Fables originales/Livre III/Fable 18

Edouard Dentu (p. 81-82).

FABLE XVIII.

La Belette


Avec un babil indiscret
Une belette pérorait
Sur le tiers, sur le quart, sur chacun, sur chacune,
Plus que pas une
Elle eût rendu des points aux portiers de Paris
Commérant faubourg Saint-Denis.
L’ourson, d’après la dame, était un pauvre hère,
L’âne chargé du bât, un mauvais caractère,
Le chat cagot
Le singe sot ;
Le tigre avait aussi trop peu d’intelligence
Pour transmettre à sa descendance
Les annales des animaux
Sauvés des eaux
De l’effrayant déluge,
Pendant lequel Noé leur offrit un refuge

Dans son bateau tout neuf. — Ma Mie, intervint l’ours,
Est-ce pour vous venger que vous avez recours
À l’infernale médisance
Qui fait le fond de vos discours
Et de votre éloquence ?
La Belette répond : non point ; tout au rebours
Vous êtes des amis que je chéris toujours.
— Pourtant vous nous traitez d’une étrange manière.
— Ce n’est que pour parler, repartit la commère.

Parler ! voilà le mot, terrible, malfaisant.
Du bavard médisant.
On aime son prochain, on estime son frère.
Et par légèreté, sans haine ni colère,
On le décrie à tout instant.