France, Algérie et colonies/Colonies/05

LIbrairie Hachette et Cie (p. 738-750).


CHAPITRE V

COLONIES D’AMÉRIQUE


1o Saint-Pierre et Miquelon. — Nous, les anciens dominateurs, explorateurs et colonisateurs de l’Amérique du Nord, nous n’y possédons plus que Saint-Pierre et Miquelon, granits, sables et tourbe dans le brouillard et l’embrun, sur une mer prodigieusement libérale en morues.

Près de l’île anglaise de Terre-Neuve et du banc de Saint-Pierre, non loin du grand banc de Terre-Neuve, sous le 47e degré de latitude, à 6 670 kilomètres de Brest, le drapeau des Trois Couleurs flotte humblement sur ces 21 000 hectares, débris d’un empire vingt fois plus grand que la France.

Saint-Pierre, fort petite (2 600 hectares), a pour annexe l’île aux Chiens. Sur ce sombre îlot de granit, qu’assiège une vague orageuse, vivent plus des 4/5 des habitants de l’archipel.

Miquelon (18 423 hectares) comprend deux îles granitiques pleines de tourbe : la Grande Miquelon et la Petite Miquelon ou Langlade, réunies depuis 1783 par une langue de sable.

Ces trois îles réduites à deux nous sont précieuses pendant la saison de la morue. Tout le temps qu’on pêche, qu’on sale ces multitudes, sur une mer qui nourrit plus d’hommes que tel vaste royaume, Saint-Pierre est un grand rendez-vous de navires français ; car nous envoyons à la morue, surtout de Bretagne et de Normandie, 300 vaisseaux et 15 000 matelots par an.

C’est une colonie salubre que ces roches où les plus inexorables ennemis du nom français nous permettent dérisoirement l’usage de trois canons. Ses 5 120 habitants, Français, où dominent le sang breton, le sang normand, le sang basque, croissent régulièrement par l’excédant des naissances.


Saint-Pierre, dans l’île du même nom, est une ville en bois, aux maisons d’un étage, sur un port de peu de profondeur à mer basse ; elle a pour horizon des collines portant des sapins rudimentaires, les plus grands allant à la ceinture, quelques-uns peut-être jusqu’à l’épaule d’un homme ; et sur ces « forêts », comme sur les roches ternes, les écueils, les sables du pauvre archipel, le ciel, presque toujours, est triste.




2o Antilles françaises. — Les Antilles, chaîne de grandes et de petites îles, commencent par Cuba, s’achèvent par la Trinité. Cuba, la terre la plus vaste de ces mers, est voisine de la Floride, presqu’île de l’Amérique du Nord ; la Trinité veille sur le delta de l’Orénoque, l’un des larges fleuves de l’Amérique du Sud. Sous un climat très chaud, mauvais, cet archipel, qui a des îles admirables, porte plusieurs millions d’hommes, Blancs, Noirs ou Mulâtres. Les anciens maîtres, les Indiens, ont disparu : la civilisante Europe, également représentée par ses « Latins » et ses « Saxons », les extermina dès qu’elle eut mis le pied sur ces plages fécondes.

La France y massacra pour sa part ; elle y colonisa beaucoup d’îles, notamment Saint-Domingue, terre splendide. Plusieurs ont passé dans les mains des Anglais ; le soleil du tropique et la fièvre aidant, Saint-Domingue a conquis son indépendance, mais ses 600 000 à 800 000 Noirs et Mulâtres jargonnent toujours le français créole, que parlent 1 500 000 hommes, aux Antilles, en Louisiane, en Guyane : ce patois plein de douceur, de langueur, et très ennemi des r, méprise la savante architecture du discours, qui est l’une des meilleures gloires de l’homme. C’est moins une langue qu’un babillage.




Guadeloupe. — Christophe Colomb, qui découvrit cette île en 1493, lui donna le nom de la patronne de ce second voyage, Notre Dame de Guadalupe, vénérée dans plusieurs sanctuaires d’Espagne, notamment en Estrémadure.

Traversée par le 16e degré de latitude nord, elle se compose de deux îles : la Guadeloupe et la Grande-Terre, qui se touchent le long d’un passage marécageux nommé la Rivière Salée.

