Firman du Grand-Seigneur

FIRMAN DE LA SUBLIME PORTE ACCORDANT AMNISTIE À TOUS LES RAYAS RÉVOLTÉS.

La pièce suivante vient de nous parvenir : elle est traduite littéralement du turc, et nous pouvons en garantir l’authenticité.

Firman adressé au très-illustre Visir Alish pacha, gouverneur actuel de la province de Tzermen, dont la résidence est à Andrinople.

« La paix entre la Sublime Porte et la cour de Russie étant maintenant conclue, un illustre commandement, émané il y a peu de temps, enjoignait à Méhémet-Vedjihi, pacha à deux queues, ci-devant Caïmacan à Andrinople, de prendre toutes les mesures propres à faire rentrer dans leur patrie, lors de l’évacuation, les habitans musulmans et rayas d’Andrinople et des pays circonvoisins envahis, ainsi que l’a voulu le destin, lesquels s’étaient dispersés soit d’un côté, soit de l’autre, et à leur faire reprendre à tous leurs fonctions ordinaires, en s’occupant, comme par le passé, d’agriculture, d’industrie et de commerce, et vivant tranquilles et contens à l’ombre de ma majesté impériale. Nul doute qu’il ne se soit empressé d’agir en conformité de ses ordres.

« Il est pourtant parvenu à ma connaissance souveraine que des rayas établis à Andrinople ainsi que dans les districts, bourgs et villages situés aux alentours de ladite ville, ayant, par suite de la guerre, tenu une certaine conduite, il leur est entré dans l’esprit qu’ils recevront des reproches de la part de ma Sublime Porte ; et dès lors la peur s’est emparé d’eux.

« Mais le fait est que non-seulement les portes du pardon et de ma clémence impériale sont toujours ouvertes à ceux qui témoignent du repentir de leur conduite passée et en demandent l’oubli : mais encore que le gouvernement ottoman regarde les rayas dont il s’agit, comme amnistiés, eu égard à la paix salutaire qui vient d’être conclue.

« En conséquence, quelle qu’ait été la conduite tenue par ces rayas pendant la guerre, elle doit être ensevelie dans un éternel oubli. Nul ne sera recherché pour sa conduite passée. On fera voir à tous qu’on leur a pardonné, et tant qu’ils se tiendront dans les bornes de la droiture et de la fidélité comme rayas, mon premier besoin est que ma Sublime Porte s’occupe à assurer de toutes les manières leur repos et leur prospérité.

« Ma volonté impériale étant que vous ayez à faire connaître publiquement ces injonctions et ces vœux souverains à tous mes rayas de la haute et de la basse classe, qui habitent les lieux soumis à votre juridiction ; que d’après l’intelligence et la sagacité qui vous caractérisent, vous les rassuriez et les tranquillisiez tous ; que vous fassiez en sorte qu’ils s’occupent paisiblement, comme par le passé, à cultiver les champs, à exercer les métiers et à faire le commerce, et que vous tâchiez, par tous les moyens possibles, de m’attirer leurs bénédictions, le présent commandement impérial, qui a pour but de confirmer les ordres déjà donnés à cet égard, et de prescrire de la manière la plus pressante leur exécution, est émané ad hoc en vertu de mon hatti-shériff et expédié par N… N.

« Les rayas, dans toute l’étendue de mon empire, sont un dépôt que Dieu a confié à ma garde souveraine. Cela étant, quelle que puisse avoir été, durant la guerre, la conduite de quelques-uns d’entr’eux, par déférence pour la paix salutaire qui a été conclue, aucun d’eux ne sera recherché ni à présent ni à l’avenir. Tant qu’ils seront fermes dans le cercle des devoirs de la condition de rayas, ils n’auront, certes, aucun mal à craindre ni de la part de ma Sublime Porte ni de celle de ses autorités. Mais vous leur ferez savoir à tous que, reconnaissans pour cette marque de ma faveur impériale, ils doivent aussi de leur côté se comporter, en chaque occasion, de manière à prouver leur gratitude.

« Lorsque vous saurez que ma volonté souveraine et absolue est que vous preniez les mesures nécessaires pour que les rayas en question ne soient, en aucune manière, molestés à l’avenir, de la part de qui que ce soit, vous mettrez tous vos soins à agir ainsi qu’il vous est indiqué.

« Emané au commencement de Djémaziul-Ahir, 1245 (dans les premiers jours de décembre 1829). »

Copie de ce firman a été expédiée à Yussuf-Pacha, nazir de Samako, pour en faire connaître la teneur aux rayas des districts qui sont sous sa juridiction, afin de les rassurer et de les engager à rentrer dans la soumission.

Constantinople… décembre 1829.