croisées, sa tête un peu penchée de côté, et ses yeux devenaient doux et tristes.

        En revenant de noces,
        J’étais bien fatiguée.
        Au bord d’une fontaine,
        Je me suis reposée…
  Il y a longtemps que je l’aime…
  Jamais je ne l’oublierai…

        Au bord d’une fontaine,
        Je me suis reposée.
        L’eau en était si claire
        Que je m’y suis baignée.
  Il y a longtemps que je l’aime…
  Jamais je ne l’oublierai.

        L’eau en était si claire
        Que je m’y suis baignée.
        Sur la plus haute branche
        Le rossignol chantait.
  Il y a longtemps que je l’aime…
  Jamais je ne l’oublierai.

        Sur la plus haute branche
        Le rossignol chantait.
        Chante, rossignol, chante,
        Toi qui as le cœur gai !
  Il y a longtemps que je l’aime…
  Jamais je ne l’oublierai.


        Chante, rossignol, chante,
        Toi qui as le cœur gai.
        Pour moi je ne l’ai guère :
        Mon ami m’a quittée.
  Il y a longtemps que je l’aime,
  Jamais je ne l’oublierai…

Quand Delphine PC tut, Gérard ne dit rien, et tous deux surent en même temps que leur gaîté volubile, masque de la plus délicieuse angoisse, était tombée. Chacun n’entendait plus que son cœur dans le silence. La femme sentait, à travers sa robe, le contact du regard qui la cherchait, en la faisant défaillir d’une douceur presque intolérable. Gérard dévêtait, en pensée, ce beau sein, ces beaux bras, tout le corps bien-aimé de Delphine. Et l’idée du don, et de la possession inévitables commençait de rougeoyer en eux, dans les ténèbres de l’instinct.

Moment unique de l’amour ! Un jeune homme, une jeune femme, seuls, face à face, dans la simple vérité de leurs sens et de leurs cœurs. Sans même unir leurs mains par-dessus la table qui les séparait, Delphine et Gérard savaient qu’ils étaient l’un à l’autre.

Quand ils sortirent, inaperçus comme à l’arrivée, le ciel occidental était un jardin de roses parmi les ramures noires des chênes. La terre craquante, la transparence immobile et glaciale de l’air, annonçaient la gelée nocturne.

Sur la route, au point convenu, la voiture attendait Delphine. Gérard la vit s’éloigner et disparaître.

Les roses du ciel s’étaient flétries. Du céleste jardin, il ne restait qu’une pourpre pâle et pure, et belle comme le souvenir, au-dessus de la forêt, brillait la première étoile.


Sevestre refit seul le chemin qu’il avait fait avec son amie et revint au pavillon. Dans la chambre assombrie, un tison, écroulé en braise, rougissait faiblement la blancheur d’un drap défait, et par tout le désordre charmant de l’amour était encore visible. Gérard se jeta sur la couche froissée. Aussi loin de la joie que de la tristesse, une profonde vibration emplissait son âme, l’allégeait, la soulevait vers un sommet de la vie, et c’était la musique du bonheur qu’il n’avait jamais entendue dans sa plénitude et sa pureté.

Il demeura longtemps perdu parmi les enchantements de l’ombre. Puis la mélodie intérieure s’évanouit. Gérard redescendit vers le réel. Il sut qu’il était seul, que Delphine, en ce moment même, traversait Paris, qu’elle serait bientôt dans cette maison de Versailles où il n’entrerait jamais qu’en étranger.

La douleur qui devait venir était proche. Il la repoussa. Il se refusait à souffrir. Sous sa joue, la toile encore tiède gardait l’odeur de la femme, l’odeur de fleurs et de miel qui rendit à Gérard sa jeune maîtresse, telle qu’il l’avait eue, liée à lui, soumise et caressante. Elle ne s’était pas disputée à son désir. Elle ne lui avait pas fait jurer qu’il l’aimerait toujours. Elle s’était donnée avec une simplicité qui la sauvait de l’impudeur. Il la revit, nue et blanche, emportée dans cette fête où elle le suivait et l’entraînait tour à tour, tantôt pâle, les yeux fermés, les cils humides, tandis que naissait sur les lèvres froides un sourire inconnu et si beau, tantôt penchée sur lui, attendrie par une lassitude délicieuse, et lui caressant la joue de son sein de rose et de ses cheveux répandus.

La douleur exorcisée s’éloignait. Affaiblie, mais douce encore, la musique du bonheur recommençait de vibrer aux profondeurs de l’être. Gérard songeait au vœu de son adolescence, lorsqu’il rêvait de connaître l’amour dans l’amour. Sur le chemin de sa jeunesse, des passantes avaient passé, mais le don de Delphine était une initiation nouvelle qui dépassait le secret charnel. Au soir de la vie, pensa-t-il, l’homme qui se retourne vers ses vingt ans doit évoquer l’image de Celle qui a été « la première »… Pour lui, — Gérard le savait maintenant — « la première », c’était Delphine.