François Villon (Gaston Paris)/Le succès

Hachette (p. 163-187).

CHAPITRE III

LE SUCCÈS


Les premières productions de François Villon, ballades chantées ou récitées par lui à ses amis, ne sortirent sans doute pas d’un cercle restreint. Les Lais, à en juger par ce qu’il en dit lui-même, durent être répandus dans Paris en d’assez nombreuses copies. Il attacha sûrement plus d’importance à la divulgation de son Testament, œuvre dans laquelle il avait mis tout son art et tout son cœur. Nous ne savons guère comment s’opérait, avant l’imprimerie[1], la « publication » d’une œuvre littéraire. Y avait-il des libraires qui s’en procuraient des exemplaires, en les demandant à l’auteur ou autrement, et qui ensuite les mettaient en vente ? En tout cas les copies que nous possédons, soit des deux poèmes principaux, soit des pièces détachées, n’ont certainement pas ce caractère : elles font partie de recueils composites, formés par ou pour des amateurs, comme nous en avons tant pour la poésie du XVe siècle. Les poètes familiers avec les grands faisaient exécuter de beaux exemplaires de leurs œuvres, qu’ils offraient à leurs protecteurs et qui leur étaient d’ordinaire richement payés : ni le genre de vie de maître François, ni ses relations, ni le caractère même de son œuvre, ne nous engagent à penser qu’il ait fait de même[2] ; aussi ne trouvons-nous pas ses poèmes dans les « librairies » royales ou seigneuriales du temps. En revanche, ils circulèrent beaucoup oralement : il n’y a pas lieu de révoquer en doute le témoignage de Marot, assurant que de son temps il se trouvait des vieillards qui les savaient par cœur sans les avoir lues dans les imprimés.

C’est en 1489 que le libraire Pierre Levet en donna la première édition[3], soit d’après un manuscrit unique (différent de ceux que nous connaissons), soit, ce qui est plus probable, d’après diverses copies. Cette édition est très fautive et, dans le « Grand Testament », mais surtout dans le « Petit ». présente de graves omissions. Elle comprend quatre parties, dont l’ordre est singulier et dû visiblement au hasard des rencontres : 1° le « Grand Testament » ; 2° les pièces relatives à la condamnation de 1463 et trois ballades isolées ; 3° le « jargon et jobelin » ; 4° le « Petit Testament ». Le succès en fut énorme : de 1489 à 1533 il se lit plus de vingt éditions du recueil ainsi composé, toutes d’ailleurs, suivant l’usage du temps, reproduisant la première, sauf, naturellement, l’addition de fautes nouvelles et aussi quelques essais de corrections. Ici se termine la première série des éditions de notre poète.

La seconde est formée par l’édition de Clément Marot, qui, en 1533, entreprit de donner des œuvres de Villon un texte plus correct que celui des impressions précédentes. Il s’aida des souvenirs de vieux Parisiens qui lui fournirent quelques bonnes variantes et même une ou deux strophes omises dans l’édition de 1489 ; mais il ne s’avisa pas de recourir à des manuscrits : il a essayé de « raccoustrer » le texte, comme il dit, surtout « par deviner avec jugement naturel ». Il s’est efforcé de rendre Villon intelligible à ses contemporains, sans d’ailleurs y regarder de trop près, et certainement sans tout bien comprendre lui-même : les quelques remarques explicatives qu’il a jointes à son texte contiennent de singuliers contresens, et montrent combien, en trois quarts de siècle, la langue, à Paris même, avait changé et le milieu social s’était modifié. En somme, le texte de Marot, sauf quelques rajeunissements de forme et les améliorations indiquées, sauf aussi le meilleur ordre où sont rangées les pièces, ne diffère pas autant qu’on pourrait le croire de celui des éditions précédentes ; mais dès son apparition il le remplaça complètement. Il renouvela le goût du public pour le poète parisien : de 1533 à 1542 il n’eut pas moins de dix éditions. C’est la seconde phase de l’histoire du texte de Villon.

La troisième ne s’ouvre que deux siècles après. De 1542 à 1723 les œuvres de Villon ne furent pas une seule fois réimprimées. En 1723, le libraire Coustelier en donna une édition nouvelle, qui reproduit le texte de Marot, en notant en marge quelques variantes des imprimés antérieurs, et en ajoutant aux notes de Marot des remarques d’Eusèbe de Laurière. Elle fut réimprimée à La Haye en 1742 avec des remarques additionnelles de Formey. En somme cette édition ne constituait qu’un faible progrès. Le XVIIIe siècle en aurait vu un plus sensible si les deux éditions préparées, l’une par La Monnoye et l’autre par Lenglet-Dufresnoy, avaient alors été mises au jour. L’un et l’autre de ces érudits, en effet, avaient comparé de plus près les anciennes éditions, et avaient consulté un manuscrit (le même), qui leur avait permis de combler quelques lacunes ; La Monnoye avait projeté un commentaire qu’il n’a pas écrit ; celui de Lenglet n’a pas grande valeur.