De forme ovale, toute en monts volcaniques, en défilés, en cirques grandioses, la Guadeloupe a 82 000 hectares. Son pic supérieur fume encore ; c’est le Piton de la Soufrière (1 484 mètres : 4 de plus que la Montagne Sans Toucher). Haute et boisée, elle est fraîche ou froide dans la montagne ; mais sur la côte, qui reçoit 219 centimètres de pluie par an, pèse un climat d’une moyenne de 26 degrés. Cet air torride, la fièvre jaune, l’anémie tropicale, les typhons, les tremblements de terre, ce sont là de grands ennemis de la Guadeloupe ; mais cette île souvent éprouvée par la nature et par l’homme (les Anglais lui ont fait beaucoup de mal) n’en est pas moins superbe. Ayant des cimes élevées, des forêts profondes, elle ruisselle de torrents : le plus abondant c’est la Grande Rivière à Goyaves, le plus calme c’est la Lézarde.

Laide mais féconde, la Grande-Terre (56 000 hectares) n’a ni monts, ni bois, ni rivières. Les sécheresses y sont parfois très longues, les convulsions du sol terribles ; la seule catastrophe de 1843 y fit pour 110 millions de ruines. Comme dans l’île jumelle, on y cultive surtout la canne à sucre et le caféier.

Sans les immigrants, la garnison, les employés et la population flottante, cette île double a 425 000 hommes, Français créoles et Nègres libérés. Les Blancs de la première colonisation appartenaient à toutes les classes : marins, soldats, fonctionnaires, marchands, flibustiers, corsaires, cadets de famille, aventuriers, paysans et ouvriers français engagés à temps. Plus tard, la Guadeloupe reçut, à mainte époque, des colons fuyant des îles voisines, usurpées par les Anglais. Aujourd’hui les rares Européens qui s’y établissent viennent surtout du Midi de la France. La race blanche n’y croît guère, si même elle ne diminue sous le climat nuisible du littoral.

La capitale, Basse-Terre, dans la Guadeloupe, sur le littoral du sud-ouest, ne l’emporte ni par ses 10 000 âmes, ni par son commerce, ni par son port, qui n’est qu’une mauvaise rade ; le premier rang est à La Pointe-à-Pitre (15 000 habitants), port de la Grande-Terre vaste et sûr, au bord de l’estuaire par lequel la Rivière Salée se confond avec la mer du midi.


La Guadeloupe a cinq dépendances :

La Désirade, c’est-à-dire la Désirée, comme l’appela Colomb en espagnol (Deseada), lorsqu’il la découvrit en 1495, est une île de 2 600 hectares, volcanique, aride, abrupte, sans port, sans rade, à 9 kilomètres de la Grande-Terre ; elle a 1 100 habitants et un hôpital de lépreux.

Marie-Galante, autre découverte de l’impérissable Génois (1494), est à 20 kilomètres de la Guadeloupe. Cette île ronde sans torrents pérennes, ici sèche, là marécageuse, fertile partout, a 14 600 habitants sur 15 000 hectares, et une ville de 4 000 âmes, ayant trois noms : Grand-Bourg, Marigot ou Joinville.

Les Saintes, à 12 kilomètres de la Guadeloupe, également vues pour la première fois par Colomb, sont au nombre de cinq : non pas cinq îles, mais cinq îlots secs ayant ensemble 1 256 hectares et 4 550 habitants, marins et pêcheurs. Ces mauvais rocs portent de formidables citadelles, Gibraltar français des Antilles.

Saint-Barthélémy vient de nous être cédée (1878), ou plutôt rendue par la Suède, qui l’avait reçue de nous en 1784. Située bien au nord de la Guadeloupe, près du 18e degré de latitude, au milieu d’îles anglaises et hollandaises, cette roche, ancien volcan, nous revient après un vote unanime de ses insulaires. Elle a 2 400 habitants sur 2 114 hectares, tellement secs que parfois, les citernes étant vides, on va chercher l’eau potable à 52 kilomètres, dans l’île anglaise de Saint-Christophe. Son port, Gustavia, que nous appelions et que sans doute nous réappellerons le Carénage, est d’une entrée difficile, mais d’un usage sûr ; on y parle surtout l’anglais ; le français règne à la campagne et dans le bourg de Lorient qu’habitent quatre à cinq cents Blancs, hommes grands et forts, issus de familles normandes.


