Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/2/Le Soleil et les Grenouilles

Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Le Soleil et les Grenouilles.

XII.

Le Soleil & les Grenoüilles.


Aux noces d’un Tyran tout le Peuple en lieſſe
Noyoit ſon ſoucy dans les pots.
Esope seul trouvoit que les gens eſtoient ſots

De témoigner tant d’allégreſſe.
Le Soleil, diſoit-il, eut deſſein autrefois
De ſonger à l’Hymenée.
Auſſi-toſt on ouït d’une commune voix
Se plaindre de leur deſtinée
Les Citoyennes des Étangs.
Que ferons-nous, ſ’il lui vient des enfants ?
Dirent-elles au Sort, un ſeul Soleil à peine
Se peut ſouffrir. Une demi-douzaine
Mettra la Mer à ſec, & tous ſes habitans.
Adieu joncs & marais : notre race eſt détruite.
Bien-toſt on la verra reduite
À l’eau du Styx. Pour un pauvre Animal,

Grenoüilles, à mon ſens, ne raiſonnoient pas mal.