V. — Histoire.

Formé, en 1790, de la Flandre française, du Cambrésis, de la partie occidentale du Hainaut français et de plusieurs communes de l’Artois et du Vermandois, le département du Nord eut à la fois ou successivement pour habitants les Celtes, puis les Ménapiens, les Morins, les Atrébates et les Nerviens, qui, mélanges aux Gallo-Romains, aux Francs, aux Saxons, et plus tard pour une faible part aux Espagnols, ont donné naissance à cette race rude, patiente, industrieuse, qu’on appelle la race flamande.

Soumise, en 445, par Clodion, chef des Francs, cette contrée échut à Clovis, après la mort violente de Khararic, roi de Thérouanne, et de Ragnacaire, roi de Cambrai (507-511). Elle fit naturellement partie du royaume d’Austrasie, lors des partages des fils de Clovis (511) et des fils de Clotaire Ier (561).

Le comté de Flandre se constitue ensuite lentement sous la domination du forestier Lyderik, et des Baudouin, ses premiers comtes. Les Normands apparaissent et, en 881, saccagent Cambrai. En 953, une grande invasion hongroise traverse le pays, brûlant les églises et massacrant les habitants.

Le comte de Flandre, Arnoul le jeune, ayant refusé l’hommage au roi de France, par deux fois le pays est envahi, d’abord par Lothaire, fils de Louis d’Outremer, qui s’empare de Douai et y fait un butin considérable, puis par Hugues Capet ; aux malheurs de l’invasion viennent se joindre la famine, la peste, la guerre civile ; de sorte que la désolation de cette malheureuse contrée est à son comble (964-1036).

Quelques années de tranquillité et de paix, sous les règnes de Baudouin V de Lille, beau-père de Guillaume le Conquérant et tuteur du roi de France Philippe Ier (1060), de Baudouin VI de Mons, mirent un bien court intervalle aux luttes qui ne firent plus qu’ensanglanter le pays (1071). Une bataille eut lieu à Cassel entre Arnoul, fils de Baudouin VI, soutenu par le roi de France Philippe, contre son oncle et tuteur, Robert le Frison. Ce dernier fut victorieux ; il le fut encore, quelque temps après, à Broqueroie, au lieu qu’on nomme les Mortes-Hagès ou les Bonniers sanglants, tant le combat fut meurtrier. Robert ravagea tout le territoire entre Bouchain et Valenciennes et, pour faire oublier son usurpation et ses guerres, il fonda des monastères, bâtit des églises, et fit un voyage en Terre Sainte. Il s’allia avec l’empereur de Constantinople et mourut en 1093.


Grand’place, colonne et Bourse de Lille.

L’ère des Croisades commence et, suivant l’élan religieux qui précipite vers l’Asie les peuples chrétiens, Robert II, compagnon de Godefroy de Bouillon, y prend une part très-active. Son fils et successeur, Baudouin, fait la guerre à Henri Ier, roi d’Angleterre, et, blessé à la tête au siège d’Eu, il meurt en 1119. Son héritier et cousin, Charles de Danemark, dit le Bon, qui rétablit partout l’ordre et la paix, refusa la couronne d’Occident et de Jérusalem, et mourut assassiné en 1127.

Guillaume Cliton, imposé par le roi de France Louis VI le Gros, Philippe et Thierry d’Alsace, dont le dernier équipe une flotte à Dunkerque et meurt au siège de Saint-Jean-d’Acre (1191), Baudouin de Hainaut, Baudouin IX, élevé au trône de Constantinople et tué à la bataille d’Andrinople en 1205, précèdent la grande Jeanne, fille de ce dernier, qui contribua puissamment à la prospérité et à la grandeur du comté. Dès cette époque, les villes flamandes étaient organisées en communes et affranchies. La ville de Lille, deux fois endommagée par les sièges, fut deux fois relevée par Jeanne. C’est sous son règne que se livra la grande bataille de Bouvines (1214), où Philippe Auguste défit complétement l’armée de l’empereur d’Allemagne allié aux Flamands.

Sous Marguerite, sœur de la comtesse Jeanne, et son fils, Guy de Dampierre, la guerre avec la France continue. De cette époque datent les batailles de Courtrai (1302), où Robert d’Artois fut vaincu, de Mons-en-Pévèle (1304) ; enfin le traité d’Athies, qui donne à la France les villes de Lille, de Douai et d’Orchies (1305), et la fameuse bataille de Cassel, gagnée en 1328 par Philippe de Valois.

Mais bientôt les villes acquises par la France en furent séparées, en même temps que le duché de Bourgogne, et, pendant plus de deux siècles, elles restèrent sous la domination des princes de cette maison. En 1668 seulement elles firent définitivement retour à la France, par le traité d’Aix-la-Chapelle (1668), après la campagne où Lille, assiégée par Louis XIV, fut forcée de capituler (1667).

D’autres villes avaient eu des chances diverses. Ainsi


Église et tour Saint-Éloi, à Dunkerque.

Dunkerque, après avoir été prise, reprise maintes fois par les Français,

les Flamands, les Espagnols ; livrée à Cromwell, à la suite de la bataille des Dunes (1658), où il nous avait donné du renfort, puis rachetée par Louis XIV pour cinq millions de livres (1662), fut alors fortifiée et devint l’une des villes et l’un des ports les plus importants de la France.

Cambrai avait vu se former contre les Vénitiens la ligue qui porte son nom, entre le pape Jules II, l’empereur Maximilien, Louis XII et Ferdinand le Catholique (1508), et, en 1529, se signer la paix des Dames.


Landrecies.

La guerre de la succession d’Espagne ramena encore la lutte dans cette partie de la France. Dunkerque fut bombardée par les Anglais en 1694. Le traité d’Utrecht exigea l’ensablement de son chenal et la destruction de son bassin. Lille fut assiégée et prise après une défense héroïque, dirigée par le maréchal de Boufflers (1708) ; enfin le traité de Rastadt, en 1714, laissa à la France l’Artois, la Flandre wallonne et le Hainaut.

Avec la Révolution française et 1792, la guerre et l’invasion recommencent. Lille, bombardée pendant neuf jours et neuf nuits, Landrecies, Valenciennes, Condé, sont de nouveau assiégées à plusieurs reprises, enfin emportées et incorporées à la Belgique, à l’exception de Lille, qui put résister et dont les


Hôtel de ville de Cambrai.

canonniers s’illustrèrent. Mais ce succès des armées alliées dura peu, et, dans l’année 1795, les victoires d’Ypres et de Hondschoote, en faisant lever le siège de Dunkerque, nous rendirent les places que nous avions perdues.

En 1814 et 1815, jusqu’en novembre 1818, le département du Nord revit les armées étrangères. En 1871, les Prussiens y firent une courte apparition ; mais ils furent repoussés dans leurs tentatives sur Cambrai, et le général Faidherbe sut les maintenir à distance par son énergique attitude et par la bonne tenue de ses troupes.


Maubeuge.

Rappelons que c’est à Maubeuge que fut établi en 1851 le quartier général de l’armée du Nord, lors de la première expédition de Belgique, et que, en janvier 1855, Louis-Philippe y passa en revue les troupes qui avaient participé au siège de la citadelle d’Anvers.