Federic de Sicile/Le Libraire au lecteur

Jean Ribou (p. 3-6).

LE LIBRAIRE AU LECTEUR.

Il m’est tombé entre les mains cette Hiſtoriette que je vous preſente, amy Lecteur. Le plan en a eſté tiré ſur une nouvelle Eſpagnole, qui en a fourni l’idée generale ; mais la maniere dont il eſt écrit a paru ſi neuve & ſi delicate aux plus éclairez, que j’ay crû que cet ouvrage feroit honneur à noſtre langue. Le ſtile en eſt pur & ſerré, les penſées naturelles, les expreſſions vives & d’un tour tres particulier. Au reſte l’Autheur prend autant de ſoin de ſe cacher & a autant de modeſtie que ſon ouvrage a de beautez, tout ce que j’en ay pû apprendre eſt qu’il vient d’une perſonne dont le ſexe, la jeuneſſe, & le merite inſpirent des ſentimens auſſi tendres que ceux qu’elle écrit, & qu’on ne croira jamais, quoy que ce ſoit la verité, que ce Livre ſoit le coup d’eſſay d’une perſonne de dix-sept ans. J’ay crû, amy Lecteur, devoir vous inſtruire en paſſant de cette circonſtance, elle est aßez particuliere pour vous donner de la ſurpriſe, & ſans doute, de l’admiration. Cependant s’il s’estoit gliſſé quelques fautes dans cet ouvrage, l’Autheur n’en est nullement coupable, puis qu’il y a plus d’un an qu’il eſt ſorti de ſes mains, & ſur tout ſongez que la ſatyre feroit trop de peur à une jeune perſonne qui n’a entendu juſqu’icy que des loüanges, & qui les merite ſi bien.