Imprimerie officielle (p. 84-86).

LE FORT DESAIX


Un autre fort dont la position fut considérée comme plus avantageuse que celle du Fort Royal, a été construit à 150 mètres environ au-dessus de la ville, au morne Garnier dont l’importance avait été révélée au cours de deux attaques. Le duc de Choiseul envoya des instructions au Directeur du génie le chargeant d’y élever des fortifications qui recevraient le nom de fort Bourbon[1].

Il fut achevé par les soins et sous la direction de M. de Geffroy, directeur général du génie des îles de l’Amérique[2]. Alors qu’il était projeté, le comte d’Ennery écrivait en France, le 11 septembre 1765. « Je ne négligerai rien à cet égard et je vous promets pour ma part la plus grande exactitude et vigueur, j’irai m’établir dans une case du Mont Garnier avec mes travailleurs et si ma santé se soutient bonne, comme je l’espère, je ne sortirai pas beaucoup des travaux et des ateliers[3] ».

Détruit en 1759, il a été restauré en 1763 par le gouverneur Marquis de Fénelon.

En 1771 il était terminé Rochambeau, gouverneur de la Martinique, lui donna le nom de fort de la Convention en 1793. L’année suivante, enfermé dans cette citadelle, il supporta tout l’effort des anglais de Sir Charles Grey.

« Le bombardement dura, avec force, plus de 14 jours. Rochambeau et ses héros se défendaient en désespérés, et pendant tout ce temps de carnage et de destruction, ils purent à peine goûter deux heures de repos : ils étaient continuellement sur la brèche ou aux batteries. Cette immortelle garnison en était réduite à un point qu’il ne restait plus qu’un canon dans le fort en état de service ; il n’y avait pas un pouce de terrain qui ne fut atteint par les boulets et les mortiers ennemis[4] ».

C’est alors que Rochambeau dut se rendre, mais la garnison sortit du fort, « enseignes déployées », ainsi qu’il était convenu dans la capitulation du 22 mars 1794[5].

Des héros qui se vouèrent avec lui à la défense du sol français, résolus à verser pour la patrie la dernière goutte de leur sang et qui subirent avec lui toutes les rigueurs d’un siège de 30 jours, l’histoire a conservé les noms de :

Allègre, Arnaud, D’Aucourt, Bacquié, Barthélémy, Denis Bonnet, Borde, Boulin, Calamette, Desmaz, Dorange, Doussedebesse, Dupeyron, Dupriret, Gaschet, Barthélémy Guy, de Grandmaison, Lacroix, deux Lafargue, Lanneau, Lépine, Marlet, Maugé, Morancy, Moras, Mesle, Octavius, Panis, Parmeau, Peslage, Pontonnier, Pupier, Louis Thore, Mme de Tully[6].

L’héroïque Delgrès s’est trouvé aussi aux côtés de Rochambeau à cette heure historique[7].

Les anglais attaquèrent une seconde fois le fort et le firent sauter le 24 février 1809 en s’emparant de la Martinique. L’amiral Villaret Joyeuse, gouverneur de l’île, qui y était enfermé, avait capitulé sans épuiser tous les moyens de défense[8].

Un arrêté consulaire précité du 18 avril 1802 (8 Floréal an X) lui a décerné le nom de fort Desaix[9].

Il communique avec la redoute Bouillé par une galerie souterraine qui existe encore.

La Barrière, capitaine du génie et sous-directeur des fortifications, raconte que : « lorsque les anglais occupèrent la Martinique de 1809 à 1814, ils exprimèrent une grande admiration pour le fort Bourbon et tenaient beaucoup à l’entretenir, dans la persuasion que l’île leur resterait.

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Le mal, toutefois, continue la Barrière, n’est pas si étendu qu’on se l’imagine tout d’abord, plusieurs parties du fort n’ont subi aucun dommage.

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La lunette de l’avancée qu’on appelle redoute Bouillé est entièrement conservée[10]. » Dans le même ordre d’idées il est dit dans un rapport de mars 1815 adressé au Ministre de la marine que les Anglais n’ont rien détruit à Fort Royal qui a été remis à peu près dans le même état où il était lors qu’ils s’en emparèrent[11].

Un projet de reconstruction du Fort Bourbon était établi le 27 octobre 1827[12] ainsi que divers plans[13].

Tessier a émis l’avis le 18 mars 1829 que le Colonel y fut logé si on y installait la plus grande partie des Troupes[14] et l’Amiral de Gueydon érigea une partie des casernes en maison de force et de correction en 1854[15].

  1. Histoire politique et économique de la Martinique par M. Bambuk p. 243
  2. Annales du Conseil Souverain, Tome 1er
  3. Arch. Min. Col. n° 269.
  4. Histoire de la Martinique par Sidenay Daney Tome 4, page 396.
  5. Code de la Martinique, Tome 4, page 245.
  6. Code de la Martinique, Tome 5, page 393.
  7. Discours de M. Severe du 21 décembre 1935.
  8. Annuaire de la Martinique, année 1931, page 94.
  9. B. O. Martinique année 1848, page 212.
  10. Arch. Min. col. n° 933. Notice sur la Martinique et sur ses moyens de défense. 6 septembre 1838.
  11. Arch. min. col. n° 505.
  12. Archives Ministère Colonies n° 737.
  13. Archives Ministère Colonies n° 738 à 740.
  14. Archives Ministère Colonies n° 770.
  15. Arrêté du 6 janvier 1854. B. O. Martinique, année 1854.