La quatrième et dernière phase s’ouvre en 1832 par l’édition de l’abbé Prompsault, qui a comparé plusieurs manuscrits et imprime pour la première fois d’importants morceaux ; dans la constitution du texte il n’a pas su assez s’affranchir de la tradition des impressions antérieures et, d’autre part, il s’est permis trop de libertés personnelles ; ses remarques contiennent de bonnes choses, mais beaucoup d’inutiles et d’aventurées. Son édition est la base de celle que P. Lacroix publia en 1854. En 1866, le même P. Lacroix imprima les deux Testaments d’après un manuscrit non encore utilisé (celui de l’Arsenal). L’édition qu’il donna en 1877 et colle de L. Moland en 1884 reposent sur le texte de Prompsault, çà et là amélioré ou modifié d’après le manuscrit que P. Lacroix avait imprimé.

Le premier travail vraiment critique, dans lequel il fut tenu compte d’un manuscrit resté jusque-là inemployé, sinon inconnu (celui de Stockholm), ne concerne malheureusement que les Lais : il est dû à un savant hollandais, M. Bijvanck, qui a montré dans son essai de constitution du texte et dans ses abondantes remarques une érudition très étendue et une grande ingéniosité, parfois un peu téméraire.

Enfin en 1892 parut, avec une introduction biographique et bibliographique, l’édition des Œuvres complètes de François Villon, par M. A. Longnon, établie d’après toutes les sources avec un soin scrupuleux et une sagacité presque constamment heureuse. Cette édition nous approche du texte original à peu près autant qu’il est possible de le faire ; elle ne pourra être améliorée que dans quelques détails, à moins qu’on ne découvre de nouveaux manuscrits ; on pourra seulement joindre au texte un commentaire plus riche que celui auquel, sous forme de glossaire, s’est borné le savant éditeur.

De même que le texte de Villon, sa vie s’est éclaircie de plus en plus par des travaux successifs, faits surtout de nos jours. Les contemporains ne nous en ont rien dit ; la génération suivante n’avait retenu que le souvenir indulgent des friponneries de l’écolier parisien ; Marot, soit par la tradition, soit par la simple lecture des ballades et du jargon, savait seulement que Villon était maître dans « l’art de la pince et du croc » ; Rabelais recueillait des anecdotes qui le montraient diseur de bons mots et faiseur de mauvais tours. Jusqu’à ces derniers temps on n’alla pas au delà de ce que faisaient connaître les œuvres elles-mêmes plus ou moins bien interprétées[4]. C’est dans le dernier quart du XIXe siècle que se sont faites les investigations qui ont permis de reconstituer en partie la vie lamentable du poète. Un littérateur qui avait consacré à Villon de longues études, A. Vitu, découvrit et publia en 1873 la double lettre de rémission accordée en 1456 à « François des Loges, autrement dit de Villon » et à « François de Monterbier (Montcorbier), maistre es ars » ; mais M. Longnon les avait découvertes de son côté, et, en plus, l’enquête faite en 1458 sur le vol du collège de Navarre et la déposition si précieuse de Gui Tabarie. Grâce à ces documents et à une interprétation plus précise des passages autobiographiques des poésies, il traça dès 1877 une esquisse de la vie de Villon, qu’il lit bientôt suivre d’une étude sur « les légataires de François Villon », fruit de longues et heureuses recherches dans les archives. Il enrichit son travail, en 1892, grâce à la précieuse découverte des lettres de rémission accordées en novembre 1463 à Robin d’Ogis et aussi grâce à l’enquête sur les coquillards, retrouvée et publiée par M. Marcel Schwob. Tout récemment de nouvelles découvertes de M. Schwob, en fixant la condamnation et la grâce du poète à l’an 1463, ont permis d’écrire une vie de Villon qui présente encore bien des lacunes, mais qui est du moins exempte des contradictions morales qui déparaient jusque-là les plus sérieux essais biographiques. L’infatigable zèle et la remarquable perspicacité de M. Schwob continuent d’ailleurs de s’exercer, et il doit bientôt publier des documents et des recherches qui éclaireront certainement de nouvelles lumières le sujet et ses alentours. C’est d’abord aux travaux de M. Longnon et ensuite à ceux de M. Schwob qu’on doit d’avoir vu la figure de l’écolier parisien sortir peu à peu de l’ombre où elle était cachée, et, bien que voilée encore par plus d’un mystère, apparaître dans sa vivante, brutale et navrante réalité[5].

Telle est en résumé l’histoire de la connaissance, devenue de moins en moins imparfaite, des œuvres et de la vie de François Villon. Il me reste à parler de la façon dont on a apprécié sa poésie et de l’influence qu’elle a exercée.


