Flambeaux éteints/Les êtres de la nuit

Flambeaux éteints
Flambeaux éteints : poèmesEdward Sansot & Cie (p. 43-46).


LES ÊTRES DE LA NUIT


Les êtres de la nuit et les êtres du jour
Ont longtemps partagé mon âme, tour à tour…
Les êtres de la nuit m’ont fait craindre le jour…

Car les êtres du jour sont triomphants et libres
Nulle secrète horreur ne fait vibrer leurs fibres,
Ils ont le pas marqué de ceux qui naissent libres.


Les êtres de la nuit sont lents, passifs et doux,
Leur âme est comme un fleuve obscur et sans remous,
Leurs gestes sont furtifs et leurs rires sont doux.

Mais les êtres du jour ont des prunelles claires,
De ce bleu que voient seuls les aigles dans leurs aires…
Les êtres du jour ont des prunelles très claires.

Ce sont des bâtisseurs, des héros et des rois,
Des princesses du Nord au fond des palais froids.
Ils ont le large front des héros et des rois.

Les êtres de la nuit sont craintifs, — mais dans l’ombre
Un phosphore inconnu luit en leur regard sombre :
Les êtres de la nuit sont ranimés par l’ombre.

Les êtres de la nuit sont faibles et charmants :
Ils trompent, — et ce sont de fugitifs amants,
Des maîtresses aux cœurs perfides et charmants.


Le souffle d’un baiser cruel emplit leur bouche,
Et leur pas se dérobe ainsi qu’un vol farouche.
On ne boit qu’un baiser décevant sur leur bouche.

Il faut craindre la voix des êtres de la nuit
Car leur corps souple glisse entre les bras et fuit
Et leur amour n’est qu’un mensonge de la nuit…