Génie du christianisme/Partie 4/Livre 2/Chapitre III

Garnier Frères (p. 399-400).

Chapitre III - Tombeaux modernes. — La Chine et la Turquie

Les Chinois ont une coutume touchante : ils enterrent leurs proches dans leurs jardins. Il est assez doux d’entendre dans les bois la voix des ombres de ses pères et d’avoir toujours quelques souvenirs au désert. A l’autre extrémité de l’Asie, les Turcs ont à peu près le même usage. Le détroit des Dardanelles présente un spectacle bien philosophique : d’un côté s’élèvent les promontoires de l’Europe avec toutes ses ruines ; de l’autre, les côtes de l’Asie, bordées de cimetières islamistes. Que de mœurs diverses ont animé ces rivages ! Que de peuples y sont ensevelis, depuis les jours où la lyre d’Orphée y rassembla des sauvages jusqu’aux jours qui ont rendu ces contrées à la barbarie ! Pélasges, Hellènes, Grecs, Méoniens, peuples d’Illus, de Sarpédon, d’Enée, habitants de l’Ida, du Tmolus, du Méandre et du Pactole, sujets de Mithridate, esclaves des césars romains, Vandales, hordes de Goths, de Huns, de Francs, d’Arabes, vous avez tous sur ces bords étalé le culte des tombeaux, et en cela seul vos mœurs ont été pareilles. La mort, se jouant à son gré des choses et des destinées humaines, a prêté le catafalque d’un empereur romain à la dépouille d’un Tartare, et dans le tombeau d’un Platon logé les cendres d’un mollah.