Nous savons par Villon lui-même que son poème des Lais, qu’il avait lancé en quittant Paris pour Angers au commencement de 1457, eut un vif succès dans le milieu auquel il était destiné : on le désigna sous le nom de Testament, — qu’il ne lui avait pas donné et qu’il réserve à son second poème[6], — et dans celui-ci le poète suppose le premier connu de ses lecteurs. Le Testament ne put manquer de faire une sensation plus grande encore dans le monde parisien, tant par le talent si frappant et si varié qui s’y déploie que par les nombreux traits personnels et les allusions plaisantes ou malignes à l’adresse d’une foule de gens connus. Nous n’avons cependant conserve aucune trace de l’impression produite par cette œuvre éblouissante, et nous ne savons même pas si, en 1463, quand la vie de Villon se trouva dépendre de la clémence du Parlement, le talent du poète pesa de quelque poids dans la balance. Jusqu’à la fin du XVe siècle nous ne trouvons aucune mention de notre poète. C’était une mode, à cette époque, de dresser des listes de bons « facteurs  » : le nom de Villon ne figure dans aucune. Il semble bien que sa poésie était considérée comme étrangère à la littérature proprement dite, à la « rhétorique solennelle » dont les coryphées regardaient du haut de leur grandeur un rimeur aussi trivial, aussi sincère, aussi peu artificiel, qui ne se servait pas des allégories et des prosopopées à la mode. Cette poésie dédaignée continuait cependant à être extrêmement goûtée du public, comme l’atteste le nombre des éditions publiées depuis 1489, et même de certains écrivains, comme le montre l’influence incontestable qu’elle exerça et dont nous parlerons plus loin ; mais elle était décemment passée sous silence par les organes attitrés de ce qu’on pourrait, en demandant pardon de l’anachronisme, appeler le jugement académique d’alors. Villon était surtout célèbre comme un type de pauvreté — « pauvre comme Villon » était passé en proverbe — ou comme le module des faiseurs de bons tours : nous avons dit l’admiration, nullement littéraire, qu’il inspirait à l’auteur des Repues franches.

La plus ancienne allusion à son mérite poétique qui nous soit parvenue est celle d’Eloi d’Amerval, qui, dans son poème de la Grande Diablerie, écrit à Paris vers 1500, l’appelle « clerc expert en faits et en dits ». Puis le silence se fait de nouveau, interrompu seulement par le blâme que Geoffroi Tory, en 1529, adresse à maître François pour avoir écrit en « jargon », et nous arrivons à François Ier et à Marot.

L’admiration de François Ier pour Villon a lieu de surprendre. Sauf quelques passages, ce n’est pas un poète qu’on semble avoir pu goûter beaucoup en haut lieu ; il n’avait rien du goût italien prédominant à la cour du « Père des lettres », et d’autre part il était, surtout dans les éditions du temps, fort difficile à comprendre. Marot nous dit cependant qu’il a entrepris son travail parce qu’il avait vu le roi « volontiers écouter et par très bon jugement estimer plusieurs passages des œuvres de Villon ». Il est permis de supposer que c’était Marot lui-même qui avait lu ces passages au roi : celui-ci s’était plaint de la peine qu’il avait à bien les entendre, et, Marot ayant allégué l’incorrection du texte, il l’avait engagé à lui donner une meilleure forme, ce que Marot fit dans la mesure où nous l’avons vu. L’appréciation de Marot sur Villon, consignée dans sa préface, est extrêmement intéressante. C’est un des plus anciens morceaux de critique littéraire que l’on ait écrits en français, et si elle est incomplète et en certains points contestable, elle est sur d’autres points singulièrement juste et perspicace, et telle qu’on pouvait l’attendre d’un vrai poète. Marot proclame d’abord que Villon est « le meilleur poète parisien qui se trouve » ; il loue son « gentil entendement » et « l’esprit qu’il avait », son art de décrire « proprement », et « la veine dont il use en ses ballades, qui est vraiment belle et héroïque » ; son recueil, conclut-il, « est de tel artifice, tant plein de belle doctrine, et tellement peint de mille belles couleurs, que le temps, qui tout efface, jusqu’ici ne l’a su effacer, et moins encore l’effacera ores et d’ici en avant ». Il n’a pas su démêler nettement, bien qu’il les ait certainement sentis, quelques-uns des mérites du poète qu’il admirait : la note personnelle, la sincérité, le mélange à la fois si habile et si imprévu des tons ; mais il en a parfaitement saisi d’autres et notamment ce talent de description qui est un des traits distinctifs du peintre de la belle heaumière. Il regrette que Villon n’ait pas été « nourri en la cour des rois et des princes, où les jugements s’amendent et les langages se polissent », mais ce regret, nous l’avons dit, est sans doute peu justifié. Il lui reproche, et avec plus de raison, — outre les archaïsmes de sa versification et de son langage, — les « mêlées et longues parenthèses » dans lesquelles il lui arrive de s’embarrasser. Enfin il reconnaît qui ! lui doit beaucoup. Je me suis, dit-il, volontiers soumis au travail dont cette édition est le fruit « en récompense de ce que je puis avoir appris de lui en lisant ses œuvres ». Cette appréciation méritait dé Ire citée presque entière : elle fait de toutes façons honneur au gentil poète de Cahors.

Rabelais n’en a pas donné une semblable ; mais on voit en le lisant à quel point il était pénétré de Villon. Il avait formé son génie dans un milieu semblable à celui où avait vécu et pour lequel avait écrit le poète parisien. Il y avait recueilli des anecdotes, d’ailleurs suspectes, sur le héros des Repues franches, auquel il a certainement songé en dessinant ce Panurge qui « allait du pied comme un chat maigre », et qui, ayant tant de manières de se procurer de l’argent, en avait tant de le dépenser, sans compter « la réparation de dessous le nez ». Il cite des vers de Villon à maintes reprises, et on peut être sûr qu’il le savait par cœur.

