Festons et astragales/Les Raisins
Les Raisins
Dans la vigne, au mur étalée,
La lune glisse lentement,
Et, sous la feuille dentelée,
Caresse le raisin dormant.
Tout à coup la grappe en alerte
S’éveille et croit le jour venu ;
Chaque grain, gonflant sa peau verte,
Frissonne au vent comme un sein nu.
Chaque bourgeon, rouge de honte,
Semble une perle de corail ;
Le tronc frémit, la sève monte,
Toute la vigne est en travail.
Clarté menteuse ! erreur fatale !
Ô vigne, reprends ton sommeil ;
Ce n’est point à ce reflet pâle
Que ton sang deviendra vermeil.
Pampres pressés, attendez l’heure,
L’aube du jour est loin encor,
Et ce rayon qui vous effleure
Est plus froid qu’un baiser de mort !