Saint-Martin, voisine de Saint-Barthélemy, au nord du 18e degré, ne nous appartient qu’à moitié, dans sa partie septentrionale, sur environ 5 500 hectares, peuplés de 3 440 personnes. Le sud relève de la Hollande.


En lui ajoutant toutes ces dépendances, la colonie de la Guadeloupe a 145 000 habitants : 175 000 avec les 20 000 immigrants africains, indiens, chinois, annamites, la garnison, les fonctionnaires, etc.




Martinique. — La Martinique, entre le 14 et le 15e degré, à 100 kilomètres au sud-est de la Guadeloupe, est séparée de cette colonie par les eaux où se lèvent les montagnes de la Dominique, île maintenant anglaise qui toutefois parle encore notre langue. Elle s’étend sur 98 700 hectares, dont 66 000 en montagnes, le reste en coteaux, en plaines et en littoral. Malgré l’apparence, le nom de cette île n’a rien de français : il ne vient pas de Martin ou de saint Martin, mais de Madinina. Ainsi l’appelaient ses Indiens, les Caraïbes.

Cette île presque souverainement belle a des rives très frangées : elle doit son relief au travail de volcans morts ou qui semblent l’être, et dont l’altitude n’atteint pas celle des pics de Guadeloupe, la Montagne Pelée ne s’élevant qu’à 1 350 mètres et les Pitons du Carbet à 1 207. Sur ces monts ondulent des forêts touffues où glisse la vipère fer-de-lance, reptile dangereux ; à leur pied courent des torrents aimant les courbes, les gorges sauvages, les rapides et les cascades, et qui, faibles dans la saison sèche, sont forts pendant les trois mois d’hivernage.

Comme à la Guadeloupe, les tremblements de terre y font craquer les villes : témoin la catastrophe de 1838 ; comme à la Guadeloupe encore, il y pleut beaucoup, d’un ciel ardent dont la moyenne est de 27 degrés : la hauteur annuelle des pluies, 217 centimètres, est presque trois fois celle de la France.

Mais la Martinique torride se borne aux côtes, aux plaines basses, aux vallées sans brise. Dans le mont l’air est de plus en plus frais à mesure qu’on s’élève sur le flanc des vieux volcans. À partir de 200 mètres d’altitude, les champs de canne à sucre, de coton, de café, de cacao, de plantes vivrières, en un mot les cultures, qui ne couvrent que le tiers de la Martinique, cèdent le pas aux terres vagues, aux savanes qui prennent le quart de l’île, aux forêts qui prennent le cinquième.

Sur ses 162 000 habitants, 15 000 à 20 000 sont des Noirs, des Indiens, des Chinois importés pour travailler aux champs et dans l’usine à sucre à la place des Nègres devenus libres. Le fond de la population ce sont les anciens esclaves, les créoles et les Blancs, ceux-ci pour la plupart originaires du Midi de la France. Les créoles sont de même élément que les vieilles familles de la Guadeloupe.

Les fièvres de marais, la fièvre jaune, l’anémie des pays chauds empêchent les Français d’y croître. Bien plus, ils y diminuent : il n’y a que 10 000 Blancs dans l’île, et l’on en comptait 15 000 au milieu du siècle dernier.

Fort de France, la capitale, n’a que 11 000 habitants, mais sa rade est superbe, son port excellent, sa position militaire magnifique. Saint-Pierre a 22 000 âmes.

Saint-Pierre, à Martinique.




3o La Guyane française. — Au sud-est des Antilles, nous avons un pied-à-terre dans l’Amérique du Sud, demi-continent qui a 33 ou 34 fois l’étendue de la France.

Ce pied-à-terre, c’est la Guyane, pays soleilleux, pluvieux, arrosé, fécond, et colonie lamentable où les Européens cèdent leur énergie, leur vie quelquefois à l’anémie tropicale.