Rabelais, malgré la grande part que l’humanisme a dans son œuvre, appartient encore par bien des côtés au moyen âge, et Marot s’y rattache de plus près encore. Avec l’avènement de la Pléiade, une rupture complète se fait : en un moment Villon a reculé dans un lointain où il disparaît. On a vu plus haut — trait vraiment significatif — que les éditions s’arrêtent brusquement en 1542. Les érudits de l’école s’intéressent encore à l’œuvre de Villon comme à une antiquité ; mais s’ils le jugent, c’est en général avec peu d’estime : Pasquier, tout en reconnaissant qu’il avait « un assez bel esprit », déclare gravement que son savoir « ne gisait qu’en apparence », et Du Verdier ne cache pas le souverain mépris qu’il lui inspire : « Je m’émerveille, dit-il, comme Marot a osé louer un si goffe ouvrier et ouvrage, et faire cas de ce qui ne vaut rien : quant à moi, je n’y ai trouvé chose qui vaille. » Ce n’était certainement pas l’avis de Mathurin Régnier ni de quelques autres ; mais ils n’ont pas exprimé leur sentiment. Le bon Fauchet seul n’a pas craint de dire qu’il aimait Villon, et que c’était « un de nos meilleurs poètes satyriques ».

Il est remarquable que l’école classique du XVIIe siècle ait marqué pour le poète si oublié ou si méprisé un retour imprévu d’admiration. C’est que le goût du naturel était revenu, et qu’on cherchait, non à jeter la langue dans un nouveau moule, mais à en reprendre la vraie et antique tradition. C’est dans ce sens que Patru écrivait : « Villon pour la langue avait le goût aussi fin qu’on pouvait l’avoir pour son siècle ». Boileau avait pour Patru, « le Quintilien de notre temps », comme il l’appelait, une déférence sans bornes, et je ne doute pas que ce ne soit tout simplement le jugement de Patru qu’il a enregistré dans ses fameux vers tant discutés :

Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers.

Il n’était pas, comme Chapelain ou La Fontaine, fureteur de vieux livres : il a dû s’en rapporter de confiance à l’opinion d’un juge auquel il soumettait tous ses ouvrages. Il est très vain de torturer, comme on l’a fait, le sens de ce passage : Boileau a simplement voulu dire que Villon était le premier poète français qui fût lisible et eût quelque chose de moderne, et il est permis de croire qu’il n’avait pas pris la peine de s’en assurer par lui-même.

Villon ne pouvait et ne peut guère être lu que dans un cercle assez étroit ; mais dans ce cercle il n’a cessé d’avoir de fervents amis. Sauf une éclipse longue en apparence, mais plus apparente que réelle, il a toujours été admiré, mais, comme tous les poètes vraiment originaux, qui ne livrent pas du premier coup et ne livrent jamais complètement le secret du charme qu’ils exercent, il l’a été pour des raisons différentes, et cette diversité est intéressante, car elle reflète les tendances des époques successives où elles se produisent. Ce que Marot relève en lui, c’est, nous l’avons vu, le talent de « décrire proprement », les « mille couleurs » dont il pare sa poésie, et aussi « sa belle doctrine )>. Au XVIIe siècle Patru est surtout frappé de la finesse de son goût en fait de langue. Au XVIIIe siècle, le P. Du Cerceau, — jésuite aimable et lettré qui a rimé au moins un conte agréable, et qui a écrit sur Villon tout un mémoire plein de sympathie, — loue surtout « le tour badin et le caractère enjoué » de sa poésie ; il remarque aussi l’aisance de son style et la richesse de ses rimes. L’abbé Massieu, à son tour, le regarde comme « l’inventeur de ce badinage délicat qui tient comme le milieu entre l’agréable et le bouffon », et constate que, bien que « les sujets qu’il traite roulent presque toujours sur des choses basses et sur des bagatelles, on ne laisse pas d’y trouver beaucoup de réflexions sérieuses et solides. » L’école philosophique a formulé par la plume de Daunou un jugement plus complet et plus pénétrant ; pour n’avoir été exprimé qu’en 1832, il n'en appartient pas moins encore au XVIIIe siècle : « Villon, dit Daunou, fait époque dans l’histoire de la poésie française Il ne demeure point enterré dans le genre érotique, dans les limites étroites de la galanterie chevaleresque… Tout ce qui est resté intelligible dans ses deux Testaments intéresse par l’originalité des idées et par la vivacité de l’expression, par le caractère naïf et ingénieux du style… Son grand mérite est de n’être jamais prosaïque. »

