Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 10


Afin de bâtir une nouvelle stratégie d’aménagement du territoire, le pouvoir politique doit avoir la volonté d’agir et la conviction que l’État se chargera de la piloter au nom de l’inté­rêt général. Il devra certes articuler son action avec les régions et les départements, mais ces derniers ne peuvent se positionner que si l’État existe et investit. Pour y réussir, je propose trois orientations:

  •  le vote d’une loi-cadre;
  •  la relance de l’investissement;
  •  la réforme de nos services publics.

Donnons à cet effet une loi-cadre à l’État (Charles Pasqua en avait fait voter une en 1994, qui n’a jamais été mise en œuvre, avant de disparaître avec la nouvelle loi Voynet). Un plan global négocié avec les régions, fixant des objectifs territoriaux et s’employant à valoriser leurs atouts et corriger leurs handicaps, est également nécessaire. L’enjeu est de mettre enfin en cohérence les projets publics des uns et des autres pour éviter, d’un côté, le saupoudrage des crédits, de l’autre, leur concentration toujours dans les mêmes territoires.

L’enjeu est aussi, bien entendu, de définir une vision à long terme. Les grandes multinationales ont toutes une copie stratégique à vingt ans, et la France serait condamnée à gérer à l’année! Par exemple, nous savons très bien que les cartes hospitalières, judiciaires et militaires doivent évoluer. Plutôt que de gérer les redéploiements dans le désordre et dans l’urgence, c’est-à-dire par à-coups, pourquoi ne pas anticiper et répartir entre les villes moyennes d’une région les équipements principaux? Nous éviterions ainsi la concentration dans les métropoles régionales de tous les regroupements, lesquels génèrent parfois à leur tour des problèmes et des dépenses nouvelles.

Dans le même esprit, il est temps d’organiser davantage le développement de l’Île-de-France (le préfet Delouvrier, inventeur des villes nouvelles sous la présidence du général de Gaulle, avait déjà commencé). Là aussi, c’est une vision d’ensemble qu’il nous faut, et surtout la volonté d’agir pour mieux coordonner les investissements publics. Le projet de schéma directeur en cours de préparation ne servira, comme le précédent, à rien, s’il se contente d’énoncer des vœux pieux. L’État doit à nouveau pouvoir donner son avis sur les grandes implantations tertiaires en Île-de-France. Il doit épauler le nouvel Établissement public foncier régional, pour casser la spéculation et rééquilibrer l’implantation des logements et des emplois.

Pour éviter le « mitage » urbain qui grignote toujours plus d’espaces naturels, il est nécessaire, par des mesures financières, d’inciter les collectivités à préserver leurs terres agricoles. Enfin, nous avons besoin d’investir dans les infrastructures de transports en commun, notamment en Grande Couronne.

Il ne s’agit bien évidemment pas de revenir aux années 1960, qui ont produit leur lot d’erreurs et de dysfonctionnements. Rien ne sera possible sans les collectivités locales. Mais, en investissant massivement, l’État doit retrouver son pouvoir d’influence et de mise en cohérence.

Les contrats de plan État-région sur cinq ans constituaient le bon moyen (chacun apportant des financements sur des projets cohérents) d’inciter les ministères et les collectivités à investir dans un plan d’ensemble.

Malheureusement, ils ont été vidés de leur sens par un État paupérisé. Reprenons cette démarche pour réussir, notamment, à conserver notre atout dans le domaine des transports. C’est pourquoi, d’ailleurs, les recettes des péages évaluées à une trentaine de milliards d’euros dans les vingt prochaines années étaient initialement affectées à cet objectif. Seulement, le choix fait par le gouvernement de privatisations coûteuses et à courte vue privera la France d’une telle recette. Cette situation contraire à l’intérêt général devra être corrigée.

Il faudra néanmoins, un jour ou l’autre, pour réduire l’effet de serre lié à la surconsommation de pétrole, se décider à investir durablement dans le transport fluvial (liaison Rhin-Rhône et amont de la Seine), les TGV (Bordeaux, Toulouse, Nice), la ligne nord-sud pour le fret ferroviaire et les tramways dans toutes les métropoles françaises. On n’échappera pas non plus, si l’on veut réduire la pollution sonore et atmosphérique que subissent des millions de Franciliens, à la construction d’un troisième aéroport dans une zone faiblement urbanisée. Enfin, la France pourrait mettre en valeur ses territoires ruraux en accélérant la constitution d’un réseau à très haut débit.