Fables originales/Livre II/Fable 03

Edouard Dentu (p. 36-37).

FABLE III.

Le Moineau


Un moineau de Berlin voyant une hirondelle
Sans effort apparent, sans agiter son aile,
Voler, nager dans l’air comme poisson dans l’eau,
Voulut imiter cet oiseau.
Délaissant sa douce couveuse,
Il part avec la voyageuse.
En quelques tours,
Mille détours,
L’hirondelle planait au-dessus de la ville,
Hapait atomes, moucherons,
Bestions.
L’imitateur bien moins agile,
Suivait péniblement son vol
Du bleu du ciel au ras du sol.
Il la quitta soudain pour tracer dans l’espace
Les orbes du faucon. Un éclair le dépasse.

C’est l’aigle qui s’élève et fixe le soleil.
L’ambitieux moineau droit au globe vermeil
Vole, mais aveuglé, retomba sur la terre,
Tous les membres brisés, les ailes en poussière.
Grâce à ce fabliau, nous savons désormais
Que les ambitieux ne s’arrêtent jamais.