Notre siècle devait rendre à Villon plus pleine justice encore, et mieux démêler ce qui fait sa véritable originalité. Déjà sous la Restauration, dès le premier éveil du romantisme, Villemain, Sainte-Beuve (avec des réserves), Saint-Marc-Girardin, bientôt après, et plus nettement, Philarète Chasles, signalaient quelques-unes de ses qualités maîtresses, « son libre génie », « sa raillerie amère et sa poignante gaieté », les dons « qui lui appartenaient en propre et que nulle influence étrangère n’avait modifiés ». Mais c’est en Théophile Gautier que l’admiration de l’école romantique pour Villon trouva son véritable, éloquent et excellent interprète (1832). Gautier a parfaitement saisi et rendu la physionomie si étrangement attirante du poète, son sourire mêlé de larmes, la profondeur de sa « mélancolie désespérée », les éclats de gaieté de sa verve écolière, la misère de sa jeunesse famélique et débauchée, le relief et la nouveauté de ses images, le pittoresque éclatant de ses tableaux. Il a surtout, le premier, signalé dans Villon un poète éminemment « égotiste », et reconnu que cette personnalité même répandue dans l’œuvre était ce qui la rendait si attachante. Poète expliqué par un poète, Villon, on peut le dire, était désormais compris tout entier, bien qu’on pût ajouter encore au portrait quelques touches de détail, quelques ombres et quelques lumières. A côté de cette vue pénétrante et juste il faut faire, dans l’étude de Gautier, une certaine part à l’engouement du romantisme pour le mélange du trivial et du tragique, du sérieux et du bouffon : ce goût, dans les œuvres du chantre des Pendus et des Dames du temps jadis, était servi à souhait.

Par une singulière bonne fortune, ce poète cher au romantisme ne plut pas moins aux défenseurs ou restaurateurs de la tradition. Nisard, en son Histoire de la littérature française (1844), parle de lui avec sympathie et intelligence. Il remarque très justement, ce qui a été à bon droit souvent répété depuis, que Villon est vraiment novateur en ce qu’il « n’imite pas le Roman de la Rose: il laisse ces froides allégories et ce savoir indigeste ; presque toutes ses pensées sortent de son fonds… Il lit dans son cœur et tire ses images des fortes impressions qu’il reçoit. » Il va jusqu’à lui pardonner les turpitudes de sa vie en faveur de ses vers, et, se refusant à accepter l’opinion qui fait de Charles d’Orléans et non de Villon le premier poète moderne, il conclut excellemment : « Charles d’Orléans est le dernier poète de la société féodale ; Villon est le poète de la nation, laquelle commence sur les ruines de la féodalité qui finit ». Ce beau zèle a d’ailleurs un stimulant sans lequel il se serait peut-être moins étalé : il s’agit de maintenir intacte l’autorité de l’Art poétique : « N’amendons pas le jugement de Boileau ! ». Des appréciations analogues à celles qui précèdent étaient formulées dans les histoires de la littérature française de Géruzez et de Demogeot et dans des histoires de France comme celle de Henri Martin : Villon devenait classique.

En cette qualité il était naturel qu’il fournît le sujet d’une thèse de doctorat : c’est ce qui arriva en 1859. Le livre d’Antoine Campaux, François Villon, sa vie et ses œuvres, est très digne d’éloges dans sa partie littéraire (la partie biographique ne contient rien de nouveau, et la partie critique est faible[7]. Je lui ai emprunté plus d’une indication et même plus d’une remarque, et il méritera toujours d’être lu. L’auteur aimait son héros : il s’était pris pour lui d’une affection presque ingénue, que Sainte-Beuve, dans l’article qu’il consacra à son livre, a caractérisée par un charmant apologue. Cet article est curieux : Sainte-Beuve n’avait pas jadis — et il le reconnaissait sans doute en lui-même — donné, dans son Tableau de la poésie au XVIe siècle, une place assez importante à Villon, ni marqué sa physionomie d’un trait assez fouillé. Il est clair qu’il en veut un peu à ceux qui agrandissent, excessivement à son avis, cette place, et idéalisent, suivant lui, cette physionomie. Il considère qu’il se forme autour de Villon une « légende », grâce à laquelle ses qualités sont amplifiées, ses obscurités passant pour des profondeurs et ses défauts pour des traits de génie ; il le réduit à peu près à être une sorte de chansonnier grivois et malin, — tout en lui reconnaissant, presque à contre-cœur, des dons supérieurs à ceux-là, — et se refuse surtout à croire à sa mélancolie. « C’est un cri de damné ! » avait dit le bon Campaux après avoir transcrit avec horreur quelques vers de la ballade de la Grosse Margot. Sainte-Beuve proteste contre une telle exagération et pense que Villon « but avec plaisir jusqu’à la fin le vin dont il s’enivrait ». Mais vraiment, s’il avait relu telle ou telle strophe du Testament, — une de celles par exemple que cite Gautier, — il aurait vu que le poète a bien souvent senti l’amer déboire du vin dont il s’enivrait et a poussé sur lui-même une lamentation sinon satanique, au moins sincère et désolée. Le grand critique, si habile à pénétrer les replis des âmes et à discerner les nuances des talents, s’est trouvé cette fois, je le crains, être un peu superficiel.

