Fragments extraits du Kandjour/Préface

Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimetp. v-xiii).

PRÉFACE

Lorsque j’ai préparé, pour le tome II des Annales du musée Guimet paru en 1881, la traduction de l’Analyse du Kandjour et du Tandjour publiée en anglais par Csoma de Körös en 1836, j’y avais joint, à titre de spécimen, un recueil de fragments traduits du Kandjour, dont quelques-uns étaient inédits, mais qui, pour la plupart, avaient déjà paru dans divers recueils, notamment dans le Journal asiatique. Ce travail n’ayant pu être mis, comme je l’avais espéré, à la suite de l’Analyse de Csoma et dans le même volume, il fut décidé que lesdites traductions seraient imprimées en un volume spécial qui devait être le cinquième des Annales. Mais alors, le même recueil, qui avait été jugé trop considérable pour entrer dans le volume II, se trouvait bien exigu pour former le volume V. Je profitai donc de la circonstance pour le grossir de quelques traductions nouvelles, déjà commencées ou projetées, qui n’avaient pas été prêtes à temps pour entrer dans la première formation. Ainsi s’est constitué par adjonctions successives le volume que nous offrons aujourd’hui au lecteur.

Ce recueil est formé, comme il vient d’être dit, de pièces dont les unes ont déjà été imprimées, dont les autres le sont pour la première fuis. Dans le cours du volume, j’indique pour chaque article réimprimé, la publication antérieure, le recueil dans lequel cette publication a été faite, le rapport qu’il y a entre la réimpression et la publication antérieure (car la réimpression n’est jamais intégrale ; il y a toujours des notes ou des considérations qui ont été soit supprimées, soit abrégées). Mais il me paraît utile de présenter ici en un tableau ce qui a déjà paru et ce qui paraît pour la première fois. Je suis l’ordre dans lequel les fragments se succèdent.

Ont déjà paru :

I

Mort d’Ananda. Conversion du Kaçmir. Succession des premiers pontifes Bouddhistes, p. 84-86. (Journal asiatique, 1866.)

II et III

Les quatre vérités et la rotation de la roue de la Loi (prédication de Bénarès), p. 111-121.

Sûtra des quatre vérités sublimes, p. 122-123. (Journal asiatique, 1870.)

IV

Sûtra de l’enfant ou de jeunes gens, p. 134-8. (Journal asiatique, 1868)

V

La fréquentation de l’Ami de la Vertu, p. 140-1. (Journal asiatique, 1866 et 1872.)

VI

Mahâ karunâ pundarîka Sûtra, Ier chapitre, avec introduction, p. 153-175.

Compte rendu des séances du Congrès
des Orientalistes de Paris, en 1872.  

VII-IX
Tridharmaka (la partie en prose), p. 193-5.
(Journal asiatique. 1866.)

Catur-dharmaka-Sutra, p. 195-7.
(Journal asiatique, 1866.)

Catur-dharmaka-nirdeça, p. 197-8.
(Journal asiatique, 1866)

X
Catuska nirhâra, p. 199-220.
(Journal asiatique, 1867.)

XI
Maitrî bhavanâ-Sûtra, p. 221-223.
(Journal asiatique, 1871.)

XII
Mangala-Sutra pâli, p. 224-227.
(Journal asiatique, 1871.)

Le Rire du Buddha (p. 300-5), était connu déjà par les travaux du Burnouf dans lesquels se trouve un des passages qui en donnent la description.

XIII
Brahmaçri-Vyâkarana, p. 372-5.
(Revue Orientale, 1866.)

XIV
Xemavatî-Vyâkarana, p. 375-381.
(Revue Orientale, 1866.)

XV

Sûtra du Soleil et de la Lune, p. 411-13.

(Revue de l’Orient, 1864.)
(Journal asiatique, 1872.)

Paraissent pour la première fois :

I

Çâriputra et Maudgalyâyana, p. 4-12.

Premières prédications de Çâkya, p. 14-32.

II

Retour de Çâkya dans son pays, p. 34-63.

III

Mort de Prasenajit. Attaque contre les Çâkyas. Royauté de Çambaka. Mort de Virûdhaka. p. 65-76.

IV

Instructions du Buddha pour la compilation de sa doctrine, p. 77-80.