Sans les terrains disputés par le Brésil à l’est du fleuve Oyapock, nous possédons ici plus de 42 millions d’hectares, entre la mer et la sierra, encore peu connue, de Tumuc-Humac, derrière un littoral qui va de l’Oyapock, petit fleuve, au Maroni, fleuve beaucoup plus long, beaucoup plus large, qui nous sépare de la Guyane hollandaise : de tout autre côté, c’est à l’immense Brésil que nous touchons ici. La France Équinoxiale, telle que la comprenaient les premiers occupants, c’était la vaste région que bornent la mer, l’Orénoque, le Rio-Negre, tributaire du fleuve des Amazones, et ce plus grand des fleuves lui-même.

La Guyane française court le long de l’Atlantique, près de l’équateur, du 2e au 6e degré de latitude septentrionale. Son Littoral, droit, noyé de vases, bordé de palétuviers, offre un seul port aux vaisseaux, Cayenne, qui refuse les navires de plus de 500 tonnes. Les fleuves qui, de saut en saut, viennent des Tumuc-Humac ou des monts de l’intérieur, expirent sur des barres, et les gros bâtiments ne trouvent de refuge que dans la rade extracontinentale formée par les îles du Salut.

Derrière le Littoral commence une bande large de 20 kilomètres, ou plus, les Terres Mouillées, qui furent de tout temps, depuis la prise de possession par la France (1635), le siège d’essais sans lendemain. Immergées, leurs alluvions produisent peu ou point ; desséchées, elles empestent. Nous n’avons pas su les égoutter, comme l’ont fait tout près de nous, à l’occident, de très savants maîtres, les Hollandais de Surinam. Savamment drainées, elles ne seraient qu’à demi salubres ; du moins seraient-elles fécondes.

Quand on a franchi cette première zone, on voit se dérouler au loin les Savanes et les Pripris : les savanes sont des pâturages nus avec quelques massifs d’arbres ; les pripris, des marais sans profondeur, qui deviennent pâtures quand les eaux se retirent.

Après les Savanes et les Pripris, les Terres Hautes s’en vont au loin vers le sud, couvertes de forêts, jusqu’aux monts de granit de Tumuc-Humac. Dans ces forêts de tout bois tropical, le mora, bon pour les navires, porte sa tête à 45 mètres. Du sol fait de troncs pourris jusqu’aux derniers rameaux des plus hautes branches, la nature, au bord des criques, est puissante, bigarrée, féconde, infatigable, devant des hommes indolents et presque stériles. Des Indiens, des Nègres dont les aïeux ont fui le martinet du commandeur, errent dans ces monts sylvestres et dans les savanes qui descendent vers les terres inondées.

Des petits aux grands, des bons aux féroces, des plus laids aux plus beaux, cette misérable France Équinoxiale a des animaux à foison ; c’est l’homme qui lui manque : moustiques bourdonnants et suçants ; mouche « hominivore » ou plutôt homicide[1] ; fourmis qu’un ruisseau n’effraie pas, que la poudre seule fait reculer ; scorpions et mille-pattes ; l’araignée-crabe, monstre velu ; le crapaud pipa, monstre pustuleux ; l’anguille électrique, dont le choc terrasse ; le corail, court serpent mortel à ceux qu’il pique ; le boa, long de huit mètres, assez fort pour enrouler, écraser, ensaliver, engloutir et digérer les grosses bêtes qui courent dans la savane : le caïman, le jaguar, le tapir avec son rudiment de trompe ; des singes sans nombre ; des oiseaux de tout plumage et de toute envergure, dont l’un, l’urubu, noir vautour, est ici, comme ailleurs en Amérique torride, le grand entrepreneur de salubrité publique, par la prompte expédition des charognes.

Passons à l’homme : Indiens Galibis, Approuagues, Arouacas, Émerillons, Roucouyènes ; Noirs et Mulâtres ; Coulies d’Afrique, d’inde, de Cochinchine, et de Chine ; Blancs ; nomades et sédentaires ; propriétaires, cultivateurs, hattiers ou éleveurs de bestiaux, chercheurs d’or, marins, soldats, fonctionnaires, galériens à la chaîne ou hors pénitencier, il n’y a pas même 30 000 habitants en Guyane, après bientôt 250 années de possession. Toutefois la population y croît maintenant un peu : non du fait des naissances, qui ne réparent pas les décès, mais par les immigrants venus de divers lieux : notamment des Antilles, et surtout de la Martinique, pour chercher l’or dans les criques guyanaises.

