(p. -tdm).

FLORENCE

LÉGENDE HISTORIQUE, PATRIOTIQUE ET NATIONALE

par
RODOLPHE GIRARD


ILLUSTRATIONS DE GEO. DELFOSSE


DEUXIÈME ÉDITION


MONTRÉAL

MCM


Enregistré, en l’année 1900, au Ministère de l’Agriculture à Ottawa, conformément à l’Acte des Droits d’Auteur.



À vous,
mère bien-aimée,
je dédie respectueusement
cette légende
comme tribut de
reconnaissance
et d’amour
filial
R. G.



Montréal, Noël, 1899.


PRÉFACE.


Florence ! — La grâce, la fraîcheur, avec les parfums des cassolettes orfévries qui parsèment nos prés au renouveau, comme les étincelles serties d’or, à la parole divine, jonchent les plaines infinies du firmament !

C’est une Légende que, sous ce titre, l’auteur — à l’âge des fleurs : à peine compte-t-il vingt printemps — nous présente ; et cette légende est historique. Elle est surtout et avant tout patriotique.

Dans sa superbe conférence sur l’Idée de la Patrie, M. Brunetière « affirme la nécessité de conserver le lien avec le passé. Tout libre-penseur[1] qu’il est, il reconnaît et exalte la longue série des siècles remplie des exploits de la France chrétienne. »

La série des siècles du Canada remplie des exploits de nos ancêtres chrétiens ne s’étend que de 1609 à 1838, mais dans nos veines coule le sang de ceux qui ont, avec les moines et les évêques, « fait la France comme l’abeille fait la ruche. » Pourquoi faut-il que nous nous endormions dans la fausse sécurité de ce qu’on nomme les libertés accordées par l’Angleterre ? Et pourquoi faut-il que nos hommes les plus clairvoyants succombent aux effets pernicieux de ce soporifique ?

N’est-ce pas, que ces paroles de M. Brunetière pour la France s’appliquent admirablement à notre pays : « …c’est un crime et une folie de dilapider l’héritage du passé, d’en jeter comme au vent la poussière et de hasarder ainsi l’avenir de la patrie commune pour la satisfaction d’un intérêt de secte ou de parti ? » En quelque lieu qu’il soit, celui qui aime sa patrie est capable des plus nobles passions : s’il n’aime Dieu, il en est bien près.

Qui donc osait formuler un jour cette sentence insolente, mensongère : « Heureux les peuples qui n’ont pas d’histoire ! » — Avec M. Brunetière nous lui répondrons que chez ces peuples l’idée de la patrie manque « de son fondement le plus solide, manque aussi de largeur, de force et de générosité. »

La Nouvelle France n’a-t-elle pas écrit du plus pur de son sang son épopée glorieuse ?

Le sujet du roman de notre jeune auteur a été choisi dans la dernière époque de l’histoire héroïque du Canada. Sans vouloir trancher ici la question de la légitimité du mouvement de 1837-38, nous voulons rendre hommage aux braves qui virent mieux et plus loin alors que notre génération indifférente, énervée par son égoïsme, sa division de partis. Le commencement du réveil, réveil qui sera terrible, c’est à prévoir, est la participation, forcée peut-être, injustifiable à coup sûr, à la politique de l’Empire, à ses querelles.

Plût à Dieu que les Canadiens-français eussent encore le courage, l’énergie montrée par leurs pères !

C’est donc un bien que l’auteur ait écrit ce livre vibrant de patriotisme, surtout en ces temps de platitude et de courbettes devant le fort : le puissant fût-il l’être individuel ou collectif le plus injuste, le plus cruel que la terre ait porté.

Son roman est la glorification des plus belles vertus : ce n’est pas un roman à la mode, commençant par des roucoulements quelconques pour se terminer par le mariage. Son roman est original, bien conçu, bien écrit : il a mis son cœur partout.

Il a évité le banal, les expressions fautives trop en vogue encore, hélas ! et qui défigurent un ouvrage, quelque bien agencée qu’en soit la trame.

L’intrigue est bien conduite : peu de personnages figurent sur la scène, l’esprit ne se fatigue pas.

Une seule réserve s’impose au critique comme à l’auteur catholique : c’est quand il s’agit de cette barbarie bouffonne — si l’accouplement de ces deux expressions est permis — : le duel.

L’Église, dans sa maternelle sollicitude et devant la sublime grandeur d’une vie, excommunie les duellistes et tous ceux qui prennent une part quelconque au duel ; le bon sens répudie énergiquement ce triste moyen de laver l’honneur : le bon sens et l’Église, cela se conçoit, ont raison.

Ceci dit, nous adressons à l’auteur nos plus chaleureuses félicitations et souhaitons qu’il continue à écrire : il est un de ceux qui feront honneur à leur patrie. La manière d’agir de ceux qui s’arrogent le droit de censurer, mieux intentionnés sans doute qu’ils ne le donnent à croire, semblait interdire toute production aux jeunes écrivains canadiens : M. Rodolphe Girard ne s’en est nullement préoccupé.

Il a bien fait.

Pour me résumer, j’augure toutes sortes de bonnes qualités à un jeune homme qui aime passionnément sa religion et sa patrie ; qui sait dire franchement à l’Angleterre que jamais il ne la suivra dans ses injustices ni ne versera une goutte de son sang pour elle ; qui, en de beaux et mâles accents, ose se dire Canadien-français sans la moindre fausse honte.

En ce temps de lâchetés, de compromissions, où l’on regarde le combat du haut du mont pagnote plutôt que de descendre crânement dans l’arène, il est bon de voir les jeunes relever la tête et dire comme nos ancêtres :

« Je plie le genou devant Dieu, mais pas devant les puissants, surtout s’ils sont injustes ! »

Potius mori quam fœdari !

Un regret pour terminer : c’est que notre auteur ait cru devoir nous demander la préface de son joli roman. C’est pour nous un grand honneur, mais nous ne le méritons pas. Sa bienveillance lui a exagéré nos moyens, notre autorité : si cette préface n’était finie, nous avouons humblement que nous n’oserions pas la commencer.

Firmin Picard.



Montréal, le 25 novembre 1899.





TABLE DES MATIÈRES


I. 
L’Assaut 
 1
II. 
Jean Drusac 
 10
Double reconnaissance 
 19
IV. 
Je t’aime ! 
 29
V. 
Le combat 
 43
VI. 
La veille de la tempête 
 52
Sus à l’Anglais ! 
 62
Derniers beaux jours 
 80
IX. 
Digne de lui 
 91
X. 
Le triomphe dans la mort 
 103
XI. 
Le cimetière 
 115

  1. Depuis que cette préface est écrite, le grand critique français a totalement modifié sa ligne de conduite. Avec la noble franchise qui le caractérise, il est revenu sans réserve à la Foi.