Firman de la Porte pour la mise en liberté des esclaves grecs

SMYRNE. (13 novembre.) — Firman de la Porte pour la mise en liberté des esclaves grecs. — La Porte vient d’ordonner, par une circulaire visirielle, la mise en liberté de tous les chrétiens devenus esclaves à la suite des événemens de la révolution grecque. Cette résolution de la Porte éprouvera sans doute de grandes difficultés, surtout dans les provinces éloignées. Toutefois, nous apprenons déjà que les conseils européens, dans les Échelles de l’Asie-Mineure, se louent de l’appui bienveillant que leurs démarches ont trouvé auprès des Cara Osman Oglou, à Magnésie, à Vourla, partout où commandent les membres de cette famille patriarcale. Voici ce firman.

Traduction d’une circulaire visirielle adressée aux juges, naybs, gouverneurs, musselims, ayans, etc., de toutes les villes, bourgs et villages de la droite de la Natolie, en Asie-Mineure.

« À l’époque où des sujets séditieux proclamèrent la révolte en se déclarant rebelles envers leur maître et bienfaiteur, le chef de la sublime Porte Ottomane, une sentence fut, suivant la loi sacrée, rendue par le mufti contre les révoltés, afin que tous ceux qui persévéreraient dans leur trahison et leur insolente sédition fussent punis. L’armée turque qui marchait contre eux les châtia et les battit, tant qu’ils persistèrent dans leur rébellion, et leurs enfans ainsi que leurs familles furent faits prisonniers et réduits en esclavage. Mais, toujours magnifique et miséricordieux envers ceux qui ont demandé grâce et protection, notre souverain, quoique fortement irrité, veut bien, par pure commisération, leur accorder le pardon qu’ils implorent, assurer leur tranquillité et les rétablir dans leurs foyers.

» À cet effet, considérant que, parmi les esclaves qui furent faits et ensuite vendus et achetés, il en est qui se sont trouvés disposés à recevoir les lumières de Mahomet et ont eu le bonheur d’être admis à la véritable croyance ; qu’il en est d’autres qui sont demeurés dans la religion chrétienne, et qui manifestent sans cesse le désir de retourner dans leur patrie ; que ces derniers, par leurs continuelles tentatives de fuite, finissent par n’être d’aucune utilité à leurs maîtres ;

» Considérant d’ailleurs, qu’actuellement que la paix et l’ordre règnent à l’ombre protectrice de S. M. I., qui ne veut tolérer aucune fraude ni violence, lesdits esclaves qui servent depuis long-temps, et qui, les regards toujours fixés vers leur patrie, sont restés fermes dans leur foi, ne sont retenus en esclavage que par la force ; que, s’ils recouvraient leur liberté et étaient renvoyés dans leurs pays, l’empire y gagnerait en population, et les maîtres qui les auraient délivrés acquerraient des droits à leur reconnaissance ;

» En conséquence donc, vous aurez soin de faire publier et d’expliquer la présente ordonnance à qui de droit, et vous veillerez à son exécution, c’est-à-dire que vous ferez délivrer tous les esclaves, hommes et femmes, qui n’ont pas embrassé la religion mahométane. Pour atteindre ce but, vous ferez comparaître devant vous les esclaves et leurs maîtres, et vous ferez envisager à ceux-ci qu’ils se font peu d’honneur et se privent de toute estime en obligeant des esclaves qui refusent de renoncer à leur croyance, de les servir par force. Observez bien que cet ordre suprême ne s’étend pas à ceux des esclaves qui ont embrassé l’islamisme ; veillez au contraire attentivement à ce qu’aucun de ces derniers ne puisse fuir, et faites punir conformément aux lois ceux qui en auraient manifesté l’intention. Quant à ceux qui sont restés chrétiens, vous les ferez délivrer, vous leur ferez fournir les sommes nécessaires pour retourner dans leur patrie, et vous me transmettrez la liste de tous ceux qui auront profité du bénéfice de la présente ordonnance.

Timbré du sceau visiriel.