V-XII

Défense d’admettre dans la confrérie :

Quiconque n’a pas l’autorisation de ses parents ; — les parricides ; — les meurtriers d’un Arhat ; — ceux qui mettent la division dans la Confrérie ; — ceux qui ont répandu le sang par hostilité pour le Tathâgata ; — ceux qui ont commis un des quatre grands crimes.

Défense de se frotter le corps avec des briques ; — de s’enduire les dents, p. 88-108.

XIII

Prédication sur le non-moi, p. 124-6.

XIV

Prédication sur le mont Gaya, p. 128-132.

XV

Giri-Ananda et Mahâ-Kâçyapa-Sûtra, p. 145-152.

XVI

Prajñâ-pâramitâ-hṛdaya ;i, p. 177-9.).

XVII

Nairatma-paripṛccha, p. 180-6.

XVIII

Alpa-devatâ-Sûtra, p. 189-191.

XIX

Mangala-Sûtra tibétain, p. 224-7.

XX
Pancaçixanîçamsa-Sûtra, p. 230-243.
XXI

Nandika Sûtra, p. 243-249.

XXII

Karma-vibhâga, p. 250-279.

XXIII

Fin de l’histoire du parricide, p. 280-7.

XXIV

Les Pretas de Vinduvatî. p. 288-291.

XXV

Sukarika-avadâna, p. 293-5. Le rire du Buddha, p. 300-1.

XXVI

Dîpankara-vyâkarana, p. 305-321.

XXVII

Histoire de Sumedha, p. 321-361.

XXVIII

Mahallika-paripṛccha, p. 362-371.

XXIX

Huitième chapitre du Karma-çataka, p. 382-403.

XXX

Les quatre chars, p. 404-407.

XXXI

Soumission de Nandopananda, p. 414-419.

XXXII-XLII

Vaivali-praveça. — Mâricya-dhârani. — Avalokiteçvara-ekâdaça-mukha-dhârani. — Quatre Dhâranîs de Manjuçri. — Deux Dhâranîs relatives aux Pretas. — Surûpa-dhârani. — Sapta-vetâla-dhârani. — Sarvaroga-jvara-axiroga-praçamani dhârani. — Gâthâ-dvayadharanî, p. 423-468.

XLIII-XLVI
Cinq stances de bénédiction du Tathâgata. — Stances des trois joyaux et des douze actes. — Stances de bénédiction des trois familles, p. 469-475.

Sur plus de cinq cents pages, cent à peine sont occupées par la réimpression, le reste est nouveau. La proportion des textes inédits est donc assez forte, de plus des quatre cinquièmes.

Il fallait distribuer ces fragments pris de part et d’autre selon un certain ordre. La tâche était difficile ; peut-être n’était-il pas possible de la mener à bonne fin. J’aurais pu adopter les divisions du Kandjour et classer les morceaux dans l’ordre où nous les présente cette vaste compilation. Mais le système n’eût pas été sans inconvénient, d’autant plus que certains textes sont répétés dans plusieurs parties du recueil. Il m’a paru préférable d’adopter un arrangement plus conforme à nos habitudes et fondé sur la nature des divers morceaux. Je me suis donc déterminé à les distribuer sous les rubriques suivantes :

1. Histoire.
a. Renaissances diverses.
2. Discipline.
b. Prédictions.
3. Dogme. 6. Prodiges.
4. Morale. 7. Dharanis et Mantras.
5. Transmigration subdivisée en 8. Stances.

Assurément cette classification peut être critiquée. On peut lui faire, entre autres, ce reproche que tel texte mis sous telle rubrique pourrait aussi bien être mis sous telle autre. Il y a des textes qui pourraient venir sous plusieurs rubriques à la fois. Peut-être aussi aurait-on pu employer d’autres rubriques ou en ajouter quelques-unes. Mais je doute fort que les divers essais auxquels on pourrait recourir fussent beaucoup plus satisfaisants : et j’espère que la combinaison à laquelle je me suis arrêté, si elle n’est pas jugée irréprochable, paraîtra aussi acceptable que toute autre qu’on eût pu proposer.

