)
Boehme et Anderer (p. 86-88).



ADIEU



Adieu, montagnes libanaises !
Je vais bien loin
De vos festons mauves et fraises
De clair satin.

L’Égypte où j’habite m’appelle,
Timbre profond ;
Et déjà vogue ma nacelle,
Rythme fécond !

Ô mer, murmure tes berceuses
Car j’ai bien mal !
Plaignez-vous, vagues langoureuses
Du sol natal !


Ah ! ne t’éloigne pas si vite,
Liban chéri !
Ce soir d’adieu mon cœur s’agite
Tout attendri…

Tes nuits ont mis dans ma prunelle
La sombre nuit
Et dans mon âme une parcelle
D’éclair qui luit ;

Les dentelles de tes cascades
Ont fait mon cœur
Tissé de fleurs, de sérénades,
D’amour berceur ;

Aux caprices de ta nature
J’ai pris les miens,
De tes bois où l’Esprit murmure ;
Mes entretiens ;

Et mon âme est parfois sauvage
Comme un oiseau
Qui rêve lors de son passage
Au bord de l’eau.


Et parfois je me sens si douce,
Douce à pleurer,
Rien qu’à toucher la tendre mousse,
Où l’effleurer…

Ce soir je te vois, c’est un rêve
Et qui finit !
Tu disparais, au chagrin trêve
Adieu, mon nid !!

Je t’aime, ô Liban, je t’adore !
Liban, adieu !
Dans ce mot mon cœur s’évapore…

Adieu ! Adieu !