Mais sa réserve n’arrêta pas le courant toujours grossissant de la renommée rajeunie du poète parisien. En 1875, A. de Montaiglon donnait à l’appréciation moderne de la poésie de Villon une forme à peu près définitive : « On ne dira jamais assez à quel point le mérite de la pensée et de la forme y est inestimable — La bouffonnerie, dans ses vers, se mêle à la gravité, l’émotion à la raillerie, la tristesse à la débauche ; le trait piquant se termine avec mélancolie ; le sentiment du néant des choses et des êtres est mêlé d’un burlesque soudain qui en augmente l’effet. Et tout cela est si naturel, si net, si franc, si spirituel ; le style suit la pensée avec une justesse si vive, que vous n’avez pas le temps d’admirer comment le corps qu’il revêt est habillé par le vêtement Il a tout, la vigueur et le charme, la clarté et l’éclat, la variété et l’unité, la gravité et l’esprit, la brièveté incisive du trait et la plénitude du sens, la souplesse capricieuse et la fougue violente, la qualité contemporaine et l’éternelle humanité. Il faut aller jusqu’à Rabelais pour trouver un maître qu’on puisse lui comparer, et qui écrive le français avec la science et l’instinct, avec la pureté et la fantaisie, avec la grâce délicate et la rudesse souveraine que l’on admire dans Villon, et qu’il a seul parmi les gens de son temps. » Et ailleurs, rappelant les jugements de plus en plus favorables portés par les critiques antérieurs, il conclut : « Tous sont, avec raison, unanimes à reconnaître l’originalité, la valeur aisée et puissante, la force et l’humanité de la poésie de Villon. Pour eux tous, et ce jugement est aujourd’hui sans appel, Villon n’est pas seulement le poète supérieur du xVe siècle, mais il est aussi le premier poète, dans le vrai sens du mot, qu’ait eu la France moderne L’appréciation est maintenant juste et complète ; d’autres viendront qui le loueront avec plus ou moins d’éclat et de talent, qui le jugeront avec une critique plus ou moins solide ou brillante ; mais désormais les traits de la figure de Villon sont arrêtés de façon à ne plus changer, et ceux qui entreprendront d’y revenir ne pourront rester dans la vérité qu’à la condition de s’en tenir aux mêmes contours. »

Montaiglon avait raison. Ce qu’on a écrit depuis sur Villon ne fait que reproduire, avec des variantes et des nuances personnelles, le jugement d’ensemble dont il avait résumé les traits, en les accentuant seulement un peu plus que ne l’ont fait quelques-uns de ses successeurs ; M. Bijvanck, toutefois, est allé plus loin encore dans l’enthousiaste admiration de notre vieux poète[8]. Mais les auteurs des plus récentes histoires de la littérature française, — parmi lesquels je citerai seulement MM. Lanson, Brunetière, Petit de Julleville en France, Saintsbury en Angleterre, Suchier en Allemagne, — ont tous exprimé sur la poésie de Villon une opinion analogue, et je n’ai fait moi-même, avec quelques restrictions, que la développer dans les pages qu’on a lues plus haut.

Le succès d’un poète ne se mesure pas seulement aux jugements que portent de lui les critiques : il est plus sensible encore dans l’influence que ce poète exerce sur les poètes qui viennent après lui. Celle de Villon fut considérable dès l’abord et elle n’a pas cessé d’agir. Tandis que les poètes officiels de son temps s’abstiennent, comme on l’a vu, de le mentionner, tout une famille poétique, aussitôt que ses œuvres se répandent, vient se grouper autour de lui. De ces imitateurs, chacun, dans la poésie si complexe et si changeante du maître, prend et développe le trait qui lui convient. A peine la ballade des « folles amours » avait-elle paru que Guillaume Alexis lui empruntait son refrain : Bienheureux est qui rien n’y a, pour la moitié des quatrains de son Débat de l’homme et de la femme (l’autre moitié ayant le refrain contraire : Malheureux est qui rien n’y a). D’autres, assez nombreux, ont imité et varié plus ou moins heureusement le cadre ingénieux du « testament » poétique. Tout un groupe de rimeurs, dont quelques-uns ne manquent pas de talent (par exemple l’auteur inconnu de la Résolution d’amours), ont pris à Villon sa façon de traiter l’amour, ce mélange d’adoration et d’ironie, cette attitude successivement extatique, déçue et injurieuse. Le côté bohème de sa vie et de son œuvre a inspiré des livres comme les Repues franches, Pierre Faifeu, et sans doute aussi, et cela de très bonne heure, la farce immortelle de Patelin. Mais c’est la manière même de Villon, surtout dans la partie descriptive, plaisante et satirique de ses poèmes, que nous retrouvons, avec la marque distincte de la personnalité de chacun des auteurs, dans le charmant monologue du Franc Archer de Bagnolet (1468), dans les petites pièces de Henri Baude, dans les œuvres basochiennes de Coquillart et, plus tard, de son disciple Roger de Collerye.

Tous ces « hoirs Villon », comme dit une pièce du temps (en parlant, il est vrai, de pauvres diables et non de poètes), lui ressemblent par quelque côté ; mais leur imitation est presque inconsciente : elle est pour ainsi dire dans l’air du temps ; elle se produit et se continue d’elle-même. Il en est autrement quand nous arrivons à Clément Marot. Marot est d’une tout autre génération et sort, originairement, d’une autre école, celle des « rhétoriqueurs », dont son père était un des représentants les plus appréciés. Villon exerce sur lui une influence profonde et décide la voie dans laquelle il s’engage, à l’encontre de ses premiers maîtres : c’est ici l’artiste qui, parfaitement conscient, s’attache à dérober à un maître les secrets de son art. Il la honnêtement proclamé lui-même, et il serait intéressant de suivre de près dans son œuvre les traces de l’influence exercée par le poète qu’il admirait.