Après tout, l’ordre dans lequel on range des fragments est secondaire. L’important, c’est l’interprétation des textes. J’ai naturellement fait tous mes efforts pour les entendre et les rendre le mieux possible ; je n’ai pas toujours réussi au gré de mes désirs. Un travail de cette nature présente des difficultés de plus d’un genre. D’abord la langue, qui n’est pas facile ; puis, le sujet, qui est, dans bien des cas, très obscur ; enfin l’état du texte, qui est fort défectueux. Ce n’est pas que l’édition du Kandjour que possède la Bibliothèque nationale, et qui a été mon unique ressource, soit très incorrecte ; elle est, on peut le dire, d’une correction suffisante quoiqu’il s’y trouve bien quelques fautes et qu’on y rencontre assez fréquemment de grandes variations d’orthographe sur des mots peu connus et rares. Mais elle est commune et très mal imprimée ; il y a des lettres, des mots, des portions de lignes tellement empâtées que tout est noir, ou si peu marquées qu’à peine peut-on distinguer quelques imperceptibles traits ; souvent la planche a bougé et l’empreinte est brouillée ; d’autres fois, le mal vient du papier, raboteux et épais en certains endroits, en d’autres si mince que la matière fait défaut. Ces nombreux inconvénients sont heureusement atténués par les fastidieuses répétitions dont sont remplis les textes bouddhiques, et qui, du moins, dans ce cas-là, servent à quelque chose. D’ordinaire, une phrase illisible et inintelligible, se trouve répétée clairement et lisiblement un peu plus loin. Mais cet avantage ne se présente pas toujours, et il faut quelquefois s’évertuer à déchiffrer un passage effacé ou le laisser en blanc.

Ce concours de circonstances défavorables rend assez ardue la tâche du traducteur. J’aurais sans doute pu, dans certains cas, m’exprimer en termes plus intelligibles que je ne l’ai fait ; mais j’aurais risqué de m’écarter trop du texte. J’ai mieux aimé le suivre de plus près, au risque d’être quelquefois plus obscur.

Bien des points, même suffisamment clairs, auraient exigé certaines explications ; à plus forte raison ceux qui sont difficiles en auraient-ils eu besoin. Je ne pouvais entrer dans cette voie qui m’eût entraîné trop loin. Cependant, dans plusieurs cas, un peu par exception, j’ai ajouté quelques notes explicatives. Je me proposais d’ailleurs de mettre à la fin du volume des tables où je présenterais, sous une forme plus appropriée à nos habitudes, certaines données assez bizarres de nos textes, et où je réunirais comme en un faisceau certains détails analogues et s’éclairant les uns par les autres, mais épars. Une table analytique et une table des noms propres renfermant d’assez grands développements devaient donc dans ma pensée compléter et expliquer le recueil.

Je n’ai pas exécuté ce plan dans son entier. La table analytique a pu être faite, et on l’a jointe au volume. Mais la table alphabétique a été commencée, non achevée. Elle avait le double inconvénient de prendre beaucoup de place et d’exiger beaucoup de temps. Si j’avais persisté, l’apparition du volume aurait subi un retard considérable et la table aurait été incomplète. J’y ai donc renoncé. Je n’abandonne pourtant pas absolument ce travail. Je me propose de le continuer à mon loisir ; et je verrai, quand il sera achevé, quel parti il sera possible d’en tirer. Les textes dont j’offre la traduction sont plus ou moins hérissés de noms tibétains. Ces noms ayant une forme assez rébarbative et n’étant d’ailleurs que des traductions de noms sanskrits, je me suis fait une loi de donner, presque sans exception, tous les noms sous leur forme sanskrite, forme quelquefois connue avec certitude, le plus souvent rétablie par conjecture. Ordinairement, et, dans le dernier cas, toujours, je donne en note le terme tibétain fourni par le texte.

Pour rendre les morceaux traduits plus clairs et d’une lecture plus commode, j’ai pris sur moi d’y introduire quand ils sont un peu longs, des divisions et mêmes des intitulés qui ne sont pas dans le texte original.

Cette précaution a été généralement omise dans les morceaux réimprimés ; mais elle n’a été négligée dans presque aucun de ceux qui paraissent pour la première fois. Il n’y a là aucune altération du texte. La lecture est seulement rendue plus facile et plus commode. Presque toujours j’avertis dans les préambules qui précèdent les divers articles que les divisions et leurs intitulés sont le fait du traducteur et ne figurent pas dans le texte original. Mais il était utile de prévenir le lecteur d’une manière générale, comme je le fais ici.