Excepté les Galibis, les Indiens sont dispersés dans l’intérieur. Les Noirs qui veulent travailler comme ceux qui s’égaient de ne rien faire, les 5 000 immigrants engagés et les Blancs vivent sur le littoral, tout à fait dans le bas des fleuves, sur la Mana, le Sinnamary, le Kourou, la rivière de Cayenne, la Comté, l’Approuague aux criques aurifères, l’Oyapock qui donne aussi le métal fauve. Jusqu’à ce jour, le fond de la nation guyanaise c’est le Nègre sédentaire, jadis esclave, aujourd’hui libre, ayant pour langue le français créole. Les Nègres errants ou Négres marrons, les Boch ou Bonis, descendent d’esclaves évadés autrefois de la Guyane hollandaise,

Rivière de la Comté.

Hors de l’armée, de la marine, des fonctionnaires, des forçats, il n’y a pas ici 2 000 Blancs, misérable reste du peuple de colons que leur mauvaise étoile amena sur ce rivage. Quand nous eûmes perdu le Canada, Nouvelle-France du Nord, on espéra fonder la Nouvelle-France du Sud en Guyane. En 1763 et 1764, on entassa quinze mille hommes à la bouche du Kourou, vis-à-vis des îles du Salut : Alsaciens, Lorrains, Allemands, avec quelques Normands, Bretons et Provençaux. On les abrita mal, on ne sut ni les nourrir, ni les employer, ni les guérir ; treize mille moururent et presque tous les autres rentrèrent en Europe. De ce grand effort, qu’on eût mieux fait de porter sur la Louisiane, plus capable que la Guyane de devenir un empire, la pauvre colonie de l’Équinoxe ne retira que le renom de terre boueuse, fiévreuse, inhospitalière et mortelle.

Il y a quelques années la France eut honte de son impuissance en Guyane : on peut rougir de cultiver à peine 7 000 hectares, au bout de deux siècles et demi de royauté, sur un continent où le Portugal a fondé le Brésil, et l’Espagne cinq ou six grandes nations de l’avenir.

Dans l’espoir de la relever, on en fit une colonie pénitentiaire.

Le 1er janvier 1866, il y avait déjà 7 000 forçats aux îles du Salut et sur le Maroni, fleuve qui sépare noire Guyane de la Guyane hollandaise, et qui, sauf plus de longueur, de largeur et d’abondance, ressemble aux autres cours d’eau de la France Équinoxiale par son passage dans les forêts et les savanes et par ses nombreux « sauts », tantôt rapides et tantôt cascades. C’est un grand fleuve : des deux rivières qui le composent, l’Aoun roule 600 mètres cubes par seconde au milieu de la saison sèche, et le Tapanahoni, 338.

La mort a tellement frappé de sa faux ces galériens-là qu’on n’ose plus transporter à la Guyane que les Arabes et les Noirs, ces derniers étant acclimatés d’avance, et les autres supposés capables d’acclimatement. Les forçats de peau blanche vont tous en Calédonie.

Cependant les pénitenciers n’ont pas tous été funestes à la troupe cynique : si la Montagne d’Argent, Saint-Georges, Saint-Augustin, Sainte-Marie de la Comté, Mont-Joly, Bourda, Baduel ont trop reçu la visite de la fièvre des marais et de la fièvre jaune, deux pourvoyeuses de la mort, les îles du Salut, l’îlot la Mère, Cayenne, Kourou, Saint-Louis et Saint-Laurent-du-Maroni se sont montrés moins sévères. Au Maroni, sur un sol de sable, il y a déjà presque autant de Blancs que dans le reste de la Guyane.

Cayenne (8 000 habitants) mire ses palmiers dans un estuaire. Malgré sa renommée funèbre, cette capitale de notre lambeau d’Amérique du Sud est une ville charmante.


FIN
  1. Elle entre dans le crâne par la bouche ou l’oreille, pond ses œufs, et l’on meurt de la méningite.