On a vu que la Pléiade avait rejeté Villon et son école aussi dédaigneusement que l’avaient fait les « rhétoriciens » du XVe siècle ; mais il y avait des poètes qui continuaient à le lire. On ne peut guère douter, quoi qu’on en ait dit récemment, que Régnier le connût et sût l’apprécier. Dans toute cette troupe « satyrique » et fantaisiste qui bruit, sous Louis XIII, autour de Théophile et de Saint-Amant, on signalerait sans peine plus d’une ressemblance avec le chantre de la belle heaumière, le peintre du charnier des Innocents, le bohème errant par les rues du vieux Paris et s’arrêtant à tous les cabarets, notamment à cette fameuse Pomme de Pin, toujours ouverte après deux siècles. Sous le règne de l’école purement classique, Villon, nous l’avons dit, eut la singulière fortune d’être admiré de Patru et mis en bon rang par Boileau ; il fut chéri de La Fontaine : « Feu M. de la Fontaine, dit le P. Du Cerceau, le connaissait fort bien : il avait trouvé à profiter dans ses œuvres, et je suis persuadé que pour la gentillesse et la naïveté il en avait plus appris de Villon que de Marot lui-même ». Au XVIIIe siècle c’est Voltaire qui en fait son profit, surtout dans ses œuvres de jeunesse, où on retrouve plus d’un tour et d’un trait de son célèbre compatriote.

Les premiers coryphées du romantisme donnaient à leur essor poétique une trop haute envergure pour le modeler sur le vol capricieux et saccadé du moineau parisien. Musset, dont Sainte-Beuve le rapproche un moment, et qui était imbu de Régnier, ne montre guère de traces de l'influence de Villon[9]. Mais la seconde génération s’éprit de cette poésie fantasque et pittoresque. Gautier, qui l’a si bien apprécié comme critique, a souvent cherché à reproduire le tour alerte et la couleur intense de ses vers. Les strophes sur les ossuaires des Innocents ont inspiré le Temple de la Mort et beaucoup d’autres poésies « macabres », tandis que les pièces consacrées aux filles de joie trouvaient écho dans les ripailles poétiques des « Jeune-France ». Banville goûta surtout la vive allure rythmique des strophes de Villon et la liberté primesautière de sa fantaisie ; il écrivit maint pastiche du vieux poète, dont il prétendit même réhabiliter la vie. Baudelaire en Villon aima ce mélange naïf d’attrait et de dégoût pour le vice qu’il exprima à son tour avec un art savant et singulier, dépourvu de toute naïveté. Plus récemment, c’est le bohème, le gueux, le souteneur même qui excita l’admiration d’une autre école. Verlaine fut un Villon moderne, qui, comme l’ancien, connut le vice, la misère et la prison, qui aima d’un amour alterné Margot el la Vierge Marie, et qui sut, comme l’ancien, conserver au milieu de son « ordure » une fleur de rare poésie. M. Jean Richepin, moins spontanément, mais avec une connaissance plus intime, l’imita dans ses œuvres volontairement triviales et le proclama comme son maître et son modèle ; il termine sa « ballade Villon » par cet Envoi :

Prince, arbore ton pavillon,
Et tant pis pour qui te renie,
Roi des poètes sans billon.
Escroc, truand, marlou. Génie !


La plus étonnante des fortunes posthumes de maître François, c’est d’avoir été adopté, il y a une quarantaine d’années, par l’école anglaise qui, groupée autour de Rossetti, inaugurait en même temps ou renouvelait le mysticisme, le symbolisme et l’« esthétisme ». Il se fonda une Villon Society, — qui, il faut le dire, abrita parfois sous ce pavillon une cargaison assez suspecte ; — M. John Payne a traduit avec un remarquable talent l’œuvre entière de l’écolier parisien, dont Rossetti lui-même, M. A. Swinburne et d’autres mirent aussi quelques ballades en vers anglais el imitèrent plus d’une fois l’inspiration et la manière[10]. Certes il ne se doutait pas, quand il priait pour l’âme du bon feu Cotart ou qu’il mettait en vers crûment plastiques les regrets de la belle heaumière sur son corps livré aux outrages du temps, que ses huitains faits pour les « compagnons » du quartier latin, charmeraient, quatre siècles après sa mort, les raffinés de l’autre côté de la Manche et seraient imités par eux avec une studieuse sympathie. Ce qui faisait aux yeux des « esthètes » le plus grand attrait de son œuvre, c’était, pour la forme, la sûreté de sa touche et la précision de son style, et, pour le fond, ce déséquilibre moral qui exerçait une troublante attirance sur ces âmes singulières, ouvertes à la fois aux aspirations d’un mysticisme lilial et aux suggestions perverses d’une dépravation au moins intellectuelle.