La nature de ce volume, les circonstances dans lesquelles il a été formé ne permettaient pas d’y faire entrer autre chose que des traductions du tibétain. Cependant il était impossible de n’y pas intercaler des traductions du pâli, quand les textes tibétains correspondent à des textes pâlis dont ils s’écartent à peine. Une de mes visées principales dans mes études sur le Bouddhisme ayant été de rapprocher des textes qui proviennent de littératures différentes, et spécialement des textes pâlis et tibétains, je ne pouvais guère me dispenser de donner parallèlement la traduction des textes tibétains et pâlis dont l’identité est presque complète. Aussi n’y ai-je pas manqué. Mais il est des textes en langues diverses trop dissemblables pour être traduits parallèlement, trop semblables pour qu’on néglige de les rapprocher les uns des autres. Ne pouvant les introduire dans un recueil de fragments du Kandjour, et ne pouvant me résigner à n’en tenir aucun compte, je me suis décidé à les mettre à la suite en appendice. Il n’est pas un des textes dont se compose cet appendice qui ne puisse être rapproché utilement d’un ou de plusieurs des textes tibétains dont la traduction forme le gros du volume.

Sauf le premier des articles qui composent l’appendice (article formé de plusieurs versions parallèles dont une était connue par la traduction du Lalitavistara de M. Foucaux), tout y est nouveau. Du moins, je n’ai publié auparavant la traduction d’aucun de ces morceaux, et je ne sache pas que quelque autre m’ait devancé en cela.

Le système de transcription que j’ai adopté est celui qui est esquissé dans la préface de l’analyse du Kandjour et du Tandjour insérée dans le tome II des Annales du Musée Guimet. Je ne donne donc pas ici mon alphabet. Je rappelle seulement que le principe de ce système est une simplification de la transcription aussi grande que possible. On n’y emploie en général qu’une seule lettre romaine pour rendre une seule lettre de l’alphabet original ; on utilise toutes les lettres de l’alphabet romain en leur donnant les valeurs qu’elles peuvent avoir dans quelqu’une des langues européennes. On n’emploie des lettres pourvues de signes accessoires destinés à en changer la valeur qu’en cas d’absolue nécessité, ce qui fait qu’elles sont peu nombreuses.

Ce recueil de fragments du Kandjour et de quelques autres textes bouddhiques est sans doute imparfait à bien des égards. Il s’en faut que tout y soit absolument nouveau. Même, parmi les traductions qui y paraissent pour la première fois, il y en a dont le sujet était déjà connu par des analyses insérées dans les ouvrages qui ont été publiés sur le Bouddhisme. Malgré cela, nous aimons à croire qu’il ne sera pas dépourvu d’intérêt et qu’on y apprendra quelque chose. Le Kandjour est si peu connu et il est si vaste que les efforts faits pour ajouter à ce qu’on sait ont peut-être le droit de réclamer quelque attention. Il est vrai que l’étendue de ce recueil ne doit pas faire illusion : les mêmes textes y sont répétés bien souvent ; même parmi ceux qui diffèrent le plus, certains développements reviennent fréquemment dans des termes identiques. Bref, les redites y abondent, tant pour le fond que pour la forme. Si l’on réussissait à condenser tout ce qu’il contient d’original en supprimant ces répétitions multipliées, on arriverait à composer un recueil d’une masse bien inférieure à celle de la compilation existante, mais peut-être tout aussi instructive. Le volume que nous offrons au lecteur n’a certes pas la prétention d’être cet abrégé. Pour faire convenablement un tel travail, il faudrait avoir lu tout le Kandjour, et en avoir extrait plus de matériaux que nous ne l’avons fait. Nous ne cacherons pourtant pas que, dans notre pensée, ce volume pourrait être une portion au moins de cet abrégé ; et nous n’abandonnons pas l’espoir, nous ne dirons pas de le compléter, ce qui serait une prétention extravagante, mais d’y ajouter quelque jour un supplément, si le lecteur ne fait pas un trop mauvais accueil à ce premier essai, et si Dieu nous donne de pouvoir continuer nos travaux.