Fleur fatale (Verhaeren)

Poèmes (IIe série)Société du Mercure de France (p. 43-44).
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FLEUR FATALE


L’absurdité grandit comme une fleur fatale
Dans le terreau des sens, des cœurs et des cerveaux.
Plus rien, ni des héros, ni des sauveurs nouveaux ;
Et nous restons croupir dans la raison natale.

Je veux marcher vers la folie et ses soleils,
Ses blancs soleils de lune au grand midi, bizarres,
Et ses lointains échos mordus de tintamarres
Et d’aboiements, là-bas, et pleins de chiens vermeils.


Lacs de roses, ici, dans la neige, nuage
Où nichent des oiseaux dans des plumes de vent ;
Grottes de soir, avec un crapaud d’or devant,
Et qui ne bouge et mange un coin de paysage.

Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,
Mouche, dans un rayon, qui s’agite, immobile :
L’inconscience gaie et le tic-tac débile
De la tranquille mort des fous, je l’entends bien !