Quand on a passé en revue tous ces témoignages, toutes ces preuves de l’admiration provoquée et de l’influence exercée depuis quatre siècles par le mince recueil de Villon, on est émerveillé de cette intensité de succès du « pauvre petit écolier » qui osait à peine souhaiter qu’il restât de lui quelque mémoire

Telle qu’elle est l’un bon folastre.


Il a suffi de quelques centaines de vers, écrits, au hasard d’une verve fantasque, dans la petite chambre du cloître Saint-Benoit, au coin d’une tombe du cimetière des Innocents, au fond d’une basse fosse, sur la table d’une taverne ou d’un bouge, pour que le nom transmis par maître Guillaume de Villon à son pupille soit devenu immortel, pour que des érudits s’attachent avec une passion tenace à retrouver dans les archives la trace des vagabondages de ce bohème, marqués à chaque pas par un méfait ou une condamnation, pour que des générations successives de poètes cherchent dans cette poignée de rimes jetées à tous les vents une inspiration et un modèle. Merveilleuse puissance de l’art, et, aussi, merveilleux effet de cette sincérité qui chez Villon fait partie de l’art, et qui manque souvent à des œuvres bien plus puissantes, plus riches et plus belles que la sienne ! s’il est vrai que le moi, en un certain sens, soit haïssable, il n’est pas moins vrai, dans un autre sens, qu’il possède un singulier et impérissable attrait. Ce qui a le plus charmé les lecteurs des XVIe et XVIIe siècles, dans l’œuvre du poète parisien, c’est son habileté à manier la langue et le vers, sa fantaisie imprévue, sa malice, son enjouement, son talent de description ; aujourd’hui, — sans que tous ces dons octroyés à l’auteur du Testament par la fée dont il se dit « extrait » aient perdu de leur prix à nos yeux, — ce qui nous attache le plus à lui, c’est ce qu’il nous a révélé de son cœur faible et ardent, de son âme mobile, de ses passions, de ses souffrances et de ses remords. Aux générations qui viendront après nous d’autres aspects encore s’offriront peut-être qui les captiveront d’une façon nouvelle ; ce qui est certain, c’est que Marot était bon prophète quand, après avoir dit que « le temps qui tout efface n’a su jusqu’ici effacer l’œuvre de François Villon », il ajoutait : « et moins encore l’effacera ores et d’ici en avant ».
  1. L’imprimerie ne fut introduite à Paris que quand le poète, bien probablement, était déjà mort, et elle n’entra que lentement dans les mœurs.
  2. Il faut cependant noter qu’il dit expressément (voir ci-dessus, p. 136, n. ) envoyer ses « sornettes » au « sénéchal » ; mais ce n’était sans doute pas un grand seigneur.
  3. Il est toutefois très possible que cette édition, la plus ancienne qui nous soit parvenue, ne soit pas en réalité la première.
  4. Il est juste de mentionner, parmi les meilleures études faites dans ces limites, celle de G. Nagel, qu’il avait publiée (en allemand) en 1859, et qu’on a jugé bon de réimprimer en 1882, bien qu’elle ne fût plus au courant.
  5. Je ne puis ne pas dire ici que M. Marcel Schwob a mis à ma disposition non seulement tous les documents qu’il a réunis et dont plusieurs sont encore inédits, mais son interprétation personnelle, toujours si pénétrante, de plusieurs passages de l’œuvre du poète. Presque tout ce que les gens au courant de ces questions pourront remarquer de nouveau dans mon esquisse biographique est dû à ces précieuses communications. Or M. Schwob a lui-même à peu près terminé un ouvrage considérable sur Villon. Je crois qu’un tel procédé, rare dans la république des lettres, mérite d’être signalé.
  6. Des quatre copies qui nous ont conservé le poème de 1456, l’une l’appelle en effet Lais, l’autre Testament ; les deux autres, où il précède le poème de 1461, l’appellent l’une le Petit Testament, l’autre le Premier Testament. Le titre de Petit Testament, adopté par le premier éditeur, a prévalu.
  7. Campaux a notamment eu le tort, non seulement d’accepter comme authentiques des pièces qu’un éditeur du xVIe siècle avait jointes (non sans les en distinguer) aux œuvres de Villon, mais d’extraire de divers recueils une série de ballades, rondeaux, etc., qu’il attribue sans raison à notre poète, et qui ont traîné ensuite dans plusieurs éditions.
  8. Un autre critique néerlandais, M. A. Van Hamel, a tracé de Villon un portrait plein de vie et fort bien apprécie son œuvre.
  9. J’en ai indiqué une plus haut : comme Villon dans ses Lais, Musset dans Namouna nous entretient d’un « chagrin domestique » et de sa bougie soufflée.
  10. On ne saurait parler du succès de Villon en Angleterre sans rappeler les belles études dont il a été l’objet de la part de Sir Walter Besant (dès 1868) et de M. Andrew Lang, el la vigoureuse eau-forte — un peu trop poussée au noir seulement — de Louis Stevenson, qui est d’ailleurs moins littéraire que biographique (elle fut écrite à propos du premier livre de M. Longnon).